Insuffisance hépato-cellulaire, hépatites et encéphalopathie hépatique

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Une insuffisance hépato-cellulaire correspond à une altération des fonctions hépatiques, une hépatite à une inflammation du parenchyme hépatique et une encéphalopathie hépatique à une souffrance cérébrale diffuse secondaire à une dysfonction hépato-cellulaire. Les étiologies sont nombreuses mais dans nos sociétés développées la majorité des cas, fréquents, résultent d'infections virales ou de l'éthylisme chronique. Dans tous les cas, les complications engagent potentiellement le pronostic vital à court ou moyen terme.

Insuffisance hépatique aiguë

Elle correspond à une altération majeure et globale des fonctions hépatiques s’installant en quelques jours à semaines, se différencie des insuffisances hépatiques secondaires à des hépatopathies chroniques (++ au stade de cirrhose) s’installant sur plusieurs années. Les répercussions sont très variables, dépendant de l’étiologie et de l’état des organes secondairement affectés.

Sa sévérité est gradée selon la concentration du facteur V et la clinique :

 

[facteur V]/ PTT

Encéphalopathie

Intervalle entre ictère et encéphalopathie

Modérée

50-75%

non

 sans objet

Sévère

< 50%

non

 sans objet

Sub-fulminante

< 50%

OUI

15 à 90 jours

Fulminante

< 50%

OUI

0 à 15 jours

Etiologies

La plupart des insuffisances hépatiques aiguës s’observent au cours des hépatites aiguës. Cependant, malgré une altération de la fonction hépatique, > 90% des hépatites aiguës ne se compliquent pas d’une insuffisance hépatique.

  • Hépatites aiguës virales : HAV, HBV +- HDV, HEV, HSV 1 et 2, HV6, HZV, HBV, adénovirus,…
  • Hépatites aiguës médicamenteuses : halothéne, isoniazide, anti-inflammatoires non stéroïdiens, anti-épileptiques, antiviraux,…
  • Hépatites aiguës toxiques : paracétamol, amanite phalloïde, ectasy, hépatite alcoolique aiguë,…
  • Autres : hypoxie hépatique, hyperthermie, hépatite à cellules géantes, syndrome de Budd-Chiari, maladies veino-occlusives, infiltration néoplasique, maladie de Wilson, hépatite auto-immune, stéatose aiguë gravidique, toxémie gravidique, hépatectomie majeure, hémochromatose,…

Clinique et complications

Variable selon étiologie et sévérité :

  • Ictère quasi-constant (bien que fréquemment absent en cas d’installation rapide comme lors d'une intoxication au paracétamol), fœtor hépatique, possibles douleurs de hypochondre droit
  • Palpation indolore, généralement pas d’hépatomégalie (excepté hépatite alcoolique,…)
  • Hypertension portale modérée : faible ascite possible, parfois splénomégalie avec thrombopénie, hémorroïdes, tête de méduse, varices œsophagiennes, entéropathie exsudative
  • Encéphalopathie hépatique = altération diffuse et (initialement) réversible des fonctions du système nerveux central sur l'accumulation de toxiques par dysfonction de la fonction hépatique (NH3 et autres + médicaments), peu spécifique
    • Astérixis > confusion > stupeur et somnolence > coma avec souvent une hypertonie et polypnée > signes d’hypertension intracrânienne (tachycardies, tachy-arythmies, poussées hypertensives, fièvre, polypnée, sueurs, convulsions, mouvements de décérébration [extension-pronation spontanée ou à la douleur], anisocorie [engagement ?])
    • Possible hyperventilation avec hypocapnie et alcalose respiratoire
    • Facteurs aggravants : benzodiazépines, neuroleptiques, hypoglycémie, insuffisance rénale, anémie, hypoxémie,…
    • La survenue d’une encéphalopathie est corrélée à une mortalité élevée → il est capital de la prévenir dès le stade d’insuffisance hépatique sévère
  • Insuffisance rénale aiguë, rencontrée dans 50 à 80% des cas sur vasoconstriction rénale et baisse de flux + facteurs iatrogènes (aminoglycosides, produits de contraste iodés,...)
  • Oedèmes, ascite, hyponatrémie et hypophosporémie, hypoglycémie au stade ultime
  • Syndrome d’hypercinésie cardio-circulatoire : tachycardie, augmentation du débit cardiaque
  • Hémorragies (rares, rechercher une autre cause si elles surviennent), coagulation intravasculaire disséminée
  • Sensibilité accrue aux infections
  • Signes variables selon l'étiologie

Diagnostic et mise au point

Généralement, le diagnostic est rapidement posé sur base clinico-biologique (ictère, troubles de la conscience, altération des tests hépatiques, troubles de la coagulation). Cependant, la clinique peut être frustre (pas d’ictère,…) et conduire à poser un diagnostic psychiatrique avec le risque d’aggraver une encéphalopathie par des psychotropes.

  • Biologie :
    • Augmentation des GPT, GOT, bilirubine conjuguée, GGT. Divers selon étiologie (sérologies virales, dosages toxiques, bilan fer et cuivre,...).
    • PAL normales ou modérément augmentée.
    • Albuminémie généralement normale, diminuée si prolongé ou (sub)-fulminant
    • Diminution des facteurs de coagulation (corrélés au pronostic → à doser régulièrement) II, VII et X (vit K dépendants) et V, allongement du temps de Quick. Diminution de l’antithrombine.
    • Hyperammoniémie (non corrélée au pronostic → des mesures répétées sont inutiles). Fréquente et évocatrice mais non constante, son absence ne suffit en aucun cas à exclure une encéphalopathie hépatique.
  • Echographie et/ ou CT-scanner abdominal
  • Electro-encéphalogramme (EEG) : peut montrer en cas d’encéphalopathie (dès avant la clinique) des signes aspécifiques : ralentissement global, augmentation de l’amplitude. Utilité du monitoring en cas de suspicion d'état de mal.

Prise en charge thérapeutique - Traitements

  • Hospitalisation. Toujours envisager une admission en centre spécialisé ou en soins intensifs si PTT < 50%.
  • Etiologique si possible :
    • Hépatite herpétique (toujours à suspecter en présence de fièvre et de transaminases > 100 fois la normale)
      • Aciclovir 10 mg/ kg 3x/ jour IV
    • Hépatite au paracétamol
      • Exemple de schéma IV : N-acétylcystéine IV (chaque fois dans 500 cc de G5%), bolus en 60 minutes de 150 mg/ kg puis 50 mg/ kg en 4 heures puis 100 mg/ kg en 16 heures
    • Syndrome de Budd-Chiari
      • Anticoagulation à doses thérapeutiques, éventuelle thrombolyse si pris précocement
    • Maladie de Wilson
      • D-pénicillamine per os 300 mg/ jour à augmenter jusqu’à 1500 à 2000 mg/ jour en 1 semaine
    • Hépatite auto-immune
      • Prednisolone 1-2 mg/kg/j
    • Stéatose aiguë gravidique
      • Déclenchement ou césarienne
  • Supportif
  • En cas de stade sévère : prévenir l’encéphalopathie
    • Interrompre tous les traitements médicamenteux non indispensables (++ les psychotropes, anti-inflammatoires non stéroïdiens et aminoglycosides) et proscrire les examens avec produits de contraste iodés
    • Lactulose (duphalac 3 x 30 à 50 ml/ jour de sirop = 3 x 10 g/ jour puis adapter pour obtenir 3 selles molles/ jour)
    • IV : solution glucosée + phosphate (perfusion de bolus de soluté glucosé hypertonique en cas d’hypoglycémies), minimum 1600 cal, principalement sous forme de glucose, stopper les protéines dans un premier temps, évaluer opportunité de supplément en vitamines et potassium
  • Fresh Frozen Plasma : pas d'indication en préventif (sauf en cas de nécessité d'examens invasifs, à discuter avec l'opérateur) mais seulement en présence d'une hémorragie avérée
  • Divers : prévention de l’ulcère de stress, antibiothérapie en cas d’infection bactérienne documentée (préférer les bêtalactames et quinolones, proscrire les aminoglycosides), intubation et ventilation mécanique en cas de troubles sévères de la vigilance/ hypoxémie sévère/ hypercapnie
  • En cas d'hypertension intracrânienne : position semi-assise. Augmenter le rythme respiratoire. En l’absence d’insuffisance rénal → mannitol bolus 0,5 g/ kg toutes les 4 heures. En présence d'une insuffisance rénale → dialyse. En cas d'association à une hypotension artérielle : recourir aux catécholamines (un remplissage excessif risque d’aggraver l’hypertension intracrânienne)
  • Envisager greffe hépatique (totale ou auxiliaire si < 50 ans) en cas de risque important de décès (coexistence d’une confusion ou coma et d’une [facteur V] < 30%)

NB : en cas d’insuffisance hépatique chronique séquellaire, on limitera les apports protéiques à 50 g/ jour et prescrira du lactulose pour prévenir l’encéphalopathie hépatique.

Hépatites virales

Modes de transmission :

  • oro-fécale pour HAV et HEV
  • sexe, sang et salive pour HBV (sexe ++) et HCV (sang ++). HCV ne donne que rarement une hépatite aiguë, et est le plus souvent diagnostiquée en phase chronique.

Virus les plus fréquemment impliqués dans les :

  • Hépatites aiguës : 40% HAV, 30% HBV, 15% HCV
  • Hépatites chroniques : 55% HBV, 40% HCV

Clinique

Seules 10% des hépatites virales aiguës sont symptomatiques, dont seulement 10% sont ictériques, dont seulement 1% sont (sub)-fulminantes. 70% des hépatites C et 10% des hépatites B passeraient à la chronicité. L’incubation est de 15 à 45 jours pour HAV, HCV, HDV, HEV et de 50 à 100 jours pour HBV. Les hépatites « non alphabétiques » sont rares.

Généralités

  • Syndrome pré-ictérique : fréquent et résumant souvent la maladie : ++ syndrome grippal → troubles digestifs (nausées, vomissements, anorexie), éventuelles douleurs de l'hypochondre droit, myalgies, asthénie, fièvre.
  • L’ictère avec urines foncées et selles décolorées +- prurit (forme cholestatique ?) apparaît généralement quelques jours plus tard et peut durer > 1 mois. L’absence d’ictère (majorité des cas !) n’est pas suffisante pour exclure une hépatite !
  • L'examen clinique est souvent normal hormis l’éventuel ictère. Le foie et/ ou la rate peuvent parfois être un peu gros et sensibles.
  • Rechercher les signes de gravité d’insuffisance hépato-cellulaire imposant une hospitalisation : asthénie intense, signes d’encéphalopathie (astérixis, troubles de conscience).
  • Les manifestations extra-hépatiques sont rares : anémies hémolytiques, thrombopénies, aplasies médullaires, poly/ multi ou mononeuropathies, méningite, myélite, paralysie de nerfs crâniens, péricardite, myocardite, pancréatite aiguë, polyarthrite, urticaire,…
  • Complications de HBV et HCV : glomérulonéphrite, cryoglobulinémie. HBV est également impliqué dans la panartérite noueuse et l'acrodermite papuleuse.

Particularités

  • HSV disséminé (++ chez les immunodéprimés, femme enceinte, nouveau-né) : fièvre élevée, neutropénie, élévation des transaminases habituellement à > 100 fois les normes, éruption vésiculeuse (parfois discrète, parfois limitée à quelques vésicules sur le col de l’utérus). Constitue une urgence thérapeutique.
  • L’HDV ne peut pénétrer que des hépatocytes déjà infectés par HBV (augmente le risque d’hépatite fulminante et le passage à la chronicité.

Evolution, complications et pronostic

  • HAV :
    • Se solde quasi-toujours par une guérison sans séquelle
    • Complications possibles :
      • Hépatite cholestatique : dégradation de l'état général, perte de poids, ictère, prurit intense, évolution toujours favorable
      • Hépatite biphasique dans ~10%
      • L’hépatite fulminante est rare (~0,1%) et se solde par 10% de mortalité
  • HBV :
    • Les cas d'hépatite fulminante se soldant par 70% de mortalité
    • < 10% des HBV aiguës se transforment en HBV chronique = persistance d’Ag HBs > 6 mois
    • 1/3 sont porteurs asymptomatiques
    • 2/3 sont (peu) symptomatiques
      • Dont 20% développeront une cirrhose
        • Dont 75% développeront une insuffisance hépatique chronique et une hypertension portale
        • Dont 25% développeront un hépatocarcinome
  • HCV :
    • L’hépatite fulminante est rare (1%)
    • > 50% des HCV aiguës se transforment en HCV chronique = persistance des Ac anti-HCV
      • Dont 50% développeront une cirrhose
        • Dont 10% développeront un hépatocarcinome
  • EBV : hépatites fréquentes dans la mononucléose, transitoires et spontanément résolutives
  • HSV : l’évolution vers une hépatite fulminante est fréquente et les atteintes extra-hépatiques graves non exceptionnelles
  • CMV : se rencontre surtout chez les immunodéprimés (risque de réactivation +++) et menace souvent le pronostic vital. L’immuno-compétent guérit spontanément sans séquelle.
  • Fièvres exotiques (fièvre jaune, dengue, fièvre de Lassa, Ebola, Marburg) : hépatites sévères à fulminantes fréquentes.
  • HZV : une hépatite fulminante est possible chez l’immunodéprimé. Association au syndrome de Reye
  • Rougeole/ rubéole : une hépatite d’évolution bénigne est possible
  • HEV : jamais de chronicité, mortalité élevée (10-20%) chez les femmes enceintes et les insuffisants hépatiques chroniques

Diagnostic et bilan

  • Anamnèse, mode de vie, rapports sexuels, voyages, clinique
  • Biologie :
    • Augmentation des transaminases de 10 à 100 fois les normes avec GPT > GOT
      • Si > 100xN : évoquer une étiologie grave telle que l’HSV
      • Si GOT > GPT : évoquer une étiologie éthylique
    • Parfois : hyperbilirubinémie, augmentation modérée des GGT et PAL, neutropénie, syndrome mononucléosique
    • La diminution de la [du facteur V] ou du temps de prothrombine < 50% sont des signes de gravité imposant l’hospitalisation
  • Sérologies : doivent comprendre IgM anti-HAV, Ag HBs, IgM anti HBc, Ac anti-HCV +- PCR ARN HCV
    • HAV :
      • IgM anti-HAV = infection aiguë
      • Ils persistent cependant plusieurs mois et peuvent être des faux positifs (facteur rhumatoïde, hépatite auto-immune)
      • IgG anti-HAV = infection ancienne
    • HBV :
      • Infection aiguë :
        • Ag HBs et Ag HBe = incubation et phase précoce de l’infection aiguë
        • IgM anti-HBc =  infection aiguë
          • Leur absence en début de phase aiguë est possible (répéter le dosage) mais doit faire évoquer un portage chronique préalable de l’Ag HBs et faire rechercher une autre cause (surinfection HDV, HCV, HAV, iatrogène,…)
      • Infection chronique :
        • Ag HBs et Ag HBe = infection chronique si présents après 10 semaines
        • IgG anti-HBc. IgM anti-HBc faible dose = possible en chronique
      • Immunité :
        • Ac anti-HBs et Ac anti-HBc

HBsAg

Anti-HBs

Anti-HBc

HBeAg

Anti-HBe

Interprétation

+

-

IgM

+

-

Hépatite B aiguë

+

-

IgG

+

-

Hépatite B chronique avec replication virale active

+

-

IgG

-

+

Hépatite B chronique avec faible replication virale

+

+

IgG

+ / -

+ / -

Hépatite B chronique avec anti-HBs hétérotypique (10%)

-

-

IgM

+ / -

-

Hépatite B aiguë

-

+

IgG

-

+ / -

Immunité post-hépatite B

-

+

-

-

-

Immunité post-vaccinale

-

-

IgG

-

-

Faux positif ou, moins fréquemment, infection très ancienne

  • HCV :
    • Anticorps anti-HCV
      • Positivisation parfois tardive (jusqu'à la vingtième semaine)
      • Complément de biologie si anticorps anti-HCV + :
        • Marqueurs d'activité : PCR ARN HCV (+ après 1 à 2 semaines) + charge virale + génotype
        • Exclusion d'autres maladies hépatique : ferritine, HBV, Auto-anticorps, Ig, échographie hépatique
    • Faire une ponction-biopsie si augmentation des GPT (à répéter) (ou PCR + ?)
  • En cas de séronégativité HAV, HBV et HCV → rechercher :
    • HDV
    • HEV
    • HSV : ! diagnostic rétrospectif : virémie, anticorps anti-HSV ! Sa prise en charge se base donc avant tout sur la clinique et la biologie usuelle
    • CMV : IgM anti-CMV
    • EBV : MNI-test, réaction de Paul-Bunnell, IgM anti-VCA
    • HZV
    • Hépatites bactériennes
    • Hépatites auto-immunes, maladie de Wilson,…
  • En cas d’HBV ou d’HCV : toujours rechercher HIV et syphilis. En cas d’hépatite chronique, rechercher les marqueurs d’activité virale (ADN ou ARN)

Traitements

  • Général des hépatites aiguës :
    • Stopper tous les médicaments si possible (particulièrement les contraceptions orales combinées et œstrogènes, benzodiazépines et neuroleptiques, les anti-vitamines K et sulfamides hypoglycémiants). Eviter l’alcool.
    • Ne pas donner d’antalgique, antipyrétique ou anti-émétiques si possible (aggravation de cytolyse, précipitation d’encéphalopathie). Repos au lit si symptomatologie marquée.
    • Suivi clinique et biologique (1 mois pour HAV, 6 mois pour HBV)
    • Surveiller le développement d’une insuffisance hépatique jusqu’au passage du pic des transaminases
  • Hospitalisation (USI) à envisager en cas d'insuffisance hépatique sévère à (sub)-fulminante (encéphalopathie, taux de PT ou facteur V < 50%) → cf prise en charge des insuffisances hépatiques.
  • Hépatite C aiguë (à discuter) : interféron α 3 MU 3 x/ semaine durant 3 mois
  • HSV et VZV : aciclovir IV 10 mg/ kg 3 x/ jour en urgence dès suspicion clinique
  • CVM : ganciclovir
  • Général des hépatites chroniques : arrêt de l’alcool et des toxicomanies IV.
  • HCV chronique (uniquement en cas de réplication virale/ activité détectable) : interféron α 3 MU 3 x/ semaine jusqu’à 12 mois + ribavirine
  • HBV chronique (uniquement en cas de réplication virale/ activité détectable) : interféron α 2,5-5 MU 3 x/ semaine pendant 4-6 mois → lamivudine en cas d’échec
  • NB sur le traitement par interféron
    • Indications : HBV et HCV chroniques (où présence de signes d'activités biologique et histo [cf score de Knodell ou METAVIR])
    • Contre-indications : grossesse, allergie à l'interféron, insuffisance hépatique sévère ou cirrhose décompensée (ascite, ictère, encéphalopathie), insuffisance rénale sévère, insuffisance cardiaque non compensée, infarctus récent, angor instable, hypertension artérielle sévère non contrôlée, arythmies sévères, thrombopénie ou leucopénie sévère, troubles psychiatriques non contrôlés
    • Contre-indications relatives : antécédents d'épilepsie, de troubles psychiatriques et dysthyroïdies
    • Effets secondaires : syndrome pseudo-grippal, céphalées, asthénie, (dépression, dysthyroïdie, thrombo/neutropénie, vertiges, épilepsie, hyper ou hypotension, arythmies, insuffisance cardiaque, troubles de la glycémie, alopécie modérée, érythème, prurit, peau sèche,…)

Prophylaxie

  • HAV : vaccin pour les métiers (industrie alimentaire et HORECA, soins de santé, enfants et personnel des crèches, prisonniers, homes,…) et voyages à risque et certaines situations déterminées (hémophiles, polytransfusés, toxicomanes, homosexuels), possible à partir de 1 an
    • Exemple : vaccin combiné twinrix (HAV+HBV) : 3 doses à M0 + M1 + M6 en IM au deltoïde ou à la face antéro-latérale de la cuisse.
    • En cas de contact avec un contaminant : une dose de vaccin dans les 8 jours de la déclaration de la maladie chez le cas index
  • HBV :
    • Vaccin systématique pour les nouveaux nés (de mère porteuse de l’Ag HBs ++), partenaires, métiers et voyages à risque, rapports sexuels à risque et toxicomanes, tatoués, piercés, hémodyalisés, détenus, candidats à une greffe, patients précédemment traités pour maladies sexuellement transmissibles, infectés à HCV. Immunité évaluée par le titre des Ac anti-HBs
      • Débat sur les effets secondaires : implication dans la pathogénèse de maladies démyélinisantes (sclérose en plaques, leucoencéphalopathie multifocale progressive) et autres pathologies auto-immunes ?
    • Dépistage pour les femme enceintes du troisième trimestre, avant vaccination des personnes à risque.
    • Si contact à risque → prophylaxie secondaire dans les 7 jours du contact
      • Ig HBV 0,06 ml/ kg + vaccination
  • HCV : dépistage pour les personnes ayant des rapports sexuels à risque et toxicomanes + infectés par HBV ou HIV

Quelques mots sur les hépatites chroniques

  • Interrogatoire : toxicomanies IV, transfusions, chirurgies, antécédents familiaux, rapports sexuels à risques, tatouages, dialyse, voyages, toxiques,…
  • Clinique :
    • Examen souvent normal, l'asthénie est le symptôme le plus fréquent, l’hépatomégalie, les signes d’insuffisance hépatique (angiomes stellaires, ictère, érythrose palmaire) sont rares.
  • Biologie : transaminases augmentées ou normales, bilirubine conjuguée augmentée en cas d’ictère, PAL et GGT normales à discrètement élevées, la prothrombine est souvent normale. L'hypergammaglobulinémie (++ IgG) est importante et fréquente en cas d’hépatite chronique auto-immune, mois dans les hépatites virales. Doser le fer, la saturation de la sidérophiline, la céruloplasmine, les triglycérides, les anticorps anti-mitochondries pour le diagnostic différentiel.
    • →  toute augmentation chronique minime (même 1,5 fois la normale) ou intermittente des GPT doit être investiguée
  • Sérologies : Ag HBs, anti-HCV, Ac anti-muscle lisse ou anti-noyau ou anti-LKM
  • Echographie ou CT-scanner hépatique : pour éliminer tumeur ou autre pathologie des voies biliaires ou hépatovasculaire
  • Biopsie hépatique : nécessaire au diagnostic et pour indication thérapeutique

(Stéato)-hépatites alcooliques aiguës

Elles surviennent principalement sur un foie déjà stéatosique ou cirrhotique. La mortalité sans traitement est de 35% à 1 mois et de 50% à 6 mois.

Clinique, évolution, pronostic

  • Formes mineures (les plus fréquentes) : fatigue, parfois (sub)-fébrile, hépatomégalie parfois sensible
  • Formes modérées et sévères (association fréquente à une cirrhose, toujours à rechercher) : idem que dans les formes mineures, ictère non ou peu prurigineux, ascite, encéphalopathie, rupture de varices œsophagiennes, hépatalgies, splénomégalie, tête de méduse, angiomes stellaires,... jusqu'aux signes de choc.
  • L’aggravation dans les 10-15 premiers jours, période la plus dangereuse, est la règle. Le pronostic à court terme est évalué par le score de Maddrey. L’évolution à long terme est mal connue mais la pré-existence d’une cirrhose est de mauvais pronostic (survie à 4 ans des patients sans cirrhose = 60%, des patients avec cirrhose = 35%). En cas d’hépatite alcoolique sans cirrhose, 40% développeraient une cirrhose dans les 10 ans.

Diagnostic

  • Anamnèse et clinique. Même si une étiologie éthylique est supposée, rechercher systématiquement des facteurs favorisants ou déclenchants (++ iatrogènes).
  • Biologie : les anomalies des tests hépatiques et de la bilirubinémie peuvent être modérées +- anomalies d’alcoolisme chronique
    • Signe évocateur : GOT / GPT > 2
  • Ponction-biopsie = diagnostic de certitude (voie transjugulaire de préférence)

Traitements

  • Arrêt définitif de l’alcool sous contrôle médical, éviction des facteurs favorisants
  • Prise en charge immédiate de la dénutrition per os ou IV
  • En cas de cirrhose : 30-40 kcal/ kg de poids sec/ jour avec 1,2-1,5 g/ kg de poids sec/ jour de protéines +- vitamines
  • Prise en charge symptomatique d’une éventuelle insuffisance hépatique aiguë et des complications
  • Traitements dont l’efficacité est contestée :
    • Corticothérapie 32 mg/ jour 1 semaine à 1 mois (++ en cas d’encéphalopathie ou de score de Maddrey > 32 ou de PT < 50%)
      • NB : le score de Maddrey est peu utilisable en routine clinique : Score = 4,6 x (PT patient (en secondes) - PT témoin (en secondes)) + bilirubinémie (en micromol/ l) / 17
    • Insuline + glucagon en IV (maintien de la trophicité hépatique mais risque d’hypoglycémies sévères (surveillance pluriquotidienne)
  • Traitements dont aucune étude n’a jamais démontré l’efficacité : colchicine, D-pénicillamine, dianidanol, PUT, anti-TNF-α,…
  • La greffe hépatique peut-être discutée en aigu malgré le non respect du critère de sevrage alcoolique depuis 6 mois. Elle devrait être pratiquée systématiquement pour les patients sevrés qui ne s’améliorent pas à distance de l’épisode aigu.

Hépatites stéatosiques non alcooliques (NASH)

Le passage d'une stéatose non alcoolique (++ dans un contexte d'obésité [80% des obèses seraient porteurs d'une simple stéatose, 20% d'une NASH] et/ ou de dyslipidémies) vers une NASH est inconstante. Le mécanisme semble en être un excès de stress oxydatif (dysfonctionnement mitochondrial et/ ou hyperexpression de TNFα,…) et une insulinorésistance.

Risque d'évolution vers une cirrhose de 15%, vers un hépatocarcinome de 3%/ an. Toutes causes confondues, la mortalité à 10 ans serait (??) ~60% (dont 25% par cirrhose et 75% par troubles cardio-vasculaires) → une biopsie hépatique s'impose en cas de doute diagnostic entre une stéatose non alcoolique et une NASH (implication pronostique et surveillance).

Facteurs déclenchants possibles : iatrogènes (œstrogènes, amiodarone, perhexilline, nifédipine, tamoxifène, glucocorticoïdes), amaigrissement brutal (chirurgie bariatrique !), nutrition parentérale, pullulation microbienne intestinale

Biologie : élévation modérée des transaminases (GPT < 4 x normale) avec GPT > GOT (sauf en cas de cirrhose sous-jacente), hypertriglycéridémie et hypoHDL, diabète de type 2, ferritine souvent augmentée +- augmentation des fibrinogène, CRP, homocystéine et microalbuminurie.

Il n'existe aucun traitement (utilisés mais n'ayant jamais démontré d'efficacité : hypolipémiants, metformine, anti-oxydants, anti-TNF-α) hormis la maîtrise des facteurs de risque (obésité, hyperlipémie, diabète, hypertension artérielle) et des complications. Envisager une greffe hépatique en cas de cirrhose décompensée ou d'hépatocarcinome.

Hépatites auto-immunes (HAI)

Il s'agit d'hépatites chroniques supposées multifactorielles caractérisées par la présence d’auto-anticorps, une hypergammaglobulinémie polyclonale et une infiltration périportale lymphoplasmacytaire n’ayant pas d’autre cause. Maladies rares (incidence = 0,7/ 100.000 habitants/ an). Les deux pics d’apparition sont 10-30 ans et 40-50 ans. Sex-ratio de 4 femmes pour 1 homme. Elles représenteraient 6% des hépatites chroniques.

A noter qu’il existe des "formes frontières" : association de maladies cholestatiques et d’hépatites auto-immunes, association HCV et HAI.

Clinique et évolution

  • Asthénie (85%), ictère (80%), hépatomégalie (80%), hépatalgies (50%).
  • Evolution par poussées successives, parfois spontanément résolutive, laissant une fibrose séquellaire risquant d’évoluer vers la cirrhose. 40% auront une cirrhose à 10 ans, avec un risque d’hépatocarcinome. Survie moyenne sous traitement = 80% à 10 ans.
  • Rarement, les HAI peuvent sous présenter sous forme d’une hépatite aiguë (sub)-fulminante.

Diagnostic

  • Présence d’auto-anticorps :
    • HAI de type 1 = la plus fréquente → présence d’auto-anticorps anti-muscles lisses à 95% +- anticorps anti-nucléaires +- anti-SLA
    • HAI de type 2 = la plus fréquente chez les moins de 20 ans → présence d’auto-anticorps antimicrosomes de foie et reins (anti-LKM-1) et/ ou anti-LCA.
    • Cependant, 20 à 30% des patients ne présentent pas ces auto-anticorps → le diagnostic sera évalué par un spécialiste sur base d’un score comprenant des critères cliniques (réponse au traitement immunosuppresseur, sexe, faible consommation d’alcool,…) et biologiques (ratio PAL/ GPT, IgG, FAN, absence de marqueur viral,…).
  • Autres résultats de la biologie : transaminases 5 à 10 fois la normale, hypergammaglobulinémie à prédominance d’IgG.
  • Biopsie

Traitement

L'objectif est de limiter l’activité de la maladie. Indications d'un traitement :

  • Forme fulminante → urgence
  • HAI subaiguë avec transaminases 5 à 10 x les normes et gammaglobulines > 2 x les normes
  • Clinique invalidante
  • Hépatite histologique modérée à sévère (nécrose en pont ou multilobaire)

Modalités :

  • Patient âgé, ostéoporotique, diabétique, obèse ou hypertendu : bithérapie ++
    • Prednis(ol)one 30 mg/ jour avec décroissance sur 4 semaines pour atteindre < 10 mg/ jour puis réduction de 2,5 mg/ semaine + azathioprine (imuran) 50 mg/ jour
      • Maintien avec azathioprine 50 mg/ jour - 2 mg/ kg/ jour à maintenir 2 ans après rémission, arrêt sur 3 à 6 mois
  • Jeunes femmes souhaitant une grossesse/ cytopénie : monothérapie ++
    • Prednis(ol)one 60mg/ jour avec décroissance sur 4 semaines pour atteindre < 20 mg/ jour puis réduction de 2,5 mg/ semaine
      • Maintien avec azathioprine 50 mg/ jour - 2 mg/ kg/ jour à maintenir 2 ans après rémission, arrêt sur 3 à 6 mois.
  • 20% ne répondront pas → alternatives : ciclosporine, cyclophosphamide, 6-mercaptopurine, tacrolimus, mycophénolate mofétil,…

En cas d’HAI (sub)-fulminante corticorésistante ou de cirrhose avec complications sévères, envisager une greffe hépatique.

Hépatites bactériennes

Secondaires à une septicémie ou une infection sévère extra-hépatique

Fréquentes (multifactorielles : sur endotoxines, médicaments,… ++ au cours des septicémies et des infections pulmonaires et urologiques) mais modifiant rarement le pronostic du patient. Les réelles insuffisances hépatiques s’observent généralement dans le cadre d’une défaillance multi-systémique, nécessitent rarement un traitement propre mais sont un marqueur de sévérité imposant la mise en place rapide d’une antibiothérapie empirique.

Sont cependant susceptibles de provoquer de graves lésions hépatiques irréversibles : syndrome du choc toxique à staphylocoque doré, clostridium perfringens,…

Atteinte hépatique primitive

Elles sont rares. Germes impliqués : leptospirose, brucellose, mélitococcie, legionella pneumophila, shigellas, campylobacter, salmonelles, yersinia, syphilis, borrelia, rickettsioses, bartonella, chlamydia, mycoplasma,…

Hépatites cryptogéniques = d'étiologie indéterminée

Selon les séries, elles représentent de 3 à 30% des hépatites évoluées et de 7 à 14% des causes de greffes hépatiques. Hypothèses étiologiques : alcoolisme non avoué, stéatohépatite non alcoolique, dysimmunité aiguë, infection virale chronique et occulte.

Auteur(s)

Dr Shanan Khairi, MD