Maladie de Huntington
Date de dernière édition : 22/09/2024
La maladie de Huntington ou "chorée de Huntington" est une maladie neurodégénérative héréditaire, de transmission autosomique dominante, à pénétrance complète (risque de transmission aux enfants de 50%) entraînant un tableau clinique caractérisé par une triade associant mouvements choréiformes, syndrome démentiel et syndrome psychiatrique.
Il s'agit d'une maladie rare dont la prévalence est de 4 à 10 cas/ 100.000 habitants, se déclarant préférentiellement entre 30 et 50 ans et touchant préférentiellement les sujets blancs. Son évolution se fait inexorablement vers un état grabataire, le décès survenant en 10 à 20 ans. La prise en charge actuelle est toujours uniquement palliative.
Etiopathogénie
L'anomalie génétique causale est une expansion de triplets CAG sur le gène de l'huntingtine (chromosome 4). La maladie se déclare à partir de > 38 triplets par gain de fonction toxique : l'huntingtine mutée est dégradée par des protéases en fragments. Celui contenant la séquence polyglutamine forme des microagrégats toxiques entraînant :
- la séquestration de différents facteurs
- un stress oxydatif
- une toxicité mitochondriale
- une activité pro-apoptotique
L'huntingtine est ubiquitaire dans l'organisme. Cependant les neurones (particulièrement ceux du striatum) sont les seules cellules touchées… la raison en étant toujours inconnue. L'anatomie pathologique révèle une atrophie cérébrale diffuse particulièrement marquée dans le striatum.
On observe un "phénomène d'anticipation" : tendance à l'expansion du nombre de triplets à chaque transmission → déclaration de la symptomatologie de plus en plus précoce et sévère au fil des générations + aggravation. Ce phénomène est plus important en cas de transimission paternelle (instabilité méiotique particulière).
A noter qu'une histoire familiale n'est pas retrouvée dans environ 25% des cas (mutations de novo, fausses paternités, adoptions, décès précoce des parents et difficultés à établir une histoire familiale,...).
Clinique
Triade caractéristique (chacun des signes peut marquer le début de la maladie) :
- Mouvements involontaires choréiformes (asymétriques, brusques, irréguliers, amples)
- Syndrome démentiel surtout marquée par des déficits exécutifs et des troubles de l'attention/ concentration, troubles mnésiques liés à des "oublis" en début d'évolution
- Troubles psychiatriques (dépression, troubles du comportement, psychoses)
D'autres anomalies motrices (spontanéité motrice, troubles de la coordination, dystonies, rarement syndromes cérébelleux et parkinsonien, troubles de la marche multifactoriels,…), syndrome pyramidal, troubles oculomoteurs (++ poursuite saccadée évoluant vers une limitation de la poursuite), dysarthrie, troubles de la déglutition, signes dysautonomiques (++ mictions impérieuses),… sont fréquentes.
La maladie débute principalement entre 30 et 50 ans (80% des cas). Plus elle débute tôt, plus la clinique sera sévère (liée au nombre de triplets). L'évolution se fait généralement en 15 ans, se terminant par une grabatérisation avec apparition d'un syndrome parkinsonien puis le décès. En outre, le nombre de suicides est important.
Cependant, 10% des cas (formes "juvéniles") se déclarent avant 20 ans et 2% avant 10 ans.
Diagnostic et examens complémentaires
Le diagnostic est généralement aisé lorsque la clinique est typique et que des antécédents familiaux sont présents (anamnèse "policière" : les antécédents familiaux sont fréquemment décrits comme des dépressions, Alzheimer ou Parkinson) → évocation clinique, confirmation génétique.
Analyse génétique → donne le diagnostic de certitude.
Les autres examens complémentaires sont sans autre intérêt (CT-scanner ou IRM cérébrale → anomalies aspécifiques : dilatation ventriculaire et atrophie plus marquée des noyaux caudés, PET-CT-scan au FDG → hypométabolisme) que d'exclure des diagnostics différentiels potentiellement accessibles à un traitement étiologique. Leur prescription est donc à moduler selon la présentation clinique.
Diagnostic différentiel
Il reprend toutes les causes de démences, de chorées-athétoses et de troubles psychiatriques. Eliminer particulièrement :
- une chorée iatrogène : antiparkinsoniens, carbamazépine, valproate, neuroleptiques, cocaïne, amphétamines, méthadone, anti-calciques, lithium, tricycliques, digoxine, COC, baclofène,…
- une chorée de Sydenham : syndrome choréique sévère généralisé + hypotonie +- troubles psychiques. Apparaît dans l'enfance à 80%. F>H. Probable origine auto-immune (réactivité croisée avec des streptocoques béta-hémolytiques). Guérison spontanée en quelques semaines à mois (persistance de quelques anomalies ou récidives possibles).
- une chorée gravidique/ liée aux COC
- une chorée secondaire à une affection systémique (thyrotoxicose, neurolupus, syndrome des antiphospholipides, para-néoplasique).
- Troubles métaboliques : hypo/ hyperNa, hypoCa, hypoPTH, IRC et dialyse, insuffisance hépatique, intoxs (CO, Hg, Mn, organophosphorés,…)
- une chorée-acanthocytose : autosomique récessive, prédominance bucco-faciale (!morsures) +- crises E +- troubles cognitifs/comportementaux +- neuropathie/myopathie
- un Syndrome de MacLeod : lié à X → clinique semblable à Huntington +- dystonie/parkinsonisme +- anémie/HSM/cardiopathie.
- Divers : encéphalites infectieuses / post-vaccinales, chorées vasculaires, tumeurs cérébrales, infections (HIV, toxo, neuroborréliose, brucellose, neurosyphilis, Tbc, cysticercose, endocardites bactériennes,…), chorées séniles (impossibles à distinguer sans tests génétiques d'un Huntington tardif)
Prise en charge thérapeutique - Traitements
La prise en charge reste actuellement purement palliative.
- Prise en charge para-médicale
- Logopédie, orthophonie, kinésithérapie, ergothérapie, assistante sociale,…
- Prise en charge médico-psychiatrique symptomatique des syndromes choréiques et psychiatriques
- Discuter soigneusement les indications médicamenteuses (efficacité relative, effets secondaires) entre neurologue, psychiatre et médecin traitant selon les demandes du patient
- ++ neuroleptiques (effets secondaires : troubles cognitifs, syndrome extrapyramidal, dyskinésies, dystonies) ++ de nouvelle génération
- la tétrabénazine (anti-dopaminergique) n'est à proposer qu'en seconde intention
- selon les cas : antidépresseurs SSRI, suivi psychologique, thymo-régulateurs
- de règle, éviter au maximum l'usage des benzodiazépines
- Conseil génétique et diagnostic anténatal
- La réalisation d'un conseil génétique est discutable étant donné le caractère grave et incurable de la maladie : il s'agit de minimiser l'angoisse des proches, pas de la provoquer ! → à ne réaliser qu'à la demande des personnes concernées et après des explications claires fournies par un neurologue et un généticien. Dans le cas où il est effectué, prévoir un suivi psychologique.
- Un cas particulier est cependant celui des couples dont un partenaire est atteint et désirant procréer. Dans ce cadre, un conseil génétique avec diagnostic anténatal est envisageable à la condition que le couple s'engage à un avortement en cas de résultats positifs (sinon : pas d'intérêt pratique + violation du droit du futur enfant à ne pas connaître son statut génétique !).
Dans le cadre d'études cliniques, des greffes de cellules souches ou des implantations de facteurs neurotrophiques peuvent être proposées...