Hyperthyroïdie
Date de dernière édition : 22/09/2024
L'hyperthyroïdie est définie comme l'ensemble des troubles résultant d'un excès de stimulation de leurs tissus cibles par les hormones thyroïdiennes (T3 - tri-iodothyroxine - et T4 - thyroxine). Elle est fréquente, sa prévalence étant de 0,5 à 2 % dans la population générale avec un sex ratio de 10 femmes pour 1 homme.
45-70% des cas résultent d'une maladie de Basedow. Le nodule toxique et le goïtre multinodulaire prédominent quant à eux chez les sujets âgés.
Eléments de physiologie thyroïdienne
Outre les causes iatrogènes et les prises d'hormones thyroïdiennes, on peut grossièrement différencier 3 mécanismes à l'origine des hyperthyroïdies :
- une stimulation anormale de la thyroïde (auto-anticorps, TSH, hCG, mutation activatrice du récepteur à la TSH)
- une altération du parenchyme thyroïdien avec libération du contenu de la colloïde (thyroïdites)
- une production ectopique de T3 (très rare)
Clinique commune hyperthyroïdienne (thyrotoxicose)
Formes typiques
- Amaigrissement rapide avec appétit conservé
- Asthénie avec amyotrophie, voix assourdie et voilée
- Thermophobie, élévation discrète de la température, hypersudation, polydipsie, main chaude et moite
- Tachycardie permanente, pouls vibrant, palpitations, dyspnée d'effort, bruits cardiaques rapides et éclatants +- souffles, tension artérielle systolique augmentée
- Diarrhée
- Nervosité, agitation, labilité émotionnelle
- Troubles trophiques (ongles, cheveux) ou sexuels (oligo-, dys- ou aménorrhée, diminution de libido, gynécomastie)
- Tremblement fin, rapide et régulier des extrémités, ++ posturaux
- Signes d'ostéopénie (déformations, fractures, tassements)
Formes frustres
Association diverse de : tachycardie, tremblements discrets, thermophobie, sudation, diarrhée, amaigrissement discret,…
Formes trompeuses et erreurs diagnostiques
L'hyperthyroïdie peut simuler une affection cardiovasculaire (extra-systoles, tachycardie paroxystique, flutter, fibrillation auriculaire, asystolie, angor, BAV,…), digestive (diarrhée et amaigrissement), cutanée (prurit), musculaire (myopathies pseudoparalytique ou pseudomyasthénique), neuropsychologique (paresthésies, troubles du comportements ou anxio-dépressifs, confusion ou délire), osseuse (fractures et tassements), infectieuse (crise thyrotoxique avec hyperthermie et déshydratation), rhumatologique. Elle peut également se traduire par une clinique paradoxale (prise de poids et aménorrhée chez la femme jeune, anorexie chez les sujets âgés).
Bilan paraclinique
L'anamnèse et la clinique orientent grandement le diagnostic.
En 1ère intention on demandera une biologie de base et des dosages de TSH et T4 libre.
Sont généralement nécessaires en 2ème ligne : biologie (β-hCG, auto-Ac anti-RTSH et anti-TPO, Tgb) et une échographie.
La scintigraphie est désormais réservée aux hyperthyroïdies à la biologie frustre et aux diagnostics difficiles.
Le test à la TRH (administration de 250 µg IV et prélèvements sanguins à -15', 0', 15', 30', 60', 90' et 120') est utile dans les cas d'hyperthyroïdies centrales.
En cas de suspicion d'hyperthyroïdie par surcharge iodée, une iodémie + iodurie sera pratiquée.
Possibles anomalies associées à la biologie : augmentation du cholestérol, hypercalcémie, diminution de la tolérance au glucose, leuconeutropénie.
Complications
Pseudo-paralysies périodiques thyrotoxiques
Elles débutent préférentiellement entre 20 et 40 ans et sont plus fréquentes chez les asiatiques et les hommes.
Surviennent généralement au décours d'un effort, d'une administration d'insuline ou d'une consommation majeure de sucre. Elles se manifestent par un accès de faiblesse extrême prédominant aux membres inférieurs avec réflexes myotatiques conservés et sans autre anomalie neurologique. Possible hypokaliémie, pouvant être sévère.
Le traitement est étiologique +- β-bloquants.
Crise aiguë thyrotoxique
Elle représente la décompensation extrême d'une hyperthyroïdie négligée. Elle peut survenir spontanément ou dans un contexte de stress, parfois en post-chirurgical ou après injection d'iode (CT-scanner injecté, coronographie,…).
Clinique : hyperthermie constante > 38°C, signes neuropsychologiques (confusion, délire, coma), cardiaques (tachycardie, arythmies, signes de décompensation cardiaque, hypertension artérielle ou plus rarement hypotension), digestifs (nausées, vomissements, diarrhée, douleurs abdominales), sudation profuse, soif, polyurie. Une hépato/splénomégalie est possible. Un ictère est de mauvais pronostic. Possible évolution vers un état de choc et une faillite multisystémique (MOF).
Il s'agit d'une urgence mettant en jeu le pronostic vital → hospitalisation en USI et :
- Biologie : standard + THS et T4 libre
- Antithyroïdiens fortes doses : PTU 200 mg PO toutes les 4 heures ou méthimazole 30 mg PO toutes les 6 heures ou méthimazole 160-200mg IV
- 2 heures après la 1ère dose : iodure de K 65 mg PO 1-2x/ jour ou de Na 1g IV toutes les 8 heures
- Hydrocortisone 50-100 mg IV toutes les 6 heures (dexamétasone 10 mg IV en cas de suspicion d'insuffisance surrénalienne)
- Réhydratation, β-bloquants (propanolol 40mg PO/ 6 heures ou 0,15mg/ kg IV à éventuellement répéter aux 6 heures), antipyrétique, insuline si hyperglycémie, anxiolytique, prise en charge des troubles ionique, détecter une insuffisance surrénalienne,…
Maladie de Basedow (45-70%)
Première cause d'hyperthyroïdie (1 à 2% de la population générale), ++ femmes jeunes. Auto-immunitaire : auto-anticorps stimulant les récepteurs à la TSH. Terrain familial. Facteur de risque : tabagisme (FR x4). Peut survenir après un épisode de surcharge iodée.
Clinique
- Evolution par poussées ++
- Signes communs aux hyperthyroïdies
- Goitre (30-60%) d'apparition récente, diffus, ferme et élastique, indolore, soufflant, thrill ("frémissant")
- Très spécifiques:
- Ophtalmopathie inflammatoire auto-immune (20-80%)
- Bilatérale, asymétrique ou unilatérale : exophtalmie (vraie + élargissement de la fente palpébrale) +- rougeur, œdème, diplopie, ulcères cornéens, regard fixe, photophobie, douleurs,…
- Complications malignes : névrite optique, fonte purulente de l'œil
- Myxœdème prétibial (rare)
- Acropachie (exceptionnel) = doigts épaissis +- hippocratisme digital
- Autres : vitiligo, association à d'autres pathos auto-immunes (diabète, insuffisance rénale, anémie hémolytique, polyarthrite rhumatoïde, Biermer, Addison, Horton, lupus, purpura thrombopénique,…)
- Ophtalmopathie inflammatoire auto-immune (20-80%)
Formes particulières
- Hashitoxicose = Basedow + thyroïdite de Hashimoto → phase d'hyperthyroïdie évoluant vers une hypothyroïdie définitive
- Goitre basedowifié = Basedow survenant sur un goitre pré-existant
Examens complémentaires
- Biologie :
- TSH et T4 libre : confirmation de l'hyperthyroïdie
- Auto-anticorps : anti-récepteurs à la TSH (TSI, argument diagnostic majeur), anti-TPO (peroxydases, ! très Se mais non Sp ! positifs chez 10% de la population générale)
- Echographie doppler : généralement hyperéchogène, hypervascularisée et volume augmenté (utilité pour le suivi). Nodules associés ?
- Scintigraphie I123 ou Tc 99 : hyperfixation globale et homogène (utile uniquement en cas de doute diagnostic ou de nodule à l'écho [suspect de néoplasie?]).
- Exploration des formes oculaires sévères : examen ophtalmologique, CT-scanner ou IRM
Prise en charge thérapeutique - Traitements
- Mesures générales :
- Arrêt du tabac
- Symptomatique : β-bloquants et/ ou anxiolytiques
- Prendre en charge l'éventuelle ophtalmopathie :
- Collyres
- Formes sévères : prednisone 40-80mg/ jour PO 3 mois ou radiothérapie ou chirurgie de décompression
- Médicamenteux = en 1ère intention
- Antithyroïdiens de synthèse : PTU (dose d'attaque : 300-600mg/ jour en 3-4 x, entretien : 1 x 50-150 mg/ jour) ou strumazole (dose d'attaque : 30mg/ jour en 3 x, entretien : 10-30 mg/ jour)
- Surveillance clinique et biologique (effet secondaire rare : agranulocytose)
- Associer éventuellement un β-bloquant (ex: propranolol 40-160mg/ jour PO) en début de traitement
- Traiter pendant 1 an puis tenter arrêt (50% de rémission)
- Iode radioactif I131 ++ si échec médical chez > 40 ans
- Contre-indications absolues : grossesse, ophtalmopathie
- Nécessité d'un bref traitement par antithyroïdiens avant traitement par I131
- 50% de succès à 1 an.
- Risque de > 25% de survenue d'une hypothyroïdie
- Chirurgie : thyroïdectomie totale ++ jeune avec goitre ou femme désirant grossesse ou échec médicamenteux
- L'hypothyroïdie post-chirurgicale est la règle et nécessite un traitement supplétif
- Prise en charge d'un Hashimoto après la phase du Basedow si Hashitoxicose
Goître multinodulaire toxique ~15%
Deuxième cause d'hyperthyroïdie. Principale cause chez les plus de 50 ans. Mutations somatiques des récepteurs à la TSH avec formation de nodules s'autonomisant (à une fréquence de 4,5%/ an pour chaque nodule).
Clinique
- Signes communs aux hyperthyroïdies, souvent modérés et d'installation insidieuse (formes frustres et trompeuses) chez des patients âgés.
- Goitre diffus, souvent irrégulier et bosselé. Parfois non détecté (goitre plongeant,…)
- Survenue souvent sur un goitre pré-existant, parfois à l'occasion d'une surcharge iodée
Examens complémentaires
- Biologie :
- TSH et T4 libre : confirmation de l'hyperthyroïdie
- Origine non auto-immune mais possible présence d'anticorps anti-TPO
- Echo-doppler : précision du volume (référence pour suivi) et caractérisation des nodules
- Scintigraphie I123 : nodules chauds au sein d'un parenchyme froid (nodules chauds "extinctifs")
- Ponctions à l'aiguille fine : si nodules suspects de néoplasie
- Radiographies ou CT-scan : éventuellement pour délimiter un goitre plongeant
Traitements
Mêmes types de traitement que pour le Basedow. Cependant, la pathologie n'étant pas auto-immune, on ne peut espérer une rémission après une période de traitement par antithyroïdiens de synthèse → préférer les traitements radicaux : I131 ou thyroïdectomie totale.
Nodule toxique isolé (= adénome toxique) ~10%
3ème cause d'hyperthyroïdie, touche surtout les 30-60 ans. Même étiopathogénie que pour le goitre multinodulaire, mais un seul nodule se développe.
La palpation révèle souvent le nodule, isolé et indolore. La scintigraphie révèlera un nodule chaud +- extinctif.
Se traite comme le goitre multinodulaire toxique (la chirurgie est réduite à une lobectomie).
A noter qu'un "nodule prétoxique" (= nodule extinctif non sécrétant) peut évoluer vers la toxicité et nécessite une surveillance bioclinique.
Hyperthryoïdie sur surcharge iodée ~7%
Toute hyperthyroïdie peut être révélée par une surcharge iodée. Il existe cependant une d'authentiques hyperthyroïdies par surcharge iodée.
Principale étiologie : traitement par amiodarone. Autres : antitussifs, antidiarrhéiques, produits de contraste iodés, antiseptiques iodés, préparations alimentaires riches en I, collyres,…
- Type 1 = formations nodulaires devenant hyperfonctionnels du fait de l'augmentation de la disponibilité en iode
- Traitement = antithyroïdiens de synthèse + perchlorate de K
- Chirurgie en cas d'échec ou si reprise nécessaire de l'amiodarone
- Traitement = antithyroïdiens de synthèse + perchlorate de K
- Type 2 = tyroïdites sur iode → libération du contenu intravésiculaire
- IL6 est très augmentée
- 20% de rémissions spontanées
- Risque de passage en hypothyroïdie
- Traitement : corticothérapie si retentissement cardiaque
Hyperthyroïdies factices et iatrogènes ~7%
Sur apport d'hormones thyroïdiennes. Iatrogène ou auto-administration cachée.
Absence de goitre, scintigraphie blanche, Tgb diminuée.
NB: "hamburger thyrotoxicosis" = apport d'hormones thyroïdiennes par l'alimentation (thymus et thyroïdes dans des hamburgers, cas rapportés aux USA). Ont également été rapportés des cas sur prise de préparations homéopathiques, d'herbes médicinales, de crèmes cosmétiques,…
Etiologies exceptionnelles (< 1%)
Thyroïdites (sub)-aiguës
Divers auto-anticorps peuvent être positifs du fait de la lyse cellulaire (pas de signification étiopathogénique).
- Thyroïdite silencieuse : ++ du post-partum
- Suivie d'une hypothyroïdie (définitive dans 30%).
- Thyroïdite de De Quervain (= thyroïdite granulomateuse subaiguë)
- Douleurs cervicales, fièvre, syndrome inflammatoire. Notion d'une infection ORL dans les semaines précédentes. Scintigraphie blanche/ hétérogène.
- Suivie typiquement d'une phase d'hypothyroïdie puis d'une rémission spontanée. Récidives possibles. L'hypothyroïdie définitive est exceptionnelle.
Autres hyperthyroïdies iatrogènes
Sur lithium, interféron,...
Hyperthryoïdies par sécrétion ectopique
Diagnostic par réalisation d'une scintigraphie du corps entier.
- Métastases (++ pulmonaires et osseuses) fonctionnelles des cancers thyroïdiens.
- Tumeurs ovariennes (goitre ovarien toxique)
Hyperthyroïdies par hypersécrétion de TSH
Hyperthyroïdies à TSH augmentée :
- Adénome thyréotrope = Adénome hypophysaire à TSH (< 1% des adénomes hypophysaires)
- Etat de résistance hypophysaire aux hormones thyroïdiennes (abolition du feed-back négatif)
Hyperthyroïdies par sécrétion de TSH-like
→ doser l'hCG (effet TSH like).
Causes : môle hydatiforme, tératomes testiculaires, hyperthyroïdie du 1er trimestre (jumeaux, hypersensibilité familiale à l'hCG,…)
Divers
Hyperthyroïdie non auto-immune familiale (maladie de Leclère, mutation activatrice du récepteur à la TSH), hyperthyroïdie liée au syndrome de Mc Cune-Albright (mutation de la sous-unité α-S de la protéine G → puberté précoce, tâches café au lait, dysplasie osseuse, Cushing, acromégalie, prolactinome, rachitisme,…), thyroïdite sur I131, pseudo-thyroïdites sur cancer de la thyroïde, chocs traumatiques (→ états thyrotoxiques transitoires).
Bibliographie
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