Insuffisance cardiaque

Aller à : navigation, rechercher
  Auteur(s) : Dr Shanan Khairi
  Date de dernière édition : 22/08/2023

L'insuffisance cardiaque (IC) est un syndrome clinique (cf infra) résultant d'une anomalie cardiaque structurelle ou fonctionnelle. Sa prévalence est de 1 à 2 % dans la population générale (environ 10 % pour les plus de 70 ans). Elle représente la première cause d'hospitalisation des plus de 65 ans. La survie à 5 ans d'une insuffisance cardiaque chronique est de 30 à 50%.

Dans de rares cas, elle peut-être (partiellement) réversible (myocardite, post-partum, toxiques, alcool,…). Les facteurs pronostiques les plus fiables sont : l'âge, l'étiologie, le score NYHA, la fraction d'éjection ventriculaire (FEV), les co-morbidités et le taux de BNP.

L'insuffisance cardiaque se caractérise :

  • soit par une diminution de la contractilité myocardique responsable d'un débit cardiaque insuffisant pour assurer les besoins de l'organisme, fraction d'éjection ventriculaire souvent diminuée (les valeurs normales étant > 50 à 60%) : Insuffisance cardiaque systolique (environ 2/3 des cas)
  • soit par une diminution de l'élasticité ventriculaire (troubles de la relaxation) avec une fraction d'éjection ventriculaire conservée au prix d'une augmentation des pressions auriculaire (+- veineuse pulmonaire) : Insuffisance cardiaque diastolique (environ 1/3 des cas)

On distingue cliniquement :

  • L'insuffisance cardiaque gauche isolée
  • L'insuffisance cardiaque droite isolée
  • L'insuffisance cardiaque globale

On distingue sur base des examens complémentaires :

  • L'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection altérée
  • L'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection conservée (présumée sur insuffisance diastolique → diagnostic parfois difficile tant à établir qu'à récuser)

Enfin, on distingue l'insuffisance cardiaque chronique (prise en charge non urgente) de l'insuffisance cardiaque aiguë (urgence médicale).

Etiologies de l'insuffisance cardiaque chronique

  • Cardiopathies ischémiques : cause d'environ 50% des cas
    • 20% des patients ayant eu un infarctus myocardique développeront une insuffisance cardiaque à 5 ans (2% au cours du premier mois)
  • Cardiopathies dilatées
    • Hypertension artérielle systémique (HTA) ou pulmonaire
    • Alcoolisme
    • Idiopathiques
    • Cardiopathies valvulaires
    • Post-partum
    • Formes familiales
  • Cardiopathies congénitales : communications inter-ventriculaires (CIV), communications inter-auriculaires (CIA), coarctation aortique
  • IC "à haut débit" : carences en vitamine B1 (Béribéri), Paget, fistules artério-veineuses, hyperthyroïdie, anémie sévère,…
    • Evoluent secondairement vers une insuffisance cardiaque à bas débit
  • Altérations primitives du myocarde : myocardites, cardiopathies sur endocrinopathies ou carences nutritionnelle, toxiques et hypersensibilité, infiltrations (amylose, hémochromatose, néo, leucémie, maladie de Fabri et de Gaucher, sarcoïdose), dystrophies musculaires, ataxie de Friedreich, syndrome de Noonan, fibrose, cardiomyopathies du post-partum, post-radiques, sur hypothermie

Principaux facteurs de risque : antécédents de coronopathies, HTA associée à des signes électrocardiographiques d'HVG, diabète, tabagisme, obésité, dyslipidémie

L'insuffisance cardiaque droite est le plus souvent secondaire à une insuffisance cardiaque gauche. Cependant l'insuffisance cardiaque droite isolée n'est pas exceptionnelle et est le plus secondaire secondaire à : bronchopneumopathies (obstructives ou restrictives, post-embolies pulmonaires, hypertension artérielle pulmonaire → "cœur pulmonaire"), pathologies du cœur droit (sténose pulmonaire, communication inter-auriculaire, tétralogie de Fallot, syndrome d'Eisenmenger, valvulopathie tricuspide), péricardite constrictive. Une insuffisance cardiaque droite aiguë peut se rencontrer au cours d'une embolie pulmonaire massive, d'un état de mal asthmatique, d'une pneumopathie aiguë, d'un infarctus étendu du ventricule droit ou compliqué d'une rupture septale, d'une tamponade.

Mécanismes d'adaptation et cercles vicieux

Ils n'ont le temps de s'installer que dans le cadre de l'insuffisance cardiaque chronique.

Précoces

  • Dilatation aiguë du ventricule gauche (VG)
    • La dilatation du VG a des effets délétères à terme : une augmentation de la pression télédiastolique du VG entraîne une augmentation de la pression pulmonaire, augmentant les signes congestifs.
  • Stimulation neuro-humorale sympathique
    • Entraîne des mécanismes compensateurs : chronotrope positive et inotrope positive, vasoconstriction artériolaire.
    • Mais accroît le risque de mort subite : myocardiotoxicité (augmentation de la post-charge sur vasoconstriction, augmentation de la consommation en oxygène sur l'effet inotrope positif, toxicité directe de la noradrénaline et de l'adrénaline) et arythmies.

Tardifs

  • Remodelage du VG : hypertrophie concentrique (augmentation des pressions) et/ ou excentrique (augmentation de volume)
    • Effets délétères à terme : allongement de la relaxation, mort cellulaire par ischémie relative.
  • Modifications neuro-hormonales
    • Elles sont nombreuses (adrénergique, vasopressine, endothéline, activation du système Rénine-Angiotensine-Aldostérone,…) → augmentation de la pré et/ ou de la post-charge.

Patients à risque - dépistage

Doivent bénéficier d'un dépistage clinique systématique pour l'insuffisance cardiaque les patients présentant des antécédents de : syndrome coronarien aigu, HTA, valvulopathies, bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO). La réalisation d'examens complémentaires ne se justifie qu'en cas d'examen clinique suggérant le diagnostic.

Critères diagnostiques d'une insuffisance cardiaque chronique selon Framingham

Le diagnostic est avant tout clinique et peut être porté en présence d'au moins 2 critères majeurs ou d'au moins 1 critère majeur et de deux critères mineurs (ne pouvant être attribué à une autre pathologie) :

CRITERES MAJEURS

CRITERES MINEURS

Dyspnée paroxystique nocturne

Turgescence jugulaire

Râles crépitants

Cardiomégalie radiologique

Oedème Pulmonaire Hémodynamique (OPH)

Présence d'un B3 (galop)

Reflux Hépato-Jugulaire (RHJ)

Pression Veineuse Centrale (PVC) > 16 cmH20

Perte pondérale > 4,5 kg en 5 jour suite au traitement de l'IC

Oedème des Membres Inférieurs (OMI) bilatéraux des extrémités

Dyspnée aux efforts courants

Hépatomégalie

Epanchement pleural

Fréquence Cardiaque > 120 bpm

Présentations cliniques de l'insuffisance cardiaque chronique

Elle s'installe sur des semaines à des années et la clinique est longtemps peu spécifique, la présence d'antécédents favorisant étant un argument diagnostique important à rechercher. Son évolution peut être parsemée de décompensations dont les facteurs déclenchants sont à rechercher systématiquement.

Le tableau d'insuffisance cardiaque chronique gauche isolée

  • Limitation de la capacité à l'effort
    • Plaident pour une dyspnée d'origine cardiaque plutôt que pulmonaire : orthopnée (dort en position semi-assise ?…), dyspnée paroxystique nocturne +- quintes de toux sans expectorations ("équivalents OPH"), antécédents d'oedèmes pulmonaires hémodynamiques.
  • Toux à l'effort ou au passage en décubitus
  • "Asthme cardiaque", défini comme l'association d'une dyspnée-bradypnée et de sibilants sur obstruction bronchique par dilatation veineuse
  • Epanchements pleuraux
  • Fatigue, "faiblesse", anxiété, épisodes confusionnels, polyurie nocturne (amélioration de la perfusion rénale et résorption des œdèmes au décubitus et au repos), vertiges, syncopes, respiration de Cheynes-Stokes (succession rythmique d'apnées et d'hyperpnées)
  • Diminution des capacités intellectuelles (surtout chez les chez patients âgés)
  • Crépitants, arythmies, galop ou souffles à l'auscultation

Le tableau d'insuffisance cardiaque chronique droite isolée

Peut se traduire par une dyspnée, mais d'autres symptômes sont plus spécifiques :

  • Hépatalgie d'effort ou de repos +- hépatomégalie
  • Oedèmes des membres inférieurs voire anasarque, épanchements pleuraux
  • Turgescence jugulaire et reflux hépato-jugulaire, souffle tricuspide
  • Anorexie, douleurs abdominales, nausées, vomissements,…
  • Dyspnée pouvant être d'origine pulmonaire

L'insuffisance cardiaque chronique globale

Elle traduit généralement une maladie évoluée. On pourra alors rencontrer l'ensemble des symptômes précités, des arythmies, un éventuel B3/ B4 à l'auscultation, une peau froide et transpirante, une tension artérielle normale à basse ou "pincée", une oligurie et cachexie aux stades sévères. Le risque de choc cardiogénique est très élevé en cas de décompensation.

Classification clinique NYHA de l'IC chronique

Cette classification simple présente toujours un intérêt diagnostique, pronostique et thérapeutique.

Stade I

Asymptomatique

Stade II

Symptomatique pour des efforts habituels (limitation légère des activités quotidiennes)

Stade III

Symptomatique pour des efforts légers (limitation marquée des activités quotidiennes)

Stade IV

Symptomatique au moindre effort ou au repos

Facteurs susceptibles de décompenser une insuffisance cardiaque chronique

A rechercher systématiquement en cas de décompensation cardiaque :

  • Incompliance thérapeutique ou rupture du régime hyposodé = 1ère cause
  • Arythmies : principalement la Fibrillation Auriculaire (FA)
  • Surinfection bronchopulmonaire, décompensation d'une BPCO ou d'un asthme, embolie pulmonaire
  • Prise impromptue d'inotropes négatifs (β-bloquants, certains anti-arythmiques et anticalciques) ou de médicaments favorisant la rétention sodée (corticoïdes, AINS) et perfusions trop abondantes
  • Pathologies augmentant le travail cardiaque ou la volémie: fièvre, sepsis, anémie, grossesse, hyperthyroïdie, insuffisance rénale, chirurgie, post-opératoire, HTA non contrôlée,…
  • Prise de toxiques (cocaïne, alcool,…)

Sont à rechercher particulièrement en cas de décompensation cardiaque droite isolée :

  • Cœur pulmonaire chronique sur BPCO, bronchopneumopathies restrictives, post-embolie pulmonaire
  • Hypertension artérielle pulmonaire (HTAP, très rare)
  • Cardiopathies congénitales (sténoses pulmonaires, communication interauriculaire, tétralogie de Fallot, syndrome d'Eisenmenger
  • Valvulopathie tricuspide
  • Péricardite constrictive
  • Embolie pulmonaire massive, état de mal asthmatique, pneumopathie aiguë étendue, infarctus étendu au ventricule droit ou avec rupture septale, tamponnade

L'insuffisance cardiaque aiguë (ICA)

L'insuffisance cardiaque aiguë doit quant à elle toujours être considérée comme une urgence vitale et doit faire systématiquement évoquer : un infarctus massif, une tachycardie ou une bradycardie extrême (> 180 bpm ou < 35 bpm), une insuffisance valvulaire aiguë (endocardite, rupture de cordage ou de pilier), une tamponnade, une embolie pulmonaire massive.

En l'absence de cardiopathie connue sous-jacente, la survenue d'une ICA doit faire rechercher :

  • Syndrome coronarien aigu
  • Urgence hypertensive
  • Myocardite, tamponnade
  • Aggravation d'une valvulopathie (endocardite, rupture de cordage), dysfonction d'une valve prothétique)
  • Arythmies malignes
  • Trauma ou dissection aortique
  • Embolie pulmonaire massive
  • Prise de toxiques et iatrogènes : cocaïne, héroïne, barbituriques, benzodiazépines, anthracyclines et autres cytostatiques,…
  • Secondaire à un choc non cardiogénique
  • Endocrinopathies : thyrotoxicose, phéochromocytome, béribéri

Mise au point diagnostique et étiologique d'une insuffisance cardiaque chronique

Le diagnostic est avant tout clinique. Des examens complémentaires diagnostiques non concluants doivent faire envisager les diagnostics différentiels mais ne peuvent exclure le diagnostic.

Insuffisance cardiaque chronique - bilan

Biologie

  • A rechercher : anémies, troubles ioniques (++ hyponatrémie), fonctions rénale et hépatique, TSH et coagulation,…
  • Dosage de la (pro)-BNP. Valeur Prédictive Négative variable (80 à 98% selon les études et le seuil choisi)
    • En cas de négativité, il suffit à exclure le diagnostic si une autre explication à la clinique est retrouvée
    • Augmente physiologiquement avec l'âge (→ difficile à interpréter chez les plus de 75 ans) et diminue en cas d'obésité
    • ! seuil plus élevé en cas d'ICA qu'en cas d'IC chronique

Electrocardiogramme

Les anomalies sont très fréquentes et leur absence doit remettre en cause le diagnostic. A rechercher : signes de surcharge auriculaire et/ ou ventriculaire, BBG, éléments d'orientation étiologique (onde Q de nécrose, arythmies).

  • Signes de surcharge D aiguë : axe vertical ou droit, tachycardie, SIQIII, BBD, onde T négative en V1-V3
  • Signes de surcharge D chronique : axe vertical ou droit, BBD, onde P pointue et surélevée (HOD), Sokolow (HVD)
  • Signes de surcharge G aiguë : rien de spécifique, anomalies variables selon l'étiologie
  • Signes de surcharge G chronique : axe gauche, troubles de la repolarisation (ST, T) en DI/ aVL/ V5-V6, augmentation de la durée de l'onde P (HOG), Sokolow (HVG)

Radiographie thoracique

A perdu de son utilité du fait des échographies. Possibles cardiomégalie (peu sensible) et signes de stase. Reste utile en cas pour les décompensations et pour le diagnostic différentiel.

Echographie cardiaque trans-thoracique (ETT, Gold Standard)

  • Confirme la cardiopathie et évalue la fonction ventriculaire diastolique et systolique
    • IC systolique si FEVG < 50 à 60 % - valeur diagnostique et pronostique selon le niveau de dégradation
    • IC à FEVG conservée (présumée) diastolique – diagnostic difficile, considérer différents facteurs (2 facteurs sur 3 = diagnostic très probable) :
      • Rapport E/A (reflet de la pression du VG) – par stades de gravité croissants :
        • anomalies isolées de la relaxation → E/A < 1
        • aspect "pseudonormal" : coexistence d'anomalies de la relaxation et d'une augmentation des pression de remplissage ou d'une cardiopathie restrictive → E/A normal
        • anomalies de compliance → E/A > 2
      • HVG
      • Dilatation de l'OG
  • Orientation/ diagnostic étiologique : valvulopathie, troubles de la cinétique segmentaire (cardiomyopathie ischémique ?), troubles diffus de la contractilité (cardiomyopathie dilatée ?), hypertrophie homogène (cardiopathie hypertensive ?) ou asymétrique (cardiomyopathie hypertrophique ?)
  • Evaluation des diamètres, volumes et pressions ventriculaires, des pressions pulmonaires

Holter de rythme cardiaque

Epreuve d'effort avec ergo-spirométrie et échographie cardiaque

Une VO2max inférieure à 50% de la valeur prédite ou < 14 ml/ kg/ min (normale > 30) révèle un candidat potentiel à la transplantation cardiaque.

Examens complémentaires non systématiques

D'autres examens peuvent être utiles à visée étiologique ou pronostique selon le contexte :

  • CT-scanner injecté (réseau coronaire et préciser le degré de valvulopathies dont le caractère critique est douteux à l'écho)
  • IRM cardiaque (++ si suspicion d'une pathologie inflammatoire, infiltrative ou tumorale)
  • PET-CT (peu utilisé)
  • Echographie trans-oesophagienne (ETO) : en cas d'ETT de qualité médiocre ou mettant en évidence des valvulopathies complexes ou une suspicion de thrombus intra-cavitaire.
  • Echocardiographie de stress
  • Cathétérisme cardiaque D/ G
  • Coronographie indispensable en cas de suspicion de cardiopathie ischémique
  • Biopsie myocardique, rarement nécessaire
  • Scintigraphie myocardique (++ pour estimer viabilité myocardique)
  • Test de marche de 6 min : péjoratif si < 300m

Prise en charge des insuffisances cardiaques aiguës

Schématiquement :

Insuffisance cardiaque aiguë - prise en charge
  • Admission au labo de choc. L'intubation ou l'utilisation d'amines impose un transfert en USI/ UC.
  • Restriction sodée et arrêt des médicaments favorisant la rétention sodée (AINS, corticoïdes,…)
  • Restriction hydrique en cas d'hyponatrémie (10 à 15 ml/kg)
  • Arrêt des inotropes négatifs en cas d'IC diastolique (vérapamil ou diltiazem, ne pas interrompre les β-bloquants si déjà instaurés)
  • Oxygénothérapie uniquement en cas d'hypoxémie (objectif : Sat > 90%)
  • Morphinique IV avec prudence (risque de dépression respiratoire) si stress / douleur
  • Recherche étiologique et traitement étiologique si possible
    • Coronopathie, myocardite, toxiques, poussée hypertensive, valvulopathie, tamponnade, péricardite constrictive, cardiomyopathies restrictives, cœur pulmonaire, EP, arythmie, endocardite, sepsis, anémie, hyperhydratation, trouble K/ Mg, iatrogène (β-bloquants, corticothérapie, anticalciques, anti-arythmiques, anthracyclines, œstrogènes,…), alcoolisme, pneumonie,…
    • Cardioversion en cas d'arythmie avec choc / hypotension
    • Traitement médical et coronarographie dès que possible en cas de Syndrome Coronarien Aigu
  • Evaluer opportunité de ponctionner d'éventuels épanchements pleuraux
  • Evaluer la volémie et la perfusion (débit cardiaque ++) :
    • Signes d'hypervolémie : œdèmes, orthopnée, signes de surcharge pulmonaire, hépatomégalie douloureuse,…
    • Signes de perfusion diminuée : peau froide, tachycardie, hypotension, pouls alternant, insuffisance rénale prérénale, confusion,…
  • Diurétiques en cas d'hypervolémie avec TAS > 85 mmHg
    • ++ diurétiques de l'anse (ex : furosémide 40 mg IV ou 2 x la dernière dose PO si déjà traité par diurétiques – à répéter selon clinique). (en cas de résistance, association avec un thiazide IV - non disponible en Belgique)
  • Vasodilatateurs (cedocard) en cas de persistance symptômes malgré diurétiques et TAS > 110 mmHg
    • Diminuer lentement la tension artérielle, éviter si possible en cas de sténose mitrale ou aortique significative
    • Dinitrate d'isosorbide (cedocard) : 1 à 10 cc/ h à la pompe
  • Amines – prudence – arrêt dès que possible
    • Dobutamine (+- Fluid Challenge) en cas d'hypotension, d'hypoperfusion ou de choc
      • 2-20 µg/kg/min (≈ 7-70 mg/h ≈ 0,6-6 cc/h)
    • Noradrénaline ou Adrénaline en cas d'échec de la dobutamine
      • Noradrénaline : 0,2 à 1 µg/ kg/ min
      • Adrénaline : (bolus de 1 mg / 5 min si RCP) 0,05 à 0,5 µg/ kg/ min
    • Dopamine (dynatra) en cas de débit urinaire inférieur à 20 ml/ h malgré optimisation des diurétiques
      • N'est quasi plus utilisée qu'à "doses rénales"
      • Effet rénal + vasodilatateur : < 3 µg/ kg/ min
      • (Effet inotrope + vasodilatateur : 3-5 µg/ kg/ min)
      • (Effet inotrope + vasopresseur à des doses plus élevées)
  • Circulation extra-corporelle en cas de résistance aux amines
  • Hémofiltration en cas de persistance d'une oligo-anurie malgré traitement médical ou de syndrome cardio-rénal
  • Si nécessité d'antagoniser l'action de bêtabloquants et choc réfractaire : envisager inhibiteurs PDE-III :
    • Milrinone : bolus 25 µg/ kg/ min 10 à 20 min puis 0,375 à 0,75 µg/kg/min
  • Mesures générales : prévention de l'ulcère de stress et des TVP,… + surveillance paramètres, poids, diurèse
  • Dès résolution → ETT → instaurer précocement IEC / sartan + β-bloquants + ARM si FEVG altérée
  • Dans certains cas sélectionnés (ICA du VD isolée / ICA avec volumes ventriculaires très diminués - ++ cardiopathies hypertrophiques), les diurétiques et IEC doivent être évités au bénéfice des anticalciques et β-bloquants, voir d'un remplissage prudent, même en cas de surcharge

Traitements de l'insuffisance cardiaque chronique à FEVG altérée

Insuffisance cardiaque à FEVG diminuée - prise en charge thérapeutique

Traitements médicamenteux – doses (mg/j)

Diurétiques (cible = minimum soulageant symptômes)

Autres (dose de départ – dose cible selon tolérance)

Anse

Furosemide

20 - 240

IEC

Lisinopril

2,5 - 20 (35)

Captopril

3x6,25 - 3x50

Bumetanide

0,5 - 5

Enalapril

2x2,5 - 2x10 (20)

Ramipril

2,5 - 2x5

Torasemide

5 - 20

Sartan

Valsartan

2x40 - 2x160

Candesartan

4 - 32

Losartan

50 - 150

Thiazide

Indapamide

2,5 - 5

β-bloquant

Bisoprolol

1,25 - 10

Metoprolol

12,5 - 200

Nebivolol

1,25 - 10

Hydrochlorothiazide

12,5 - 100

Carvedilol

2x3,125 - 2x25 (50)

ARM

Spironolactone

25 - 25 (50)

Eplerenone

25 - 50

Traitement étiologique

Seul espoir d'enrayer l'issue autrement généralement rapidement fatale → rechercher en particulier les causes réversibles : hyperthyroïdies, coronopathies, brady et tachyarythmies, alcoolisme, valvulopathies, pathologies péricardiques.

Mesures générales

  • Diminuer les facteurs de risque : alcool, régime hyposodé (max 2 à 6g de Na/ j, être moins strict chez les patients âgés), restriction hydrique en cas d'hyponatrémie, suppression du tabac et de l'alcool, lutte contre l'obésité, contrôle strict de l'HTA et de l'hypercholestérolémie, contrôle du diabète,… et prise en charge des co-morbidités
  • Oxygénothérapie selon gazométries
  • Ré-entraînement physique en cas de NYHA I ou II/ III stables. Sinon au contraire, diminution raisonnable des activités.
  • Vaccination antigrippale
  • Auto-surveillance régulière (pesée)
  • Les anticoagulants n'ont d'indication qu'en cas d'association à une fibrillation auriculaire ou un thrombus intra-cavitaire.
  • Respecter les principales contre-indications médicamenteuses :
    • Glitazones
    • Anticalciques (inotropes négatifs) sauf amlodipine et felodipine
    • AINS et anti-COX-2
    • Inhibiteurs de la rénine (potentialise les effets secondaires des IEC et ARM sans bénéfice démontré)

Traitements médicamenteux symptomatiques

Tout patient souffrant d'une insuffisance cardiaque à FEVG diminuée doit, sous réserve de sa tolérance, bénéficier d'un traitement par IEC ou sartan + bêtabloquant aux doses maximales tolérées +- diurétiques selon symptômes aux doses minimales nécessaires.

Diurétiques (hors ARM)

Traitement de première ligne. Action symptomatique (pas d'avantage démontré sur la mortalité, néphrotoxicité, effets potentiellement délétères à long terme). Préférer généralement les diurétiques de l'anse (furosémide), recourir aux thiazidiques en cas de rétention hydrosodée légère avec fonction rénale normale ou en combinaison avec les diurétiques de l'anse en cas d'oedèmes réfractaires. De principe, leurs doses doivent être constamment adaptées à la symptomatologie, la dose idéale étant la dose minimale nécessaire pour maintenir le patient asymptomatique. Nécessitent un monitoring de la fonction rénale et parfois une supplémentation potassique. Les diurétiques d'épargne potassique non ARM (amiloride, triamtérène) sont parfois utilisés, sans EBM probante, conjointement à un autre diurétique pour en potentialiser les effets et diminuer le risque d'hypokaliémie.

IEC ou sartans

Traitement de première ligne. Agissent sur les symptômes et la mortalité. Certaines études décrivent des différences significatives de mortalité en cas d'utilisation de fortes doses → les prescrire jusqu'à dose maximale tolérée. La principale limitation du traitement est l'apparition d'une insuffisance rénale. Ex : captopril 6,25 mg, augmenter à 50-100 mg / lisinopril 2,5mg, augmenter à 20-40 mg. Les antagonistes des récepteurs à l'angiotensine (sartans) sont indiqués en cas d'intolérance aux IEC (toux/ hypersensibilité). Ex : candesartan 4 à 8 mg, augmenter à 32 mg. Un traitement conjoint par IEC et sartan n'a pas démontré d'intérêt. L'association IEC + sartan + ARM est quant-à-elle démontrée défavorable.

β-bloquants

Traitement de première ligne. Auparavant contre-indiqués dans l'IC, ils ont montré un effet bénéfique sur les symptômes et la mortalité s'ils sont administrés en chronique à doses progressivement croissantes (débuter à doses minimales, augmenter toutes les 2 à 3 semaines) et sous surveillance. Dans 10% des cas on assistera à une dégradation clinique transitoire nécessitant d'augmenter les diurétiques (+- diminution transitoire des IEC). Ils restent contre-indiqués en cas de brady-arythmies, d'asthme, de BPCO, d'hypotension artérielle, d'insuffisance cardiaque récente ou décompensée (ne jamais les instaurer ou majorer durant une ICA !!! – mais l'introduire le plus précocement possible dès résolution). Ex : bisoprolol 1,25 mg/j, augmenter à 10 mg ou Carvedilol 3,125 mg/j, augmenter à 25-50 mg.

Antagonistes des récepteurs aux minéralocorticoïdes (ARM)

Traitement de deuxième ligne. Potentialise les risques d'hyperkaliémie des IEC et sartans.

Ivabradine (procoralan, inhibiteur du nœud sinusal)

Médicament de troisième ligne, à réserver aux patients en rythme sinusal dont la FC est > 70 bpm. Contre-indications : bradycardie, insuffisance hépatique sévère.

Digitaliques (digoxine ++)

Traitement de dernière ligne. Ils améliorent la contractilité myocardique mais sont arythmogènes, entraînant une amélioration symptomatique au prix d'une mortalité accrue. Son effet bénéfique est d'autant plus marqué que l'insuffisance cardiaque est sévère ou que le patient présente une bradycardie sinusale ou une tachycardie auriculaire, jonctionnelle ou ventriculaire. Actuellement recommandés en dernière ligne pour les insuffisances cardiaques avec FA ou restant symptomatiques avec une FEVG < 35 à 40%. Leur utilisation requiert un monitoring rapproché de la fonction rénale et de la kaliémie.

Vasodilatateurs : Hydralazine, nitrés

Peu d'EBM (réduction de mortalité démontrée sur les noirs-américains en addition d'un traitement par IEC, bêtabloquants et ARM) → à envisager chez les sujets noirs ou en dernière ligne.

Dobutamine

Elle présente surtout un intérêt dans le traitement de l'insuffisance cardiaque aiguë mais son utilisation en chronique est extrêmement délétère. Des "cures de dobutamine" sont donc utilisées en dernière ligne, généralement en attendant une greffe cardiaque, toujours sous monitoring en UC ou USI.

Traitements chirurgicaux et médico-chirurgicaux

Défibrillateurs

Près de la moitié des décès des patients insuffisants cardiaques sont dus à des arythmies ventriculaires. La prévention par anti-arythmiques a cependant été démontrée délétère → implantation d'un défibrillateur en cas de survenue d'une arythmie ventriculaire mal supportée sur le plan hémodynamique et espérance de vie supérieure à 1 an OU d'insuffisance cardiaque restant symptomatique sous traitement optimal depuis plus de 3 mois avec une FEVG < 35% et une espérance de vie supérieure 1 an.

Pace-Maker biventriculaire : CRT (+- défibrillateur)

Indication bien établie (grade A) : rythme sinusal + NYHA demeurant à III-IV et FEVG < 35% malgré un traitement optimal + espérance de vie supérieure à 1 an. Idem mais FEVG < 30% si NYHA II. Le QRS doit être > 120-150 ms.

Indication moins bien établie (grade B) : FA + NYHA demeurant à II-IV et FEVG < 35% malgré traitement optimal + espérance de vie supérieure à 1 an.

Assistance ventriculaires mécaniques et transplantation cardiaque

En cas d'insuffisance cardiaque terminale (échec du traitement médical sur un NYHA IV). Survie de 65% à 5 ans. Le recours à une assistance ventriculaire mécanique peut constituer un traitement en l'attente d'une greffe.

Une greffe est toujours à évoquer chez des patients jeunes avec des facteurs de mauvais pronostic sous traitement optimal :

  • Cliniques : dyspnée NYHA IV ou d'évolution rapide, persistance d'un galop ou de signes d'insuffisance ventriculaire, décompensations fréquentes ou sans facteur déclenchant retrouvé, difficulté de sevrage des inotropes, amaigrissement, syncopes
  • Etiologiques : plus mauvais pronostic des cardiopathies ischémiques ? (contesté)
  • Hémodynamiques et échocardiographiques : FEVG < 30%, dilatation ventriculaire (diamètre télédiastolique du VG > 80mm), TA systémique basse, pressions pulmonaires et télédiastolique du VG élevées, débit cardiaque et volume d'éjection systolique bas, amincissement des parois cavités sphériques, aspect restrictif en rythme sinusal
  • Capacité d'effort : VO2max < 50% de la valeur prédite ou < 14 ml/kg/min, test de marche de 6 min < 300 m
  • Biologique : hyponatrémie, insuffisance rénale, anomalies hépatiques, BNP élevée ou en augmentation rapide
  • Electrocardiographiques : extrasystoles ventriculaires, tachycardies ventriculaires, troubles de la conduction

Traitement de l'insuffisance cardiaque chronique à FEVG conservée

Il n'existe pas d'EBM concernant ce cas de figure, le traitement est donc inspiré de celui de l'insuffisance cardiaque systolique, à la différence notable que les anti-calciques ne sont pas contre-indiqués. On privilégiera l'usage des diurétiques (bénéfice symptomatique certain) et du verapamil (meilleur remplissage ventriculaire théorique en allongeant la diastole). Selon les cas on ajoutera un β-bloquant (++ si coronopathie, HTA mal contrôlée, tachycardie). Les IEC et sartans n'ont pas démontré de bénéfice.

Prise en charge des arythmies sur fonds d'insuffisance cardiaque chronique

Fibrillation ou Flutter auriculaire

En l'absence d'insuffisance cardiaque aiguë, on privilégiera pour contrôler le rythme ventriculaire (pas d'intérêt démontré d'une resinusalisation) :

  • IC à FEVG diminuée : bêtabloquants → + digoxine si insuffisant → remplacer digoxine par amiodarone si insuffisant → avis cardio si insuffisant (ablation ?)
  • IC à FEVG conservée : anticalcique → + digoxine si insuffisant → remplacer digoxine par bêtabloquant si insuffisant → avis cardio si insuffisant (ablation ?)

+ décision d'anticoaguler ou antiagréger selon les critères habituels.

Arythmies ventriculaires

Optimiser le traitement de l'IC (IEC + bétabloquants + ARM). Revascularisation si possible en cas de coronaropathie. Implantation d'un défibrillateur implantable en cas d'arythmies ventriculaires symptomatiques ou soutenues et d'espérance de vie > 1 an (sinon : amiodarone) → ajouter amiodarone si les arythmies demeurent symptomatiques → ablation par cathéter en cas d'échec.

Bradycardies symptomatiques et BAV

Indications habituelles mais préférer un CRT au pacing traditionnel.

Auteur(s)

Dr Shanan Khairi, MD