Insuffisance (cortico)-surrénalienne, hypoaldostéronismes et syndromes adro-génitaux

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  Auteur(s) : Dr Shanan Khairi
  Date de dernière édition : 22/09/2024

Les insuffisances surrénaliennes, les hypoaldostéronismes et les syndromes adro-génitaux regroupent les déficits de sécrétions hormonales surrénaliennes.

L'axe hypothalamo-surrénalien

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Insuffisance surrénalienne iatrogène

Elle représente la première cause d’insuffisance surrénalienne et est généralement secondaire à un traitement par glucocorticoïdes (asthme, BPCO, vasculites, greffes,…). Facteurs favorisants : corticoïdes à longue demi-vie, traitement prolongé, fortes doses, diminution brutale de la posologie.

D’autres médicaments sont susceptibles d’induire exceptionnellement (principalement en cas de pathologie hypophysaire pré-existante ou d’antécédent de corticothérapie de longue durée) une insuffisance surrénalienne : aminogluthémide, étomidate, kétoconazole, métopirone, suramine.

D’autres médicaments sont susceptibles de faire décompenser une insuffisance surrénalienne traitée : barbituriques, phénytoïne, rifampicine,… attention donc lorsqu’on traite une tuberculose chez un Addisonien.

L’insuffisance surrénalienne est évidemment la règle après surrénalectomie bilatérale.

Insuffisance surrénalienne primaire ou maladie d'Addison

Généralités

Il s'agit d'une insuffisance surrénalienne périphérique, d'un hypocortisolisme d’origine surrénalienne résultant d’une destruction partielle ou complète des surrénales entraînant un déficit complet ou partiel de la sécrétion de gluco- et minéralocorticoïdes.

Elle est plus fréquente chez la femme, pas de prédominance d'âge. Rare (~5/ 100.000) mais potentiellement létale.

Etiologies

  • Causes auto-immunes (70%)
    • Dont la moitié dans le cadre de polyendocrinopathies auto-immunes (PEA) : PEA de type 1 ou 2 (hypoparathyroïdie, candidose cutanée, hypogonadisme, dysthyroïdies, diabète de type 1, diabète insipide, insuffisance hypophysaire) +- autres atteintes auto-immunes non endocriniennes (malabsorption, alopécie, anémie de Biermer, hépatite chronique, vitiligo, myasthénie, syndrome de Sjögren).
  • Causes infectieuses :
    • Tuberculose (~20%, en baisse)
      • à rechercher systématiquement !
    • HIV (~5%) (par infection opportuniste de la surrénale - ++ CMV, par hémorragie surrénalienne secondaire à une thrombopénie sur HIV, tumeurs plus fréquentes,…)
    • Rares : histoplasmose, paracoccidioïdomycose, cryptococcose, blastomycose, syphilis
  • Causes vasculaires : infarcissement massif sur hémorragie (stress, héparine, traumas,…) ou thrombose veineuse bilatérale
    • Tableau dominé par des douleurs abdominales avec défense +- nausées et/ ou vomissements. L’évolution peut être rapidement fatale (choc)
  • Causes néoplasiques :
    • Métastases surrénaliennes bilatérales. Elles sont très fréquentes dans de nombreuses néoplasies, mais seul un cinquième des patients atteints développeront une insuffisance surrénalienne (car elle nécessite une destruction > 90% du cortex surrénalien)
  • Causes systémiques :
    • POEMS, sarcoïdose, amyloïdose,…
  • Formes congénitales (++ en post-natal)
    • Hyperplasie congénitale des surrénales, hypoplasie congénitale des surrénales, adrénoleucodystrophie, adrénomyéloneuropathie, syndrome de résistance à l’ACTH, maladies mitochondriales

Insuffisances surrénaliennes secondaires = centrales

Secondaires à une atteinte, congénitale ou acquise, hypothalamique ou hypophysaire.

Clinique

La symptomatologie varie selon le degré et du type de déficit (éventuelle préservation de la fonction minéralocorticoïde), de l’origine périphérique ou centrale, de son étiologie et des circonstances (++ majorée en cas de stress). La progression clinique est généralement lente (hormis quelques cas tels qu’une hémorragie surrénalienne bilatérale massive) et peu spécifique, le diagnostic est donc souvent fait à l’occasion d’une décompensation dans le cadre d'un stress. En outre, la clinique est souvent plus frustre chez le sujet âgé (vigilance, effectuer plus rapidement des tests endocriniens).

Clinique commune en cas d'évolution chronique

Apparition insidieuse de :

  • Dégradation de l'état général avec asthénie (100%) augmentant au cours de la journée
  • Anorexie et amaigrissement (100%)
  • Signes digestifs (90%) : nausées, vomissements, constipations, douleurs abdominales, diarrhée.
    • Ils peuvent être au premier plan, mimant un abdomen chirurgical. Retenir « qu’il n’existe pas d’urgence abdominale jusqu’à preuve du contraire chez un addisonien ».
  • Myalgies, arthralgies, douleurs erratiques
  • Hypotension artérielle systolique avec pincement différentiel, ne se démasquant parfois qu’à l’orthostatisme
  • Aménorrhée (1 femme sur 4), diminution de la pilosité sexuelle et troubles de la libido
  • Épisodes d’hypoglycémies
  • Signes fréquents de dépression, voire de troubles psychotiques, pouvant égarer le diagnostic

Particularités cliniques des insuffisances primaires (Addison)

  • Mélanodermie (hyperpigmentation cutanéo-muqueuse [contrairement à l’hémochromatose limitée à la peau] secondaire à une augmentation de l’ACTH et MSH)
    • +++ au niveau des zones exposées au soleil, des plis, des zones de friction, des zones naturellement plus pigmentées (organes génitaux externes,…)
    • Peut passer pour un bronzage, mais a un aspect « sale », hétérogène
  • Hypotension artérielle  plus marquée (car le déficit en aldostérone est la règle)

Particularités cliniques des insuffisances secondaires (centrales)

  • Dominées par l’asthénie, anorexie, amaigrissement +- hypogonadisme
  • Dépigmentation avec pâleur généralisée, pouvant être plus marquée au niveau des organes génitaux externes.
  • Présence variable de signes d’atteinte hypophysaire ou hypothalamique

Clinique de l'insuffisance surrénalienne aiguë

Survient suite à un stress (infection et choc septique, trauma, chirurgie, traitement mal conduit,…). Survient surtout dans le cadre d’insuffisances primaires (crise  addisonienne). Révèle l’insuffisance surrénalienne dans 25% des cas. Risque vital majeur en l’absence de traitement.

  • Risque majeur de choc hypovolémique (hypotension artérielle, extrémités froides, pouls faible, filant et rapide, signes de déshydratation)
    • !! réagit mal aux amines pressives (vasoplégie liée à la carence en cortisol)
  • Signes digestifs intenses : douleurs, vomissements, diarrhée, rigidité abdominale. Peut mimer un abdomen chirurgical
  • Formes sévères : hyperthermie, troubles de la conscience jusqu’au coma

Diagnostic différentiel

  • Pathologies musculaires
  • Syndrome inapproprié de sécrétion en hormone anti-diurétique (SIADH)
  • Néphropathies avec pertes en sel
  • Pathologies digestives, en particulier le cancer gastrique
  • Intoxications aux métaux lourds
  • Anorexie mentale, troubles dépressifs, troubles psychotiques
  • Hyperparathyroïdie
  • Hémochromatose

Biologie de base

  • Troubles électrolytiques, ++ en cas d’insuffisance aiguë
    • hyponatrémie, hyperkaliémie avec acidose, hypercalcémie (rare)
  • Glycémie à jeun en général dans la norme basse, hypoglycémies lors de jeûnes ou d’insuffisances aiguës
  • Anémie normochrome normocytaire modérée ou au contraire hémoconcentration (augmentation de l'hématocrite et hyperprotéinémie), neutropénie, hyper-réninémie possibles

Imagerie

Un CT-scan abdominal peut révéler :

  • Des calcifications surrénaliennes (tuberculose)
  • Une atrophie surrénalienne bilatérale (rétraction corticale auto-immune, tuberculose ancienne)
  • Une hypertrophie surrénalienne bilatérale (tuberculose récente, hémorragie bilatérales)
  • Des tumeurs

Diagnostic d'une crise aiguë d'insuffisance (cortico)-surrénalienne

A suspecter sur base de la clinique, particulièrement dans un contexte de stress et en cas de non ou mauvaise réponse du choc à l’administration d’amines pressives. La suspicion doit bien sûr être plus forte chez tout addisonien connu. Il faut immédiatement effectuer un prélèvement pour un dosage de cortisol et d’ACTH qui confirmeront ultérieurement le diagnostic. Le diagnostic provisoire pourra être affirmé sur base d’une bonne réponse à l’administration d’hydrocortisone à hautes doses.

Diagnostic d'insuffisance (cortico)-surrénalienne chronique

Insuffisance surrénalienne - bilan
Insuffisance surrénalienne - bilan

Cortisolurie de 24 heures

C’est l’examen de dépistage de choix. Cependant (++ en cas de forte présomption clinique), certains procèdent directement à un dosage de cortisol et d'ACTH plasmatiques basals, d’autres proposent directement à un test au synacthène.

Cortisol et ACTH plasmatiques basals

Compte tenu des variations nycthémérales, ces dosages doivent impérativement être faits au réveil, entre 6 et 8 heures du matin.

Test au synacthène

Une cortisolémie basale normale peut cacher une insuffisance surrénalienne frustre (incapacité de répondre à une situation de stress). On la démasque en administrant 250 µg IV ou IM de synacthène (analogue ACTH) et en mesurant la cortisolémie (immédiatement après), une demi-heure et une heure plus tard. Si la cortisolémie ne dépasse pas 200 ng/ml, on diagnostique une insuffisance frustre. Ceci est valable pour la maladie d’Addison, mais également pour les insuffisances primaires (car une carence prolongée en ACTH entraîne une certaine atrophie corticosurrénale et entrave sa capacité de réponse à l’ACTH).

Test au CRF (= CRH)

Permet théoriquement de différencier une origine hypophysaire d’une origine hypothalamique d’une insuffisance surrénalienne secondaire. Cependant, cette information a peu de conséquences pratiques immédiates et sera obtenue par un bilan étiologique. Son coût élevé et sa difficulté d’interprétation restreignent son utilisation.

Test à la métopirone

Administration de 30 mg/ kg de métopirone à minuit avec prélèvement à 8 heures du matin pour cortisolémie, de l’ACTH et du composé S plasmatique (11-désoxycortisol). A éviter en cas d’insuffisance surrénalienne cliniquement évidente (risque de précipiter une crise aiguë).

Test d'hypoglycémie insulinique

Faire des prélèvements veineux avant, puis à 15, 30, 45, 60 et 90 minutes après injection de 0,15 U/ kg d’insuline à action rapide. Ce test ne peut être réalisé qu’en milieu hospitalier et la glycémie doit pouvoir être contrôlée. Il est contre-indiqué chez les personnes âgées, les cardiaques et épileptiques. Il ne doit pas être réalisé en cas d’insuffisance surrénalienne évidente (risque de crise aiguë). Positif si la cortisolémie est < 20 µg/ dL après injection.

Traitements des insuffisances surrénaliennes

Mesures générales

  • Information du patient : porter une carte signalant la pathologie, éviter le stress, apprentissage d’injections d’hydrocortisone en cas d’éloignement des structures de soins
  • Surveillance : toute la vie pour assurer la compliance, équilibrer le poids, surveiller les électrolytes (kaliémie !)
  • Mesures hygiéno-diététiques :
    • Éviter les facteurs de décompensation et les régimes hyposodés
    • Prévenir les infections
    • Traiter symptomatiquement toute déshydratation et perte en sel (! diarrhées, vomissements !)
  • Adaptation du traitement avant tout stress prévisible (chirurgie)

Traitements étiologiques

Présentent généralement peu d’intérêt, excepté en cas de maladie d’Addison tuberculeuse : le traitement anti-tuberculeux précoce permet parfois de restituer le potentiel sécrétoire.

Traitements supplétifs

En phase chronique

  • Hydrocortisone 20-30 mg/ jour en 2-3 x (ex : 2/3 le matin, 1/3 à midi)… à adapter selon l’évolution clinique
  • A adapter en cas de stress prévisible (x 2/3)
  • Palliation minéralocorticoïde parfois nécessaire en cas de maladie d’Addison : Fludrocortisone 25 à 150 µg/ jour
  • DHEA 50 mg/ jour
    • Effet semble positif, mais peu d’études
    • Surveiller seins et prostate chez les patients âgés

En phase aiguë

Urgence vitale !! → traitement au moindre doute !! Faire les dosages mais ne pas en attendre les résultats !

  • USI, mesures générales de (pré)-choc avec réhydratation IV massive (NaCl 0,9% ou glucosé 5% supplémenté en NaCl, 3-4 L/ 24 heures dont 1 L dans la première ½ heure, mais interdiction initiale de KCl !) et correction des facteurs déclenchants éventuels
  • 4 x 100 mg (300 à 600 mg) d’hydrocortisone IV ou IM sur les premières 24 heures
    • Puis réduction progressives des doses jusqu’aux doses classiques (généralement sur 3 jours)

Hypoaldostéronismes = déficits isolés en minéralo-corticoïdes

Doit être évoqué devant toute hyperkaliémie persistante en l’absence de cause évidente (insuffisance rénale, prise de potassium ou de diurétiques d’épargne potassique).

Hypoaldostéronismes hypo-réninémiques (= secondaires)

Etiologies

  • Insuffisance rénale chronique
  • Néphropathie diabétique
  • LED, myélome, POEMS, HIV
  • Iatrogène (effet transitoire ++) : AINS, béta-bloquants, IEC, cyclosporine

Présentation

Tableau classique : hyperkaliémie chronique inexpliquée asymptomatique avec insuffisance rénale modérée, acidose métabolique hyperchlorémique modérée.

Diagnostic

Biologie sanguine et urinaire : aldostérone basse, activité rénine plasmatique basse (++ après administration d’un diurétique de l’anse ou après orthostatisme du sujet pendant 3 heures)

Hypoaldostéronismes hyper-réninémiques (= primaires)

Etiologies

  • Congénitales (rare, autosomique récessif) : certains syndromes adro-génitaux (= déficits enzymatiques surrénaliens = hyperplasies congénitales des surrénales). Déclaration ++ dans l’enfance avec retard staturo-pondéral, syndrome de perte en sels, épisodes récurrents de déshydratation
  • Iatrogène : héparine, anticalciques, spironolactone, IEC, cyclosporine
  • Contexte d’affections sévères, très rarement sur métas surrénaliennes bilatérales
  • (si associé à d’autres troubles surrénaliens : cf insuffisances surrénaliennes)

Diagnostic

Biologie sanguine et urinaire : aldostérone basse, augmentation de l’activité rénine plasmatique

Traitements

  • Equilibrer la kaliémie
  • Fludrocortisone 30-150 µg/ jour

Syndromes adro-génitaux = hyperplasies congénitales des surrénales

Constituent des déficits enzymatiques surrénaliens autosomiques récessifs. Tout cas index doit entraîner une enquête familiale avec conseil génétique. Les déficits enzymatiques possibles sont nombreux, mais le déficit en 21-hydroxylase représente à lui seul ~95% des cas.

Le déficit en 21-hydroxylase ~95%

Prévalence : 1/14500. Entraîne une accumulation de 17-OH-progestérone conduisant à une augmentation de synthèse d'androgènes et un déficit de synthèse de cortisol (éventuellement compensé par une hyperplasie surrénalienne en cas de perte d'activité mineure).

Symptomatique uniquement en cas d'homozygotie. De très nombreuses mutations sont impliquées → clinique et âge de déclaration très variables selon le degré de perte d'activité enzymatique : asymptomatique, hirsutisme, infertilité, aménorrhée, OMPK, clitoridomégalie, ambiguïté sexuelle, hyperkaliémie, insuffisance cortico-surrénalienne partielle ou complète,…

Le diagnostic est établi par le dosage de la 17-OH-progestérone après un test au synacthène (réponse explosive).

Le traitement dépendra de la sévérité du bloc enzymatique : hydrocortisone, androcur, aldactone, progestatifs séquentiels, prise en charge d'infertilité,…