Cirrhose biliaire primitive

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  Auteur(s) : Dr Shanan Khairi
  Date de dernière édition : 22/09/2024

La cirrhose biliaire primitive (CBP) est une maladie chronique cholestatique de cause inconnue. Elle se caractérise sur le plan morphologique par une inflammation portale et la nécrose des cellules des canaux biliaires de petits et moyens calibres, sur le plan biochimique par une cholestase longtemps anictérique et sur le plan immunologique par la présence quasi-constante d'anticorps anti-mitochondries. L'évolution clinique est progressive et très variable d'un patient à l'autre.

Elle est relativement rare, sa prévalence étant de 10 à 20/ 100.000 habitants, touche dix femmes pour un homme et prédomine dans la cinquantaine. Il existe un risque familial (prévalence de 4% dans les familles des malades).

Clinique

La cirrhose biliaire primitive se caractérise par une longue phase asymptomatique (5 à 10 ans) → possible découverte fortuite suite à la palpation d'une hépatomégalie, des anomalies isolées des tests hépatiques ou de manifestations extrahépatiques associées.

La sémiologie clinique la plus fréquemment rencontrée regroupe :

  • Prurit : présent dans environ 50% des cas au moment du diagnostic, souvent intermittent, prédominante le soir ou la nuit. Eventuellement associé à une hyperpigmentation, des zones de lichénification, un xanthélasma
  • Ictère : généralement tardif dans l'évolution
  • Signes de cirrhose (présent dans 10% des cas au moment du diagnostic) : hépatosplénomégalie, ascite, œdèmes, hémorragies digestives,…
  • Eventuels signes d'une pathologie auto-immune associée : syndrome sec, phénomène de Raynaud, signes d'une dysthyroïdie,…

Examens complémentaires

  • Biolologie : élévation marquée des GGT et PAL, élévation modérée des GOT et GPT, élévation des immunoglobulines prédominant sur les IgM, VS constamment augmentée, hypercholestérolémie prédominant sur les HDL, présence d'Ac anti-mitochondries
    • aux stades avancés : hyperbilirubinémie, thrombopénie, altération du PT, hypoalbuminémie
  • Biopsie hépatique : lésions de cholangite non suppurative des canaux biliaires interlobulaires et septaux, inflammation portale, paucité ductulaire (plus de 50% d'artères portales non accompagnées de canal interlobulaire, sévère si supérieure à 70%). Evolution vers une extension aux régions périportales devenant irrégulières et contenant des hépatocytes en nécrose entourés d'un infiltrat inflammatoire avec prolifération de ductules biliaires. L'évolution terminale des lésions est la cirrhose.
    • Nécessité d'un prélèvement d'au moins 15 espaces portes sur plusieurs segments (lésions focales)

Critères diagnostiques

  • Cholestase biologique (PAL, GGT)
  • Ac anti-mitochondries à > 1/100 par immunofluorescence
  • Si négatif → recherche en Western Blot
  • Signes de cholangite non suppurative et destruction des canaux biliaires de petite et moyenne taille à l'histologie

Principaux diagnostics différentiels

  • "overlap syndrome" = forme mixte associant des caractéristiques de la CBP et de l'hépatite auto-immune de type 1 → indication de traitement par acide ursodésoxycholique + corticothérapie ou immunosuppresseurs !
    • Meilleur critère : nécrose parcellaire modérée à l'histologie (++ si élévation marquée des IgG et transaminases)
  • Iatrogènes : phénothiazines, halopéridol, imipramine, amoxicilline, clavulanate
    • Généralement : cholestase, cholangite et ductopénie aiguë +- prurit, résolution endéans quelques semaines à mois après arrêt du traitement causal. Ac anti-mitochoondries négatifs. Possible évolution vers la fibrose et la cirrhose.
  • Cholangite sclérosante primitive : Ac anti-mitochondries négatifs, aspect cholangiographique caractéristique
  • Sarcoïdose compliquée d'une cholestase chronique sévère et d'hypertension portale dominant la clinique. En outre, l'association avec une sarcoïdose chez les patients CBP semble plus fréquente que dans la population générale
  • Ductopénie idiopathique de l'adulte : cholestase chronique d'étiologie inconnue survenant à l'âge adulte associée à une disparition des canaux biliaires intra-hépatiques. Critères nécessaires : Ac anti-mitochondries négatifs, pas de prise médicamenteuse incriminable, cholangiographie normale
  • Lymphomes se révélant par une cholestase, une inflammation portale et une ductopénie… exceptionnel

Maladies associées

  • Sclérodermie (10%)
  • Syndrome de Sjögren
  • Dysthyroïdies auto-immunes (15%)
  • Maladie cœliaque (1-3%)

Complications

  • Ostéopénie (dans 30 à 40% des cas au moment du diagnostic), ostéoporose, ostéomalacie (rare)
  • Déficits vitaminiques A, D, K dans les formes sévères
  • Hypertension portale, survenant généralement au stade de cirrhose, et ses complications hémorragiques
  • Hépatocarcinome (très rare)

Evolution - pronostic

  • Phase asymptomatique variable (moyenne = 6 ans).
  • Espérance de vie à 5 ans si asymptomatique au moment du diagnostic : 90%
  • Espérance de vie à 5 ans si symptomatique au moment du diagnostic : 50%
  • Marqueur de phase terminale : bilirubinémie supérieure à 100µmol/L quelque soit la clinique ou le traitement en cours → espérance de vie inférieure à 2 ans

Prise en charge thérapeutique - Traitements

  • Traitement de base = acide ursodésoxycholique → diminue la cholestase et les lésions inflammatoires dans les 6 mois + ralentissement de la fibrose
    • Stades précoces (stades histologiques I et II et bilirubinémie inférieure à 34µmol/l) sans prurit → 10 à 15 mg/ kg/ j PO
    • Stades avancés ou présence de prurit → commencer à 200mg/ j pour atteindre 1g/ j à partir du troisième mois
    • L'association avec des immunosuppresseurs est à l'étude
    • En  cas de non amélioration des tests hépatiques → rechercher une cause de résistance :
      • Incompliance
      • Maladie cœliaque associée
      • Overlap syndrome (association avec une hépatite auto-immune) → associer prednisone 15mg/j durant minimum 6 mois
      • Ductopénie sévère
      • Indéterminé
  • Si prurit invalidant → rifampicine 300mg/ j minimum 3 mois
    • Si persistance → tenter cholestyramine
  • Transplantation hépatique (possibles récidives mineures sans répercussion clinique) indiquée si :
    • Bilirubinémie supérieure à 100µmol/l
    • Association de 2 critères parmi :
      • Hyperbilirubinémie
      • Cirrhose compliquée d'ascite
      • Hypertension portale