Ictère
Date de dernière édition : 4/11/2022
Un ictère correspond à une coloration jaunâtre des téguments sur augmentation de la bilirubinémie. La bilirubinémie est normalement inférieure à 20 µmol/ l, un ictère étant généralement apparent cliniquement pour une bilirubinémie supérieure à 40 µmol/ l. Dans sa forme frustre, il ne peut être apparent qu'au niveau des sclères oculaires (les plus clairs des téguments).
Etiologies
Ictères à bilirubine non conjuguée (indirecte)
- Augmentation de la production de bilirubine
- Anémie hémolytique (compensées ou non par une augmentation de l'érythropoïèse médullaire)
- Hématome
- Infarcissements
- Diminution de la capture ou du stockage hépatique et diminution de la conjugaison de la bilirubine
- Status post-hépatite
- Iatrogène
- Syndrome de Crigler-Najjar (néo-natal, grave, exceptionnel)
- Syndrome de Gilbert (non pathologique)
- Ictière néo-natal physiologique
Ictères à bilirubine conjuguée (directe)
- Défaut d'excrétion de la bilirubine conjuguée : syndrome de Rotor ou de Dubin-Johnson
- Nécrose cellulaire
- Hépatites virales et toxiques (alcool, paracétamol, CCl4, métaux lourds, tétracyclines, vitamine A, valproate,…)
- Cirrhose
- Cholestase intra-cellulaire
- Iatrogène
- Cirrhose biliaire
- Sepsis
- Obstruction biliaire
- Lithiase cholédocienne
- Tumeurs (++ cancers) des voies biliaires, du pancréas, papillome du sphincter d'Oddi
- Cholangite sclérosante
Clinique, diagnostic différentiel, complications, symptômes associés et orientation étiologique
Le diagnostic différentiel d'un ictère comprend les autres causes de coloration jaunâtres des téguments : consommation de certains aliments (végétaux riches en pigments rouges ou oranges), iatrogène (fluorescéine,...). Certaines pathologies se caractérisent par ailleurs par une coloration anormale des téguments habituellement facilement discernable d'un ictère : Addison et hémochromatose (coloration "bronzée", hyperpigmentée), maladie de Wilson (coloration "grisâtre"),...
L'ictère peut s'accompagner de divers signes à valeur étiologique :
- Orientant vers une cholestase hépato-biliaire :
- Prurit, urines foncées, selles claires
- Présence de douleurs → obstructif ? → imagerie en urgence
- Absence de douleurs ou douleurs discrètes → hépatopathies ? → biologie en urgence (bilan hépatique, PT, sérologies virales)
- Frissons ou fièvre → angiocholite ?
- Splénomégalie → oriente vers une hypertension portale sur cirrhose ou une hémolyse
- Orientant vers une pathologie intrahépatique (cirrhose ?) :
- Angiomes stellaires, érythème palmaire, ascite
Certaines complications ou étiologies nécessitant des soins urgents sont à rechercher systématiquement :
- Encéphalopathie hyperbilirubinémique (présumée sur toxicité de la bilirubine non conjuguée, ++ nouveaux nés)
- Angiocholites
- Insuffisance hépato-cellulaire aiguë (la survenue d'une encéphalopathie hépatique étant un signe d'une extrême gravité)
- Décompensation cirrhotique
Examens complémentaires
- Biologie : formule-hémogramme, VS, CRP, GOT (++ si alcool), GPT (+ Sp), PAL, GGT, bilirubine (totale, directe et indirecte), albumine (diminuée en cas d'ictère hépato-cellulaire), PT
- Hyperbilirubine non conjuguée (hémolyse ?) → réticulocytes, haptoglobine, LDH
- Tests hémolytiques, éventuelle ponction de moelle
- Hyperbilirubine conjuguée avec échographie négative (cholestase intrahépatique ?) → sérologies hépatites A/B/C, FAN et anticorps anti-muscles lisses (hépatite auto-immune), facteur anti-mitochondrial (cirrhose biliaire primitive), fer/ ferritine/ Saturation Tf (hémochromatose, α-1-antitrypsine)
- Hyperbilirubine non conjuguée (hémolyse ?) → réticulocytes, haptoglobine, LDH
- Imagerie :
- Echographie abdominale = Gold Standard
- CT-scan, IRM et/ ou cholangiographie rétrograde endoscopique éventuellement en seconde intention
- Ponction-biopsie à envisager en cas de cholestase intrahépatique
Particularités du sujet âgé
Nette prédominance des ictères à hyperbilirubinémie conjuguée, ++ sur cholestase extrahépatique (cholédolithiases, tumeurs pancréatiques ou des voies biliaires). Evoquer une néoplasie si : plus de 65 ans, asthénie, amaigrissement, absence de fièvre +- prise de toxiques, dégradation de l'état général, épigastralgies
Traitements - Prise en charge thérapeutique
Voir les articles spécifiques détaillés quant aux différents traitements étiologiques. De manière générale, le plus souvent, les ictères aigus sur affections intra-hépatiques (hépatite virale ou médicamenteuse) ne nécessitent pas de traitement autre que symptomatique alors que les ictères aigus sur affections extra-hépatiques nécessitent le plus souvent un traitement endoscopique (antibiothérapie préalable en cas de cholangite aiguë).
Traitement des maladies hépatiques cholestatiques chroniques (cirrhose biliaire primitive, cholangite sclérosante primitive,…) :
- Prurit → colestyramine ou colestipol 4 g avant + après petit-déjeuner (max 16 g/ jour) + antihistaminique
- Carences vitaminiques : vitamine A et D (100000 UI/ mois), vitamine K (10 mg/ mois) en IM
- Acide ursodésoxycholique 10-15 mg/ kg/ jour
Sténose maligne des voies biliaires → à discuter en multidisciplinaire, généralement soins palliatifs avec endoprothèse (à changer en cas d'obstruction, survenant généralement tous les 2 à 3 mois).
Ampullome malin → à discuter en multidisciplinaire, généralement essai de Whipple.
Auteur(s)
Dr Shanan Khairi, MD