Hypotension orthostatique

Aller à : navigation, rechercher
  Auteur(s) : Dr Shanan Khairi
  Date de dernière édition : 22/09/2024

L'hypotension orthostatique (HO) est définie comme l'incapacité à maintenir lors du passage de la position allongée à la position debout une tension artérielle (TA) adéquate. On la définit arbitrairement en pratique par une chute de > 20 mmHg de la tension artérielle systolique (TAS) ou de 10 mmHg de tension artérielle diastolique (TAD).

L'hypotension orthostatique signe une déplétion du volume extracellulaire ou une perturbation du baroréflexe. Elle majore le risque de chutes et traumas, de syncopes et d'accidents vasculaires cérébraux ischémiques (AVC).

Elle est fréquente, son incidence étant de 15% à > 65 ans et de 30% à > 75 ans. Elle apparait indépendamment de l'âge chez tout sujet soumis à une déplétion volémique importante ou un alitement prolongé.

Physiopathologie

Le déroulement normal du passage en orthostatisme est le suivant :

  • Réponse immédiate (durant 30 secondes) : augmentation de la fréquence cardiaque (FC), baisse de la pression artérielle moyenne (PAM) et des résistances périphériques, augmentation puis diminution du débit cardiaque, déclin progressif du volume sanguin thoracique et du volume d'éjection systolique.
  • De 30 secondes à 20 minutes : augmentation de la fréquence cardiaque et des résistances vasculaires, diminution du volume sanguin thoracique et du débit cardiaque.

Sur le plan physiologique, la position debout entraîne une redistribution volémique en faveur du secteur veineux, une réduction du retour veineux et une fuite transcapillaire → baisse de la pression artérielle aortique →  activation des récepteurs sinocarotidiens et cardiopulmonaires.

  • → réponse neurohumorale réflexe → activation orthosympathique et désactivation parasympathique → accélération de la fréquence cardiaque, vasoconstriction artériolaire et veineuse, activation de la respiration, augmentation du tonus des muscles des membres inférieurs
    • → relais et amplification par le système rénine-angiotensine et la vasopressine

L'hypotension artérielle orthostatique résulte de différentes situations renvoyant à une déplétion volémique et/ ou à un déficit de l'activité orthosympathique durable lors du passage en orthostatisme.

  • Contraintes de l'âge : altération physiologique du baroréflexe et de la réponse cardiaque (diminution du nombre et de l'affinité des récepteurs cardiaques) + augmentation de la fréquence de l'hypertension artérielle (HTA) + altération de la compliance vasculaire.
    • Ces contraintes sont cependant généralement insuffisantes pour entraîner des répercussions cliniques, sauf en cas d'addition de pathologies des effecteurs cardio-vasculaires, d'anomalies des volumes circulants, de potentialisation iatrogène.
  • Influence de l'hypertension artérielle :
    • Altération de la sensibilité du baroréflexe
    • En outre, le débit cérébral est à l'état basal plus proche de la limite inférieure de l'autorégulation et une réduction modeste de ce débit peut entraîner une ischémie.
  • Influence de l'alitement prolongé : facteur d'intolérance à l'hypotension artérielle orthostatique par déficit de la balance hydro-sodée et potassique sans réponse appropriée du système rénine-angiotensine.

Etiologies (~66% des cas sont en tout ou en partie iatrogènes)

A noter que l'hypotension orthostatique du sujet âgé est généralement multi-factorielle (iatrogène, dégénérative, métabolique, insuffisance veineuse,...). Le but n'est pas tant l'exhaustivité diagnostique que d'identifier les facteurs contributifs potentiellement réversibles.

Hypovolémies

  • "Hypovolémies vraies" : déficit sodé, pertes urinaires ou digestives, anémies, hémorragies, insuffisance surrénalienne, déshydratation extracellulaire, excès de dialyse.
  • "Hypovolémies efficaces" : varices, obstacle cave, grossesse, fièvre.

Dysautonomies

  • Primaires :
    • hypotension artérielle orthostatique idiopathique (= dysautonomie primitive pure), rare, diagnostic d'exclusion
      • maladie dégénérative, ++ adulte d'âge moyen ou élevé, se révélant ++ par une impuissance. Une hypertension artérielle de décubitus est fréquente et une anémie, une hypohydrose ou des troubles digestifs sont souvent associés.
    • Atrophie multisystématisée (rechercher des signes cérébelleux et extrapyramidaux au côté des signes dysautonomiques) et autres maladies neurodégénératives
  • Secondaires :
    • Iatrogènes :
      • Cardiotropes : antihypertenseurs (diurétiques > β-bloquants > anticalciques > nitrés), antiarythmiques
      • Psychotropes : benzodiazépines, antidépresseurs, neuroleptiques
      • Antiparkinsoniens, barbituriques, héroïne, marijuana, ecstasy, antihistaminiques anti-H2, paclitaxel, vincristine, cytokines
    • Congénitales : déficit en facteur de croissance, neuropathie amyloïde familiale, porphyrie, déficit en dopamine β-hydroxylase, déficit en aromatic L-amino acid decarboxylase, dysautonomies familiales,...
      • Manifestation souvent sévères ++ chez l'enfant ou jeune adulte, recherche d'une notion de nycturie et de laxité articulaire
    • Métaboliques : diabète (++ aux stades tardifs), amylose, alcoolisme, insuffisance rénale chronique, insuffisance hépatique, maladie de Fabry ou de Tanger, déficit en vitamine B12
    • Auto-immune : pandysautonomie (sub)-aiguë, myélite transverse (Guillain-Barré, lupus, connectivite mixte)
    • Infection du système nerveux : HIV, Chagas, botulisme, herpès,...
    • Syndrome paranéoplasique (++ adénocarcinome) : rechercher un Lambert-Eaton,…
    • Lésion hypothalamique (tumorale, vasculaire) ou médullaire (syringobulbie, syringomyélie, amyloïdose)
    • Traumatisme (section médullaire) ou chirurgie (sympathectomie)
    • Anaphylaxies
    • Déficit du baroréflexe et syncopes paroxystiques réflexes
    • Post-viroses et perte de poids = tachycardie posturale idiopathique

Divers

  • Insuffisance veineuse des membres inférieurs, insuffisance cardiaque
  • Gastrectomie
  • Phéochromocytome, carcinoïde, hyperbradylininisme
  • Mastocytose de diverses origines
    • A l'occasion d'un effort, d'un coup de chaleur, d'une émotion,...
    • Rechercher : prurit, érythèmes cutanés, paresthésies, palpitations, dyspnée, syncope, étourdissements, diarrhées, céphalées,…
  • Hypoaldostéronisme hyporéninémique et divers troubles métaboliques
  • Alitement prolongé

Note sur "l'intolérance orthostatique chronique"

Assez commune chez l'enfant, les jeunes, les athlètes. Au contraire de l'hypotension artérielle orthostatique véritable, elle se caractérise par :

  • Des symptômes (impression de tête vide et vertiges, palpitations, douleurs thoraciques atypiques, vision floue, intolérance à l'effort, troubles cognitifs, syncopes vaso-vagales,…) survenant ou se majorant au passage en orthostatisme et s'accompagnant d'une tachycardie.
  • Une absence de chute tensionnelle

Sa cause est inconnue (rôle viral ? anomalie de la régulation du tonus cérébro-vasculaire ?). On retrouve une association avec les colopathies fonctionnelles, un prolapsus mitral, le syndrome de fatigue chronique. On a en outre observé diverses anomalies de type dysautonomiques.

Clinique

Impression vertigineuse, malaise lipothymique (sensation de  tête vide), troubles visuels (vision floue, altération des couleurs, scotomes, vision tunnelaire, grisaille, voile noir), ralentissement de l'élocution → chute (une véritable syncope est rare) ou besoin impérieux de s'allonger.

Symptômes plus rares : convulsions, angor, douleurs musculaires, troubles locomoteurs ou cognitifs, confusion.

Les symptômes surviennent préférentiellement après le décubitus nocturne, en ambiance chaude, après une prise d'alcool ou alimentaire (parfois jusqu'à 2 heures après), d'un médicament vaso-actif, un effort, en cas de changement rapide de position, en altitude, en hyperventilation, en cas de fièvre, après miction ou défécation ou toux (hyperpression intrathoracique).

Rechercher à l'examen des signes d'hypovolémie, d'endocrinopathies et des déficits neurologiques.

Diagnostic et orientation étiologique

En cas de suspicion, faire systématiquement en urgence : test d'hypotension orthostatique, électrocardiogramme (ECG), biologie (hémato-CRP, ionogramme, glycémie).

Reconnaissance et caractérisation

  • Test orthostatique +++ : Le patient reste couché quelques minutes et l'on mesure sa TA et FC 2 x → le patient se lève et reste debout et l'on mesure sa TA et FC à 1-2-3-5-… minutes
    • Le test est positif si la TAS chute de > 20 mmHg ou la TAD de > 10 mmHg
      • Si accélération conjointe de la FC > 15 bpm → HO sympathicotonique
        • Diagnostic différentiel : iatrogènes +++ (psychotropes, anti-hypertenseurs et antiparkinsoniens ++), hypovolémie ++, toxiques (alcool, amphetamines, marijuana,…), endocrinopathies (insuffiisance surrénalienne, phéochromocytome, diabètes sucré et insipide, panhypopituitarisme, hypothyroïdie), vasodilatation (chaleur, effort, flush), alitement prolongé, encéphalopathie de Wernicke, déficit en dopamine β-hydroxylase, Guillain-Barré, tétanos
      • Sinon → HO asympathicotonique (suggère une origine dysautonomique, la FC restant généralement stable)
        • Diagnostic différentiel : HO multifactorielle du sujet âgé ++++, neuropathie végétative diabétique, amyloïdoses primitives et polyneuropathies amyloïdes familiales, porphyrie, Guillain-Barré et autres polyneuropathies inflammatoires aiguës, polyneuropathies éthylique/ cérentielles/ métaboliques, connectivites (polyarthrite rhumatoïde, sclérodermie, lupus, connectivites mixtes), infections (HIV, lèpre, botulisme, Chagas) neuropathies toxiques (vincristine, métaux lourds, solvants organiques), paranéoplasiques (exceptionnel, décrits lors de néoplasies bronchiques, éventuellement intégrée à un syndrome de Lambert-Eaton), exceptionnellement sur des lésions centrales (vasculaires, dégénératives, tumorales), dysautonomies primitives périphériques ou centrales
        • Comprend également les malaises vagaux et les causes iatrogènes (dans ce cas, on assiste fréquemment à une diminution de la FC lors du test).
  • Tilt-test (bascule)
  • Mesure de la TA après ingestion d'un repas, un effort, un massage des sinus carotidiens

Dans les formes les plus sévères, l'HO posturale peut-être telle qu'elle est mieux appréciée par le temps durant lequel le sujet arrive à rester debout immobile sans chuter.

Mise au point étiologique

  • Rechercher des signes d'hypovolémie, en particulier l'augmentation de la FC couplée à la chute tensionnelle (manque de Se chez le sujet âgé). Antécédents et médicaments.
  • Rechercher des signes de dysautonomie : dyshidrose, éjaculation rétrograde ou impuissance, incontinence urinaire ou fécale, constipation ou diarrhée, troubles de l'accomodation visuelle.
    • Biologie : catécholamines et leurs dérivés sanguins et urinaires, activité rénine plasmatique… prélèvements couché et debout !
    • Evaluer le baroréflexe (massage du sinus carotidien ou nitroprussiate)
    • Valsalva (expiration durant > 10 secondes contre résistance) avec enregistrement continu de la TA et de la FC.
    • Holter des paramètres cardio-vasculaires sur 24 heures
    • Tests pharmacologiques de localisation
    • Enregistrement des potentiels électriques, PET à la fluorodopamine, IRM ou PET-FDG cérébral
  • Enregistrement continu de la TA et de la FC avec épreuves d'orthostatisme (hypovolémique hyperadrénergique ou normovolémique asympathicotonique ?)

Elimination des diagnostics différentiels

Principalement : syncopes vaso-vagales (++ contexte émotionnel, douleur, station debout prolongée,…), arythmies (ECG systématique ! prévoir un holter du rythme cardiaque), angor syncopal et obstacles à l'éjection ventriculaire (++ à l'effort), hypoglycémie, hyperventilation, intoxications (alcool, CO,…),…

Prise en charge thérapeutique - Traitements

  • Traitement étiologique si possible :
    • Rechercher et supprimer toute cause iatrogène potentielle
    • Corriger toute hypovolémie et déplétion ionique
  • Traitements symptomatiques :
    • A introduire :
      • Favoriser un régime riche en sel avec > 150 mmol de Na sur les urines de 24 heures ~ 9 g NaCl/ jour, sauf insuffisance cardiaque
      • Surélévation céphalique nocturne
      • Fragmentation et multiplication des repas
      • Exercice physique approprié (natation ++), progressif et modéré
      • Postures adaptées et manœuvres spécifiques
    • A éviter :
      • Changements brusques de position, ++ au réveil
      • Décubitus prolongé
      • Efforts exagérés lors de la miction/défécation
      • Environnement chaud
      • Exercice physique non approprié
      • Repas abondants et alcool
      • Médocs vaso-actifs
    • A  envisager (pas d'EBM) :
      • Bas de contention, sangle abdominale
      • Fluoxétine 20 mg/ jour, fludrocortisone (50-100 µg/ jour pour commencer), midodrine, octréotide, desmopressine, érythropoïétine, caféine, dérivés de l'ergot,…
  • Hospitalisation en cas de doute avec une pathologie cardio-pulmonaire ou d'une urgence neurologique, de dégradation de l'état général, de risque important de chutes chez un patient âgé. Sinon revoir en consultation de cardiologie pour suivi et envisager l'opportunité d'un bilan complémentaire