Diminution brutale et durable de l'acuité visuelle
Date de dernière édition : 22/09/2024
Les diminutions brutales et durables de l'acuité visuelle représentent une situation peu fréquente en routine clinique. Bien qu'elles relèvent d'étiologies de gravités variables, elles jutifient une évaluation systématique aux urgences avec, selon les cas, un avis ophtalmologique et/ ou neurologique.
Une symptomatologie unilatérale évoque une lésion oculaire, de la rétine ou du nerf optique. Une symptomatologie bilatérale évoque une lésion des voies optiques ou cérébrale.
Les diminutiions brutales et transitoires (résolutives en quelques secondes à quelques heures) et les autres troubles visuels d'apparition brutale sont traités dans des chapitres séparés.
Anamnèse
Il faut d'abord exclure une diminution lentement progressive de l'acuité visuelle qui ne relève jamais du cadre de l'urgence et peut etre référée en consultation.
Il convient ensuite de bien caractériser la symptomatologie visuelle :
- S'agit-il bien d'une diminution de l'acuité visuelle ou d'un autre trouble visuel ?
- A noter qu'une "cécité corticale" (signant des lésions occipitales bilatérales) peut aussi bien s'exprimer par une véritable cécité que par l'interprétation erronée des informations visuelles (taches de couleurs, objets non existants,...). Elle peut également s'accompagner d'une anosgnosie (le patient n'a pas ou peu conscience de son trouble et comble les informations manquantes par des confabulations), ce qui constitue le syndrome d'Anton et complique le diagnostic.
- Un trouble oculomoteur, qui relève d'une toute autre prise en charge, frustre peut s'exprimer par un simple "flou visuel" plutôt que par une véritable diplopie. Les autres troubles visuels prêtent rarement à confusion.
- Le trouble est-il unilatéral ou bilatéral ?
- Le trouble touche t-il l'ensemble des champs visuels ou une partie ?
Rechercher des symptômes associés :
- Autres troubles visuels ?
- Douleur oculaire et/ ou "oeil rouge" (évoque un glaucome, une kératite ou une uvéite) ? Oeil "blanc" et douleur élective aux mouvements oculaires (évoque une neuropathie optique) ?
- Symptomatologie neurologique ?
- Déficit neurologique focal ? Fatigabilité musculaire ?
- Symptomatologie cardio-pulmonaire ?
- Palpitations, douleurs thoraciques, dyspnée,...
- Symptomatologie générale ou peu spécifique ?
- Céphalées ? Fièvre ? Lipothymies et syncopes ? Confusion ?
S'enquérir des circonstances de survenue, de la vitesse d'installation, des antécédents, des traitements, des consommations de toxiques et des facteurs de risque cardio-vasculaires.
Examen clinique
Examen général centré sur les sphères oculaire, neurologique et cardio-respiratoire.
Examens complémentaires
Une symptomatologie unilatérale justifie systématiquement :
- Avis ophtalmologique avec réalisation d'un Fonds d'Oeil (FO)
Une symptomatologie bilatérale justifie systématiquement :
- CT-scanner ou IRM cérébral
Selon les cas, on aura recours à d'autres examens :
- Biologie
- Imagerie cérébrale si non réalisée
- FO si non réalisé
- Ponction lombaire (PL)
- Electrocardiogramme (ECG), échographie doppler cervicale, échographie cardiaque
Orientation étiologique
Orientation schématique rapide :
Après s'etre assuré du caractère aigu de la symptomatologie, on peut différencier différents tableaux évocateurs :
- Diminution durable unilatérale de l'acuité visuelle (Examen ophtalmologique avec Fonds d'Oeil nécessaire en première intention) :
- Oeil rouge et/ ou douloureux :
- La principale urgence à évoquer est le glaucome aigu. Le diagnostic est quasi certain en cas d'oeil rouge, douloureux en mydriase aréactive avec diminution de l'acuité visuelle.
- Les autres étiologies peuvent généralement etre prise en charge en ambulatoire : uvéites, kératites
- Lors des neuropathies optiques inflammatoires, l'oeil n'est jamais rouge, mais une douleur rétro-oculaire, fréquemment exacerbée aux mouvements peut-etre présente.
- "Oeil calme" (pas de rougeur, pas de douleur)
- Différentes urgences certaines ou potentielles sont à évoquer :
- Occlusion de l'artère centrale de la rétine ou de ses branches
- Neuropathie ischémique antérieure aigue
- Thrombose de la veine centrale de la rétine ou de ses branches
- Décollement de rétine
- Neuropathie inflammatoire antérieure aigue
- Neuropathie optique rétro-bulbaire (NORB) aigue
- Différentes urgences certaines ou potentielles sont à évoquer :
- Les autres étiologies ne relèvent pas du cadre de l'urgence :
- Hémorragie intra-vitréenne
- Décollement du vitré
- Décollement maculaire (choriorétinopathie séreuse centrale)
- Toute cause de mydriase peut en etre à l'origine (toxiques, iatrogènes, pathologies oculaires, infectieuses, vasculaires,...). Cf chapitre sur les troubles de l'oculomotricité intrinsèque.
- Oeil rouge et/ ou douloureux :
- Diminution durable bilatérale de l'acuité visuelle (imagerie cérébrale nécessaire en première intention) :
- Ce tableau signe de règle une urgence.
- Une cécité corticale ou une altération de l'acuité visuelle sur l'ensemble des champs visuels évoque des lésions bi-occipitales (++ d'origine vasculaire). Les neuropathies optiques bilatérales sont rares mais sont à évoquer si l'imagerie cérébrale ne révèle pas de lésion occipitale.
- Une hémianopsie bi-temporale signe une lésion du chiasma optique (+++ tumeurs - ++ adénome hypophysaire -. Moins fréquemment : processus iniflammatoires et infectieux, lésions post-traumatiques,...). Une apoplexie de la tige pituitaire constitue une urgence exceptionnelle et est généralement dominée par des troubles visuels variables et d'importantes céphalées.
- Une hémi-anopsie latérale homonyme évoque une lésion rétro-chiasmatique (bandelettes optiques, lobes occipitaux), le plus fréquemment d'origine vasculaire
- Garder à l'esprit qu'un glaucome aigu peut se présenter sous une forme bilatérale...
- Un tableau septique, fébrile, la présence d'un foyer infectieux systémique, un syndrome inflammatoire ou la présence de signes méningés doivent selon les cas faire évoquer les étiologies infectieuses et vasculitiques.
Les troubles hystériques, fonctionnels et les simulations sont possibles mais constituent un diagnostic d'exclusion.