Cholestase biologique

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  Auteur(s) : Dr Shanan Khairi
  Date de dernière édition : 27/09/2024

Une "cholestase biologique" est définie comme une augmentation sérique conjointe des Gamma Glutamyl Transpeptidases (GGT), de l'activité des phosphatases alcalines (PAL) et de la bilirubine. Elle peut être d'évolution aiguë ou chronique selon son étiologie.

Elle correspond aux manifestations biologiques d'une cholestase, définie comme une diminution du débit de bile dans le duodénum.

Classification et étiologies

Classiquement on classe les causes de cholestase selon le siège intra ou extra-hépatique de l'anomalie. En voici une liste (non exhaustive) :

Cholestase intra-hépatique

  • Hépatites virales
  • Hépatites médicamenteuses et toxiques
  • Hépatite et cirrhose alcoolique
  • Cirrhose biliaire primitive
  • Cholestase gravidique
  • Métastases et tumeurs hépatiques
  • Vasculites hépatiques (ex : fréquentes dans les maladies de Horton, voire dans les pseudo-polyarthrites rhumatoïdes isolées)

Cholestase extra-hépatique (atteintes des voies biliaires extra-hépatiques)

  • Lithiase biliaire
  • Tumeur (++ néoplasies) de la tête du pancréas
  • Sténose bénigne de la voie biliaire principale (++ post-chirurgicale)
  • Cancer des voies biliaires
  • Pancréatites et pseudo-kystes pancréatiques
  • Cholangite sclérosante
  • Angiocholite

Une cholestase biologique peut se rencontrer dans diverses autres situations : cholestase récurrente bénigne (clinique et biologique avec GGT peu altérés, débute chez l’adulte jeune), nutrition parentérale (plus de 20% des patients sous nutrition parentérale développent une cholestase multifactorielle), cholestases néonatales (sur atrésie des voies biliaires, infections, anomalies congénitales du métabolisme,...),...

Certains préfèrent une classification étiologique selon le type de mécanisme, métabolique ou obstructif.

Clinique

  • Manifestations cardinales :
    • Ictère (bilirubine) et prurit (acides biliaires), urines foncées et selles décolorées
  • Autres manifestations possibles :
    • Xanthomes et xanthélasma (accumulations locales de lipides, fréquemment au niveau des paupières)
    • Anneau de Kayser-Fleischer (anneau brunâtre en périphérie de l'iris dû à l'accumulation de cuivre)
    • Signes de malabsorption (acides biliaires) : stéatorrhée et amaigrissement (graisses), héméralopsie (vitamine A), ostéomalacie (vitamine D), neuromyélopathie (vitamine E), hémorragies (vitamine K), amaigrissement
  • Manifestations variables selon la cause : fièvre, dégradation de l'état général, signes d’insuffisance hépatique et encéphalopathie, douleurs abdominales, signes d’hypertension portale, hépatomégalie, adénopathies, céphalées, troubles de la vue, douleurs scapulaires,…

Anneau de Kayser-Fleischer

Ictère (jaunisse) avec ictère conjonctival prononcé

Diagnostic étiologique

Le contexte clinique, un complément de base de biologie et une échographie abdominale suffisent généralement à établir l'étiologie de la cholestase.

  • Anamnèse (traitement, drogues, alcool, facteurs de risque d'hépatites, chirurgie abdominale, HIV, voyages) et examen clinique
  • Biologie : augmentation des GGT, PAL et bilirubine conjuguée (= cholestase biologique) et 5’-nucléotidase (plus spécifique que les PAL), cholestérol, acides biliaires, (+- anomalies de la coagulation), CRP, VS, hémogramme.
    • Hyperneutrophilie → angiocholite ? hépatite alcoolique ?
    • Leucopénie → hépatite virale ?
    • hyperéosinophilie → hépatite médicamenteuse ?
    • Anémie → saignement ou cancer ?
    • Polyglobulie → paranéoplasique ?
    • Transaminases
      • très élevées → hépatites (les CMV, EBV, HAV sont particulièrement à rechercher en cas d’hépatite cholestatique) ? (des GOT > GPT évoquent une origine éthylique)
      • élevées → obstacle biliaire ?
      • modérément élevées : peut se rencontrer dans les cholestase de tous types
    • Hypergammaglobulinémie : hépatopathie chronique ?
    • Sérologie des hépatites virales
    • Recherche d’auto-anticorps (anti-muscles lisses, antimitochondries, anti-LKM)
    • Céruloplasmine et Cu, stigmates biologiques d'éthylisme, α-1-antitrypsine,…
    • VS élevée → aspécifique, toujours penser à un Horton ou une PPR chez sujet âgé
  • Exclusion des urgences dans les contextes aigus : angiocholite (triade ictère, douleurs abdominales, fièvre ! présente au complet dans seulement 1/ 3 des cas, hyperneutrophilie) (échographie ou cholangio-RMN en cas de doute), hépatite aiguë (transaminases très élevées)
  • Contextes évocateurs :
    • antécédent de cholécystectomie pour lithiase : lithiase de la voie biliaire principale
    • Ictère progressif avec dégradation de l'état général (souvent grosse vésicule et prurit) : néoplasie de la tête du pancréas ou des voies biliaires
    • Alcoolisme et clinique pseudoangiocholitique : hépatite alcoolique
    • Hépatopathie connue : rechercher cause de décompensation
    • Grossesse : stéatose aiguë gravidique (3ème trimestre, douleurs abdominales, fièvre, ictère, hypertension artérielle, hypertransaminasémie, chute du facteur V), cholestase intrahépatique gravidique, pré-éclampsie
    • Si HIV+ ou immunodéprimmé: éliminer infection à Gram négatif ++, CMV et cryptosporidiose
    • Alimentation parentérale
    • Céphalées ou troubles visuels aigus → Horton ?
    • Douleurs scapulaires → pseudo-polyarthrite rhumatoïde ?
    • Cardiopathie connue : foie de stase (hépatomégalie douloureuse, reflux hépato-jugulaire)
    • CREST syndrome : cirrhose biliaire primitive ?
    • Crohn ou RCUH : cholangite sclérosante ?
    • Sarcoïdose ou collagénose : atteinte granulomateuse ?
  • Echographie abdominale :
    • principalement utile pour mettre en évidence une dilatation des voies biliaires (cholestase extrahépatique)
    • Permet le diagnostic dans 75% des cas
  • Cholangio-RMN
    • peut être utile pour les lithiases, tumeurs, pancréatite et kystes pancréatiques
  • Echo-endoscopie
    • peut être utile pour les tumeurs de l’ampoule et lithiases dans le cholédoque
  • (Ponction)-biopsie hépatique
    • rarement réalisée, surtout utile dans les cholestases chroniques inexpliquées (cirrhose biliaire primitive ? cholangite sclérosante primitive ? sarcoïdose ou autre granulomatose ?...)
  • CT-scan abdominal injecté
    • même utilité et efficacité que l’échographie mais permet également d'effectuer un bilan à distance tumoral et est plus performant pour établir des complications
  • CPRE (cholangio-pancréatographie rétrograde)
    • surtout utile pour le diagnostic (et traitement) pour les obstructions des voies biliaires

Prise en charge thérapeutique - Traitements

  • Etiologique si possible
  • Symptomatiques si nécessaire
    • Prurit :
      • Colestyramine (Questran)
      • Anti-histaminiques : utilité contestée
      • Rifampicine : efficace mais expose le patient à un risque d’hypersensibilité
      • En cas de prurit réfractaire : discuter les antagonistes opiacés
    • En cas de dénutrition importante : discuter la prescription d'acides gras à chaîne moyenne
  • Suppléments en cas de dénutrition importante ou de traitement par colestyramine : vitamines (K, A, D), gluconate de calcium

Bibliographie

Friedman LS, Approach to the patient with abnormal liver biochemical and function tests, UpToDate, 2022

Longo DL et al., Harrison - Principes de médecine interne, 18e éd., Lavoisier, 2013