Encéphalopathies hypertensives aiguës

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  Auteur(s) : Dr Shanan Khairi
  Date de dernière édition : 22/09/2024

Les encéphalopathies hypertensives aiguës regroupent les encéphalopathies ( dysfonctionnemment cérébral global) rentrant dans le cadre d'une hypertension maligne, sans autre étiologie retrouvée. Elles peuvent être à l'origine de lésions cérébrales définitives mais sont généralement réversibles (dans > 90% des cas) lors de la diminution des valeurs tensionnelles. Il s'agit d'urgences médicales.

Elles peuvent toucher tous les âges et les deux sexes. Il y a cependant un discret pic à 20-40 ans et une discrète prépondérance féminine du fait de l'implication de causes gynécologiques (éclampsie, pré-éclampsie, HELPP syndrome).

Historiquement, la forme la plus connue de cette pathologie est le PRES ("posterior reversible encephalopathy syndrome") hypertensif. Cependant cette dénomination est vectrice de confusion.

Etiologies

Les étiologies sont celles de l'hypertension artérielle, mais celles le plus souvent retrouvées sont :

  • Eclampsie, pré-éclampsie, HELPP syndrome
  • Hypertension rénale : glomérulonéphrites aiguës, SHU, PTT, sténose de l'artère rénale
  • Hypertension artérielle chronique non ou mal contrôlée
  • Douleur, contextes aigus, attaque de panique

Certaines causes plus rares d'hypertension maligne sont à rechercher systématiquement :

  • Phéochromocytome
  • Toxiques : cocaïne, amphétamines, LSD, anorexigènes,…
  • Iatrogènes : cyclosporine, IMAO, EPO, vasoconstricteurs nasaux
  • Sevrage (généralement du fait d'une incompliance thérapeutique) d'un anti-hypertenseur (central ++) ou interaction avec un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) ou un pansement gastrique,…
  • Dysautonomie végétative

Eléments de physiopathologie

On considère classiquement que le syndrome apparaît lorsque les capacités d'autorégulation du débit sanguin cérébral sont dépassées (généralement lors d'une installation rapide d'une pression artérielle moyenne à > 150 mmHg), entraînant une vasodilatation avec des troubles de la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique, un œdème cérébral vasogénique, des dysfonctionnements endothéliaux, des vasospasmes réactionnels avec occlusions artériolaires diffuses,...

Sur les pièces anatomopathologiques, on observe un œdème, des hémorragies pétéchiales, des micro-infarctus disséminés et des lésions de nécrose fibrinoïde occluant les petits vaisseaux perforants.

Et le PRES dans tout ça ?

Le PRES ("posterior reversible encephalopathy syndrome") ou RPLS ("reversible posterior leukoencephalopathy syndrome") est une présentation clinico-radiologique particulière dont les lésions prédominent dans les régions pariéto-occipitales. Il est historiquement l'archétype des encéphalopathies hypertensives aiguës.

Cette dénomination est vectrice de confusion pour plusieurs raisons :

  • les lésions ne sont le plus souvent pas limitées aux régions postérieures ("PRES atypiques") et peuvent prédominer dans d'autres régions cérébrales
  • le nom du syndrome est faussement rassurant, les lésions n'étant pas toujours réversibles même en cas de traitement rapide et il peut y avoir des séquelles cliniques
  • même si le PRES hypertensif est le plus fréquent, le même tableau radiologique peut s'observer dans d'autres conditions (métaboliques et toxiques) sans notion de pics hypertensifs

Quoi qu'il soit, les cliniciens et radiologues doivent avoir conscience qu'il s'agit d'une catégorie plus radiologique que clinique et non d'une pathologie en soi.

Clinique

La tension artérielle est habituellement > 180/ 110 mmHg (plus que les valeurs absolues, ce sont cependant l'ampleur et la rapidité d'installation du pic hypertensif qui importent) +

  • Par définition, on doit observer des signes de dysfonctionnement cérébral global : troubles de la conscience, confusion, troubles cognitifs aigus multiples, délires,...
  • Céphalées (~50%)
  • Vertiges, acouphènes (~35%)
  • Nausées et/ ou vomissements (~30%)
  • Signes visuels : baisse de l'acuité visuelle, hallucinations élémentaires, hémianopsie, cécité corticale
  • Des déficits neurologiques focaux sont présents dans ~20% des cas
  • Crises convulsives,…

+- signes d'autres atteintes viscérales.

Examens complémentaires en urgence

Bilan d'une suspicion d'urgence hypertensive :

  • Glycémie au doigt
  • Fonds d'oeil → rétinopathie hypertensive ?
  • Examen microscopique des urines + tigette
  • Biologie (fonction rénale, tropos, BNP, ionogramme, glycémie, hémato-CRP) → atteinte rénale/ cardiaque ?
  • Radiographie thoracique
  • CT-scanner cérébral systématique → peut montrer des lésions diffuses ou contribuer au diagnostic différentiel
  • (angio)-IRM cérébrale
    • Indispensable en cas de doute avec un accident vasculaire cérébral ischémique (à justifier auprès du radiologue par la tolérance tensionnelle différente)
    • Peut être normale
    • Hypersignaux possibles en T2/ FLAIR :
      • lésions cérébrales diffuses et réversibles du cortex, de la substance blanche, du tronc cérébral, du cervelet
      • lésions typiques d'un PRES : œdème de la substance blanche des régions pariéto-occipitales
    • Diffusion : séquence la plus sensible, montre fréquemment un aspect d'œdème vasogénique. Pas de respect des territoires vasculaires.
    • Possible signes (vasospasmes multiples) d'angiopathie aiguë cérébrale réversible (complication)
  • Electrocardiogramme
  • Echographie cardiaque

Recherche systématique d'une hypertension artérielle secondaire à distance (cas de jusqu'à 20-40% des patients présentant une urgence hypertensive).

IRM FLAIR - "PRES atypique" : lésions prédominante en pariéto-occipital co-existant avec des lésions thalamiques, de la capsule interne, du corps calleux et frontales

IRM T2 - encéphalopathie hypertensive avec lésions limitées aux thalamus (régression totale des lésions dans ce cas après abaissement agressif de la TA)

Diagnostic positif et diagnostic différentiel

Le diagnostic d'encéphalopathie hypertensive est un diagnostic d'exclusion. Il suppose l'association d'un pic hypertensif brutal, de signes de dysfonctionnement cérébral global et l'excusion des étiologies non hypertensives. L'association d'autres signes d'urgence hypertensive (atteintes rénales, cardio-vasculaires) est fréquentes.

Il n'est pas rare qu'il soit porté de façon rétrospective du fait de nombreuses difficultés à la phase aiguë :

  • Absence d'éléments pathognomoniques
  • L'identification d'un pic hypertensif ne pose généralement pas problème. Cependant :
    • C'est plus la rapidité d'installation des variations tensionnelles que leur valeur absolue qui est en cause. Des patients non traités ou mal contrôlés peuvent présenter une hypertension artérielle sévère chronique très bien tolérée et présenter une encéphalopathie d'une autre origine. Des patients présentant ordinairement une tension basse peuvent présenter une urgence hypertensive avec des valeurs tensionnelles dans des ranges modérés, qui n'attireront généralement pas l'attention.
    • Toute pathologie aiguë potentiellement à l'origine d'une encéphalopathie et tout contexte de stress peut générer un pic hypertensif réactionnel susceptible d'évoquer à tort le diagnostic
  • Il existe un large recouvrement entre diagnostics différentiels et complications des urgences hypertensives. Dans certains cas, il sera impossible de trancher. Ainsi :
    • Accident vasculaire cérébral avec pic hypertensif réactionnel ou urgence hypertensive se compliquant d'un accident vasculaire cérébral ? Idem pour un infarctus myocardique ou une dissection aortique.
  • Fréquemment, le cas survient chez des patients déjà hospitalisés en unités (semi)-intensives et présentant de multiples anomalies susceptibles d'entraîner une encéphalopthie...

Le diagnostic différentiel est large et comprend notamment selon la clinique :

  • Encéphalopathies d'autres origines : hypoglycémies, encéphalopathies toxico-métaboliques, sevrages, encéphalopathies anoxiques,...
  • Méningites et encéphalites
  • Accidents vasculaires cérébraux
  • Etats de mal épileptiques non convulsivants
  • Pathologies psychiatriques et troubles fonctionnels

Prise en charge thérapeutique - Traitements

De manière générale :

  • Monitoring, 2 perfusions IV, suivi de la diurése, prise en charge générale
  • Ne pas administrer d'anti-hypertenseur avant la réalisation du CT-scanner cérébral, sauf indication vitale (dissection aortique, infarctus myocardique, insuffisance cardiaque aiguë)
  • Maîtrise de la tension artérielle :
    • De manière générale :
      • diminuer lentement la tension artérielle en visant tout d'abord une réduction de 25% puis graduellement des valeurs < 160/ 110 mmHg
      • préférer la nicardipine ou le labétolol et éviter les anti-hypertenseur centraux
    • En cas d'association à :
      • insuffisance cardiaque aiguë : privilégier le furosémide, les dérivés nitrés, IEC. Eviter les béta-bloquants.
      • infarctus myocardique : privilégier les dérivés nitrés, béta-bloquants et IEC
      • (pré)-éclampsie : privilégier les béta-bloquants + magnésium. Avis gynéco urgent.
      • insuffisance rénale aiguë : privilégier les IEC
      • un accident vasculaire cérébral : plus grande tolérance tensionnelle théorique, à discuter cependant selon la clinique :
        • Accident hémorragique : tolérance jusqu'à 180 mmHg de TAS (ou 120 mmHg de PAM).
        • Accident ischémique : tolérance jusqu'à 220 mmHg de TAS (ou 120 mmHg de PAM). En cas de thrombolyse, obtenir cependant une tension préalable < 180/ 105 mmHg
  • Prise en charge spécifique des autres défaillances organiques le cas échéant. Cf les chapitres correspondants.
  • Envisager anxiolytique et/ ou morphinique au cas par cas
  • Traitement étiologique le cas échéant. Cf chapitres correspondants.
  • Hospitalisation, idéalement dans une unité coronaire ou de soins intensifs initialement
  • Envisager (pas d'EBM) selon l'évolution l'usage de nimodipine (nimotop) 60 mg PO 6 x/ jour (ou 1-2 mg/ heure IV si voie PO impossible) en prévention d'un vasospasme

Pour rappel, exemple de schéma d'administration d'anti-hypertenseurs, à moduler selon la tolérance :

  • Nicardipine (Rydène) : 10 mg/ heure IV
  • Nitroprussiate : 0,5-10 µg/ kg/ minute IV
  • Labétalol : 1 mg/ kg puis 0,5-2 mg/ minute IV
  • Furosémide : 40-80 mg IV (++ si OPH)
  • Enalapril/ captopril : 1,25-5 mg IV toutes les 6 heures
  • Dinitrate d'isosorbide (cedocard) : 2-10 mg/ heure IV


Bibliographie

Bradley WG et al., Neurology in clinical practice, 5th ed., Butterworth-Heinemann, e-dition, 2007

Cambier J et al., Neurologie, 13e édition, Masson, 2012

Elliott WJ et al., Evaluation and treatment of hypertensive emergencies in adults, 2023

Elliott WJ et al., Moderate to severe hypertensive retinopathy and hypertensive encephalopathy in adults, 2022

Neill TA, Reversible posterior leukoencephalopathy syndrome, UpToDate, 2022

Osborn AG et al, Brain, Elsevier, 2018