Hémorragies digestives hautes

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  Auteur(s) : Dr Shanan Khairi
  Date de dernière édition : 22/09/2024

Une hémorragie digestive haute correspond à un saignement digestif dont l'origine est en amont de l'angle de Treitz (duodéno-jéjunal). Elles représentent 80% des hémorragies digestives. Elles régressent spontanément chez 90% des patients mais les récidives sont fréquentes. La morbi-mortalité est plus faible à long terme que dans les hémorragies digestives basses mais plus importante à court terme.

Mesures immédiates

  • 2 perfusions IV
  • Oxygène 2-6l/ minutes
  • Gazométrie
  • Discuter sonde naso-gastrique
  • Si anticoagulation ou autres traitement favorisants → stop sauf indication absolue + correction de surdosages selon INR / aPTT
  • Restaurer la volémie :
    • Initialement : cristalloïdes isotoniques NaCl 0,9% ou mixte 1-2 l/ jour
    • maintenir une tension artérielle moyenne > 80 mmHg
    • de façon limitée pour éviter récidives/ aggravation
  • Transfusions éventuelles pour maintenir Hb 8-10 g/ dl (limiter pour éviter récidives)
  • Inhibiteurs de la pompe à proton IV (IPP, ex : nexiam bolus 80 mg + 8 mg/ heure à la pompe ou 2 x 80 mg/ jour) + un anxiolytique (sauf si choc ou cirrhose)
  • +- somatostatine bolus 250 µg puis 250 µg/ heure
  • Traiter choc hémorragique éventuel et chirurgie en urgence en cas d'hémorragie massive
  • Oeso-gastro-duodénoscopie dès que possible pour bilan

Anamnèse et clinique

Antécédents (ulcères, reflux gastro-oesophagien, chirurgie abdominale et aortique, alcoolisme) et médicaments (sintrom, anti-inflammatoires non stéroïdiens [ulcères], béta-bloquants,…). Délai de prise en charge, volume du saignement, signes associés (troubles de la conscience, dyspnée,…). Signes précédant l’hémorragie : épigastralgies, pyrosis, vomissements,…

L'anamnèse doit également permettre de redresser le diagnostic vers des hémoptysies (expectorations sanglantes) le cas échéant.

Rechercher :

  • Hématémèse = vomissements sanglants, rouge vif à sombre
  • Méléna = sang digéré dans les selles qui sont noires, molles et/ ou luisantes. Diagnostic différentiel = suppléments ou aliments riches en fer, possible également en cas d’hémorragie digestive basse avec transit lent.
  • Signes d'anémie : pâleur, vertiges, dyspnée, intolérance à l'effort = signes de sévérité
  • Répercussions hémodynamiques
  • Rarement : rectorragies : possibles en cas d'hémorragies massives et pouvant égarer le diagnostic vers une hémorragie digestive basse

Examen clinique complet, axé sur l'abdomino-thoracique. Signes de cirrhose, d’hypertension portale, cicatrices chirurgicales.

Etiologies

Ulcère gastro-duodénal ~40% des hémorragies digestives hautes

Anticoagulants (surdosés ou non)

Gastro-duodénites aiguës hémorragiques ~20%

Liées au stress ou sur médicaments gastrotoxiques.

Ruptures de varices oesophagiennes ou gastriques ~10%

Sur hypertension portale.

Oesophagites sévères ~10%

Syndrome de Mallory-Weiss ~5%

= lacération longitudinale œsophagienne sur efforts de vomissements +- prise d'alcool. Généralement de résolution spontanée, sinon traitement endoscopique. Parfois fugaces et récidivants.

Divers

Tumeurs gastriques, ulcères de Dieulafoy (ulcère avec artériole érodée au fond → récidives +++), maladie de Rendu-Osler, wirshungorragies, hémobilie, fistules post-chirurgicale (ex: aorto-entérique), ectasies vasculaires antrales (++ en cas d’IRC), gastropathie sévère sur hypertension portale

Mise au point

  • Monitoring hémodynamique
  • Biologie : hémogramme, numération, formule, CRP, VS, fonctions rénale et hépatique, coagulation, CK, groupe sanguin, ionogramme, lactates
  • L’évolution de l'hématocrite est un bon marqueur de la sévérité (sévère si Ht < 30%) mais peut être retardée.
  • Radiographie (AAB) ou CT-scanner → pneumopéritoine? (urgence chirurgicale)
  • Endoscopie dès que possible après stabilisation hémodynamique → localisation + classification de Forrest. Permet le diagnostic dans 90% des cas.

Classification de Forrest

Classification de l'activité des hémorragies digestives basée sur les résultats endoscopiques (l'aspect endoscopique est lié au risque de resaignement et à la mortalité)

 FORREST I

 Hémorragie active

 Ia = saignements en jet

 Ib = saignement en nappe (suintement)

 FORREST II

 Hémorragie inactive avec signe de saignement récent

 IIa = lésion vasculaire visible

 IIb = caillot frais

 IIc = caillot organisé (tache noire)

 FORREST III

 Antécédent d'hémorragie sans signe de saignement

Lésion propre

Prise en charge thérapeutique - Traitements

  • Traitement étiologique si possible et mesures générales
  • Hémostase si Forrest Ia, Ib, IIa ou si varices oesophagiennes ou si échec du traitement médical
    • Endoscopique : ligature, colle, clips, laser, adrénaline, par ballonnets (varices oesophagiennes), produits sclérosants
    • Médicamenteuse (somatostatine IV 250 µg en bolus puis idem/ heure ou octréotide IV 25-50 µg/ heure) ++ en complément pour varices oesophagiennes… certains l’administrent dès le diagnostic d’hémorragie digestive haute, avant même l’endoscopie…
  • Chirurgie ou radiologie interventionnelle en urgence en cas de récidives précoces, d'hémorragie massive, d'échec endoscopique
  • Hospitalisation pour surveillance et complément de bilan (la prise en charge peut-être d’emblée ambulatoire si : < 65 ans, pas de signe de gravité [signe de choc, tension artérielle systolique < 100 mmHg, fréquence cardiaque > 100 bpm], pas de comorbidité [insuffisance cardiaque, respiratoire, rénale], état général conservé, hémoglobine normale).
    • Avec surveillance paramètres et hémoglobine
    • Sonde d'aspiration naso-gastrique (également pour diagnostic)
    • IPP (nexiam) IV 80 mg bolus puis 8 mg/ heure ou 2x 80 mg IV/ jour (pas de différence de mortalité démontrée entre les deux attitudes)
    • Perfusions 2 l/ jour (++ NaCl 0,45%, G5 ou NaCl 0,9%)
    • +- antidouleurs, transfusions selon Hb,…
    • Dans le cas d’hémorragie chez le patient cirrhotique, liées à l’hypertension portale :
      • Décontamination intestinale précoce en phase hémorragique chez les cirrhotiques (réduit le risque infectieux) : augmentin ou norfloxacine
      • Les béta-bloquants (propranolol, nadolol) ont été démontrés comme diminuant les récidives de 40% et la mortalité de 20%. Les dérivés nitrés sont en cours d’évaluation.
      • Le risque d’encéphalopathie en cas de patient cirrhotique est important (génération de toxiques par la dégradation digestive de sang alors que le catabolisme hépatique est déficient) et doit faire discuter une surveillance intensive, une diminution des apports protéiques et l'administration de lactulose
  • A distance : éventuelle tentative d’éradication d’H. pylori en cas de biopsie positive
  • Ne pas hésiter à recourir à une antibiothérapie empirique en cas de doute quant à une étiologie infectieuse