Hypothermie

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Une hypothermie est définie comme une température centrale (de préférence mesurée en 2 sites différents: rectal et œsophagien) < 35°C. La majorité des cas est d'origine accidentelle, septique ou toxique. La morbi-mortalité est variable selon le stade d'hypothermie à l'admission et son étiologie.

La reconnaissance d'une hypothermie est généralement rapide. Il n'est cependant malheureusement pas exceptionnel de voir une hypothermie non reconnue aux urgences du fait de la confusion avec une pathologie neurologique (présence de tremblements, confusion, altération de la vigilance) et de la non prise systématique des paramètres à l'admission, entraînant un retard de prise charge jusqu'à plusieurs heures et grevant fortement le pronostic.

Quelqu'en soit l'étiologie, une hypothermie est à considérer comme un signe de gravité et nécessite toujours une prise en charge médicale urgente tant étiologique que symptomatique.

Etiologies

  • Hypothermies accidentelles
    • +++ sans abris, personnes âgées (malnutrition, troubles de perception, immobilité, comorbidités, démences, troubles psychiatriques, précarité,…) et nouveaux-nés (important ratio surface/ masse, adaptation immature,…). Divers : patients psychiatriques, activités en plein air, noyades, avalanches, polytraumas (pronostic très défavorable), combattants,…
  • Intoxications éthyliques (comportements aberrants, exposition au froid, vasodilatation, réduction de la thermogénèse et néoglucogénèse) et autres drogues
  • Hypothermies d'origine métaboliques et endocriniennes
    • Hypothyroïdies, insuffisance surrénalienne, hypopituitarisme, hypoglycémies (abus d'insuline ou d'antidiabétiques oraux ?), acido-cétoses diabétiques, acidose lactique, insuffisance rénale,…
  • Hypothermies d'origine neurologique
    • Traumas, infections, accidents vasculaires cérébraux, lésions hypothalamiques, agénésie du corps calleux, lésions médullaires aiguës,…
  • Hypothermies septiques (l'hypothermie est alors un signe de très mauvais pronostic)
  • Divers : insuffisance hépatique, infarctus myocardique, lésions cutanées étendues (grands brûlés, psoriasis, érythrodermie,…),…

Stades de gravité et clinique

  • Stade I = hypothermie légère              32-35°C
    • Peau froide, horripilation, frissons, troubles du comportement/ mnésiques/ de la vigilance, dysarthrie, polypnée, tachycardie, hypertension artérielle, polyurie,…
  • Stade II = hypothermie modérée         28-32°C
    • Peau glacée, livide ou cyanosée et sèche, frissons généralement absents mais possibles fines trémulations, troubles de la vigilance importants, hypertonie musculaire, réflexes myotatiques diminués, pupilles en myosis, absence de réflexe photomoteur, bradypnée, bradycardie, oligurie.
    • Onde J d'Osborn possible à l'électrocardiogramme (ECG). Risque de défaillance respiratoire, d'inhalation et d'arythmies +++
  • Stade III = hypothermie sévère            24-28°C
    • Coma, rigidité, mydriase bilatérale aréactive.
    • QRS très élargis à l'ECG, risque majeur de fibrillation ventriculaire (FV) !
  • Stade IV = hypothermie profonde        < 24°C
    • Souvent état de mort apparente avec ARCA, mydriase bilatérale aréactive, EEG plat possible

Orientation étiologique

Généralement difficile (à l'exception des polytraumas et expositions prolongées au froid), les signes secondaires à l'hypothermie masquant ou mimant des signes étiologiques (ex : aréflexie sur hypothermie ou sur lésion médullaire ? Iléus sur hypothermie ou sur abdomen aigu ? Altération de la vigilance ou arythmie secondaire ou primitif ?...). Quelques signes doivent cependant attirer l'attention :

  • Une tachycardie disproportionnée au stade suggère : hypoglycémie, hypovolémie, overdoses, sepsis
  • Une hyperventilation persistante ou une altération de la vigilance trop marquée pour une hypothermie légère-modérée suggère : lésion du système nerveux central, acidoses
  • Tout indice clinique ou biologique d'infection doit faire considérer le patient comme en choc septique

Prise en charge thérapeutique - Traitements

Hypothermie - Schéma de prise en charge thérapeutique

Règle d'or : toujours anticiper les étapes suivantes (prévoir matériel et personnel) !

L'altération des réflexes oro-pharyngés protecteurs et l'insuffisance respiratoire (altérations bronchiques et alvéolaires) étant la règle :

  • Oxygénothérapie systématique
  • Indications larges d'intubation et de ventilation mécanique

Cardiomonitoring et RCP si nécessaire :

  • Nécessité de distinguer les patients en ARCA en raison d'une hypothermie, d'un sujet décédé s'étant refroidi secondairement !
  • En cas de fibrillation ventriculaire, un premier choc doit être administré mais en cas d'échec on attendra d'avoir réchauffé le patient à > 30°C avant d'administrer le second.

La déshydratation est la règle → réhydratation systématique

Support hémodynamique :

  • Objectif prioritaire : maintien d'une tension artérielle moyenne (PAM) > 60 mmHg
    • Moyens : cristalloïdes, colloïdes, réchauffement
      • Si inefficace : envisager dopamine 2-5 µg/ kg/ minute

Prise en charge des arythmies :

  • Arythmies auriculaires : traiter exceptionnellement (généralement la réponse ventriculaire est lente + cardioversion spontanée lors du réchauffement).
  • Traiter les arythmies ventriculaires
  • Eviter l'amiodarone (pas de preuve d'efficacité ni d'innocuité) et les cathéters veineux jugulaires (risque d'induire une arythmie) si possible

Stratégies de réchauffement :

  • Eviter le "collapsus de réchauffement" (= instabilité hémodynamique brutale jusqu'à l'ARCA sur réchauffement trop rapide [une mobilisation excessive peut le provoquer !] par libération de vastes volumes de sang froid séquestré en périphérie + contexte d'insuffisance cardiaque hypothermique)
  • Réchauffement externe passif :
    • = isolement dans une pièce chaude + couvertures en aluminium
    • Généralement inefficace sauf si hypothermie légère accidentelle primaire
  • Réchauffement actif : indispensable si T° < 32°C, instabilité hémodynamique, nouveaux-nés, patients âgés, suspicion d'hypothermie non accidentelle, dysfonction du système nerveux central ou insuffisance hormonale
    • Réchauffement actif externe
      • = couvertures à air pulsé réchauffé ou sources de chaleur irradiante (ne pas approcher des extrémités, priorité au tronc !)
    • Réchauffement actif interne
      • Mini-invasif : perfusions (1l/ heure de NaCl 0,9% à 40-45°C) et axygène (à 41°C) réchauffées
      • Par dialyse péritonéale (ou lavages vésicaux, gastriques ou pleuraux) : dialysat à 40-45°C, 2 l instillés en 10 minutes et laissés en place 10 minutes puis récupérés par siphonnage avant de recommencer.
      • Par méthodes extra-corporelles : Hémodialyse via cathéter veineux fémoral
      • Circulation extra-corporelle (CEC) = Gold Standard en cas d'ARCA

Antibiothérapie empirique

  • Antibiothérapie ciblée en cas de foyer évident
  • En l'absence de foyer évident et chez l'adulte :
    • Ceftazidime ou céfépime 2 g x 3/ jour IV (ou méropénem 3 x 1 g/ jour IV si suspicion de BGN multirésistante) + amikacine 1 x 15 mg/ kg/ jour IV + vancomycine 2 x 1 g/ jour IV
    • Au moindre signe d'infection
    • Systématique chez les nouveaux-nés, les patients âgés et les immuno-déprimés sauf si hypothermie accidentelle primitive certaine.

Traitements étiologiques si possible, prise en charge des lésions associées et des complications hypothermiques précoces à tardives (anoxie cérébrale, pancréatites, oedème pulmonaire hémodynamique ou lésionnel, péritonites, fasciites nécrosantes,…)

Biologies et gazométries répétées :

  • Correction prudente des troubles acido-basiques (se corrigent généralement par le réchauffement).
  • L'hypothermie masque les fréquents troubles électrolytiques, anémie, troubles de la coagulation et hyperleucocytose !

Auteur(s)

Dr Shanan Khairi, MD