Homéopathie

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  Auteur(s) : Dr Shanan Khairi
  Date de dernière édition : 22/09/2024

L'homéopathie est une médecine alternative pseudo-scientifique fondée sur le principe de similitude et de "potentialisation". Elle postule que les traitements les plus appropriés pour une maladie sont des substances provoquant des symptômes similaires chez une personne en bonne santé. Ces traitements sont préparés par une dilution en série de la substance active suivie d'une "succusion" (agitation énergique du produit).

L'homéopathie est fréquemment associée à tort par le grand public à d'autres pratiques, en particulier la phytothérapie.

Usages et réglementations

Epidémiologie

Le recours à l'homéopathie est en augmentation dans le monde entier depuis le début des années 1990 avec cependant de très fortes disparités régionales. Il est devenu très important en Europe (particulièrement en France et en Allemagne), en Inde et dans quelques autres pays. Il reste aujourd'hui marginal dans la majorité des pays du monde, que ce soit au bénéfice de la médecine conventionnelle et/ ou d'autres médecines alternatives mieux implantées. Ainsi, le pourcentage de la population adulte ayant eu recours à l'homéopathie dans l'année avoisine les 50% en France alors qu'il n'est que de 2% aux Etats-Unis.

Sur le plan sociologique, le recours à l'homéopathie est plus fréquent chez les femmes, les personnes de 40 à 60 ans et les classes moyennes et supérieures.

La majorité de la consommation de produits homéopathiques relève de l'auto-médication.

Tous les problèmes de santé sont concernés mais les principales pathologies pour le sont les troubles respiratoires, les troubles musculo-squelettiques, la fatigue chronique, les troubles du sommeil, le stress et les douleurs chroniques.

Réglementations

La plupart des pays n'ont aucune reconnaissance légale et réglementation quant à l'homéopathie, qu'il s'agisse de formation, de pratique, de production, de ventes ou de remboursements.

Cependant, il y a quelques rares exceptions :

  • Certains pays considèrent l'homéopathie comme une pratique médicale et la réserve aux diplômés en médecine et/ou à d'autres professionnels de la santé. En pratique ces restrictions sont rarement respectées.
  • Certains pays remboursent partiellement via l'assurance de santé obligatoire les produits homéopathiques
  • Certains pays réservent la vente des produits homéopathiques aux pharmacies. Ils se heurtent cependant aux ventes libres en ligne.
  • L'Union Européenne impose à tout produit homéopathique l'obtention d'une autorisation de mise sur le marché. Il s'agit cependant essentiellement de les enregistrer et de veiller à l'absence de nocivité, aucune démonstration d'efficacité n'étant requise.

Principes de l'homéopathie

Le principe de similitude

Ce principe n'est pas spécifique à l'homéopathie. Il était déjà présent dans le corpus hippocratique et les écrits de Paracelse. Dans une certaine mesure, il a également été à la base de la conception des premiers vaccins.

Cependant, le médecin allemand Samuel Hahnemann, créateur de l'homéopathie au XVIIIème siècle, fut le premier à l'intégrer comme fondement de toute une pratique thérapeutique. Il s'agissait alors d'une déduction empirique ("le même soigne le même"), sans aucune réflexion physiopathologique, tirée de l'efficacité de la quinquina (démontrée plus tard contenant de la quinine) contre la malaria et de l'observation que l'administration de cette écorce pouvait provoquer elle-même une fièvre.

Le principe de potentialisation : dilution et succusion

Au départ, les préparations homéopathiques contenaient fréquemment des composés toxiques tels que l'arsenic, le mercure ou la belladone et entraînaient de nombreux effets secondaires. Pour résoudre ce problème, Hahnemann testa des dilutions sériées de ses remèdes associées à une "succusion" (agitation énergique) à chaque dilution. Il affirma que, selon ses observations, ses remèdes non seulement perdaient leur toxicité mais, paradoxalement, n'en devenaient que plus efficaces.

Il mit alors au point un protocole de "puissance de dilution" en fonction du titrage (ex : la lettre X signifie que les chaque dilution a été réalisée à 1/10ème, la lettre C à 1/100ème) et du nombre de séries de dilution. Ainsi une préparation de "puissance 30C" a subit 30 séries de potentialisation avec une dilution de 1/100ème à chaque étape. La concentration de la substance active dans le produit final est ainsi de 10-60 du produit de départ.

Ce principe de "potentialisation" défiant toute logique et ne reposant sur rien est la principale raison du rejet de principe de l'homéopathie par la communauté scientifique.

Les tentatives de théorisations pseudo-scientifiques contemporaines

L'homéopathie ne se voulait qu'une pratique déduite d'observations et revendiquait une efficacité empirique (contestée), sans fondements théoriques ni hypothèses physiopathologiques. A la fin du XXème siècle cependant, divers acteurs ont prétendu donner une "scientificité" à l'homéopathie.

La plus connue d'entre elles, la "mémoire de l'eau", fut élaborée par le médecin français Jacques Benveniste, employé par les laboratoires Boiron (principale firme produisant et vendant des produits homéopathiques). Il publia une étude affirmant démontrer que l'eau liquide ayant été au contact d'une substance voyait son agencement moléculaire durablement modifié même lorsque la substance n'était plus présente. Aucun laboratoire indépendant n'a pu reproduire les résultats revendiqués par Benveniste. Cette hypothèse fait toujours débat en France mais est rejetée par la communauté scientifique mondiale.

D'autres théories ont depuis été formulées de façon anecdotique, en fonction des modes du moment et sans jamais aucune étude publiée.

Quels bénéfices ? - L'homéopathie à l'ère de l'EBM

Une idée répandue dans le grand public est que les essais scientifiques modernes seraient inadaptés à l'homéopathie et que les homéopathes en rejeteraient de principe la réalisation. C'est inexact.

Rappelons qu'historiquement Hahnemann lui même prétendait baser sur sa pratique sur des essais de ses préparations contre placebo. Il se fait malheureusement que ses méthodes et résultats datant du XVIIIème siècle n'ont plus aucune crédibilité aujourd'hui.

A l'ère contemporaine de l'Evidence Based Medicine, on dénombre de nombreuses études testant l'efficacité de l'homéopathie versus placebo pour diverses pathologies. Malheureusement la majorité de ces études sont de mauvaises qualité (résultats non significatifs, méthodologies défaillantes, biais évidents,...). Les études de qualité montrent des résultats contradictoires.

Plusieurs méta-analyses de ces études ont été réalisées. Toutes celles ne retenant que les études de qualité concluent qu'il n'y a à ce jour aucune démonstration de supériorité de l'homéopathie par rapport au placebo pour quelque pathologie que ce soit.

Quels risques ?

Toxicité - effets secondaires

Par définition, les vrais produits homéopathiques sont tellement dilués qu'ils ne sont pas susceptibles d'avoir une toxicité. Aucune méta-analyse ne démontre d'ailleurs de différences d'effets secondaires avec les placebos.

Cependant de nombreux incidents ont impliqué des préparations "faussement homéopathiques", contenant des produits insuffisamment dilués ou non spécifiés. Ainsi, plus de 400 incidents de ce type ont été répertoriés par la FDA depuis 2009.

Exercice illégal de la médecine et exercice d'autres médecines alternatives

Dans la plupart des pays, les homéopathes ne sont dans leur majorité pas médecins et il est malheureusement fréquent que face à une plainte ils ne conseillent pas au patient de consulter un médecin en parallèle. Ce qui mène parfois à des omissions diagnostiques dommageables.

En outre, de nombreux homéopathes exercent également d'autres médecines alternatives dont les fondements sont radicalement différents et le profil bénéfice/ risque différent.

Confusion des professionnels - un risque pour l'éducation à la santé publique

Dans les pays européens, il est de plus en plus fréquent que des médecins exercent l'homéopathie en parallèle, que ce soit avec ou sans "formation" complémentaire. En France ce phénomène concernerait plus de 30% des médecins.

Ce mélange des pratiques s'accompagne malheureusement d'une confusion des patients quant aux frontières entre les différentes disciplines et sape les efforts d'éducation du public à la santé. Il y a également un risque de confusion des praticiens eux-mêmes quant aux fondements contradictoires de leurs différentes pratiques avec un risque d'omissions diagnostiques et thérapeutiques.

En conclusion...

Il n'y a pas d'evidence de qualité tant quant à une éventuelle efficacité que de toxicité de l'homéopathie. Considérant les données disponibles, il nous semble raisonnable dès lors de recommander simplement :

  • Aucun médecin ne devrait pratiquer l'homéopathie. Pour le dire simplement, l'homéopathie ne remplis pas les exigences contemporaines de la médecine conventionnelle et "à chacun son métier".
  • Aucun médecin ne devrait recommander le recours à l'homéopathie.

Bibliographie

Dossett M, Homeopathy, uptodate, 2024

Frass M et al, Use and acceptance of complementary and alternative medicine among the general population and medical personnel: a systematic review, Ochsner J 2012; 12:45