Maladie de Waldenström (= macroglobulinémie)

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  Auteur(s) : Dr Shanan Khairi
  Date de dernière édition : 26/09/2024

La maladie de Waldenström, ou macroglobulinémie, est un syndrome lymphoprolifératif B chronique caractérisé par une infiltration lymphoplasmocytaire de la moelle osseuse et la présence d'une immunoglobuline monoclonale sérique de type IgM.

Certains y voient une forme évolutive d'un lympgome non hodgkinien (LNH) de bas grade. Elle est le premier diagnostic à envisager en cas de pic IgM à l'électrophorèse.

Il s'agit d'une maladie rare dont l'incidence est de 0,5 cas/ 100.000 habitants/ an. Elle représenterait 2% des hémopathies malignes. La médiane d'âge diagnostique est de 63 ans et le sex-ratio de 2 femmes pour 1 homme.

Il existe d'exceptionnelles formes familliales, à rechercher chez les malades < 50 ans.

Clinique

Dans 40 à 50% des cas, le diagnostic est porté suite à la découverte fortuite d'anomalies biologiques (vitesse de sédimentation, hémogramme, électrophorèse perturbées). Dans les autres cas et en cours d'évolution on peut rencontrer diverses anomalies cliniques :

  • Signes d'infiltration tumorale (30-50%)
    • Adénopathies (plus fréquemment cervico-axillaires que inguino-crurales), ++ bilatérales, symétriques, fermes, indolores
    • Hépato-splénomégalie, généralement discrète (20-30%)
    • Dans 10% : signes d'infiltrations organiques (digestive, osseuse, pulmonaire, rénale, neurologique,…)
  • Signes d'une hyperviscosité plasmatique (~ 15% des cas, par fixation de molécules d'eau sur les résidus carbohydrate des IgM et par altération de la déformabilité des hématies par les IgM)
    • Syndrome hémorragique : épistaxis, gingivorragies, hématémèses,…
      • Egalement par interaction avec les facteurs de coagulation, les phospholipides ou les plaquettes
    • Syndrome de souffrance neurologique : céphalées, troubles de la vigilance, neuropathies,…
  • Signes d'une activité cryoglobulinique (cryogloulines de type I ou II présentes dans 10 à 15% des cas, symptomatique dans 5% des cas)
    • Phénomène de Raynaud, occlusions vasculaires périphériques, purpura vasculaire, arrhralgies, ulcères cutanés récidivants, acrosyndrome vasculaire, neuropathies, néphropathies,…
  • Signes d'insuffisance médullaire : pâleur, asthénie, dyspnée
  • Signes généraux : perte de poids, asthénie
  • Signes d'amylose AL (2% des cas) avec atteintes cardiaques et pleuro-pulmonaires particulièrement fréquentes
  • Polyneuropathies auto-immunes (anti-MA, anti-GM1, activité antidisialosyl, antidisaccharide d'héparine)

Evolution et pronostic

L'évolution habituelle est celle d'une hémopathie lymphoïde chronique avec des poussées successives : réélévations des [IgM], installation progressive d'une pancytopénie, complications infectieuses. ~15% de survenue de cancers associés. Transformation possible (~5-10%) en lymphome agressif.

Médiane de survie de 5 à 10 ans sous traitement. La rémission complète est exceptionnelle. Principaux facteurs défavorables : âge > 60-70 ans, anémie, β2-microglobuline > 3 mg/ l, albumine < 40 g/ l, perte de poids, bi ou pancytopénie.

Examens complémentaires

Maladie de Waldenström - biopsie médullaire - infiltration lympho-plasmocytaire
  • Biologie :
    • Vitesse de sédimentation (VS) souvent élevée (une cryoglobulinémie peut normaliser la VS), anémie souvent normochrome normocytaire arégénérative, rarement lymphocytose et/ ou neutropénie, thrombopénie (40%)
    • Protéinémie souvent 80-120 g/ l, activité cryoglobulinémique (15%, ++ type I)
    • Β2-microglobuline > 3 mg/l dans 50%, activité agglutinine froide dans 10%, LDH augmentée dans les formes agressives, perturbation des fonctions rénales/ hépatiques, fréquentes anomalies de l'hémostase
    • Electrophorèse : pic IgM
    • Immunoélectrophorèse/fixation : pic IgM (avec chaîne légère κ dans 75%)
  • Urines : faible protéinurie de Bence-Jones dans 50-60% des cas
  • Myélogramme et biopsie ostéo-médullaire :
    • Moelle riche avec infiltrat (représentant 20 à 100% des cellules) lymphoïde, lymphoplasmocytaire ou plasmocytaire polymorphe diffus et présence fréquente de mastocytes (26% des patients), discrète myélofibrose (50%)
  • Biopsie ganglionnaire :
    • envahissement diffus de cellules lyphoïdes +- mastocytes, disparition de l'architecture normale
  • Immunophénotypage des cellules lymphoïdes
  • Fonds d'oeil en cas de (suspicion de) syndrome d'hyperviscosité

Critères diagnostiques

Toujours en débat. Actuellement on considère l'association de :

  • Pic monoclonal IgM, quelque soit son importance (cependant, plus le taux est élevé, plus le diagnostic est probable)
  • Infiltration médullaire généralement diffuse par de petits lymphocytes avec différenciation plasmocytaire
  • Phénotype tumoral : IgM+, CD5-/+, C10-, CD19+, CD20+, CD22+, CD23-, CD25+, CD27+, FMC7+, CD103-

Diagnostic différentiel

Le diagnostic différentiel d'une maladie de Waldenström est celui d'une gammapathie monoclonale à IgM :

  • Maladie de Waldenström asymptomatique
    • Ne doivent pas être traité, temps médian de progression vers une maladie symptomatique de 7 ans
  • MGUS à IgM
  • Lymphomes de la zone marginale avec composant monoclonal à IgM
    • Diagnostic différentiel difficile (arguments histologiques, faible pic IgM avec autres pics,…)
  • Leucémie Lymphoïde Chronique
    • Se caractérise généralement par une hypogammaglobulinémie mais un petit pic IgM est observé dans 10-15% des cas
  • Cryoglobulinémie de nature IgM
  • Maladie des agglutinines froiides primitive idiopathique
  • Myélome multiple à IgM : exceptionnel
  • Gammapathies monoclonales secondaires à IgM : infections (MNI, CMV, HIV, hépatites,…), maladies auto-immunes (LED,  PR, Sjögren, thyroïdites, PAN), hépatopathies cirrhogènes, glomérulopathies,…
  • Syndrome de Randall, urticaire chronique à IgM (Schnitzler), maladie des chaînes lourdes,…

Prise en charge thérapeutique - Traitements

Critères d'instauration d'un traitement (maladie symptomatique) :

  • Signes généraux (sueurs, fièvre, dégradation générale) ou liés à une activité délétère des IgM (cf supra)
  • Hb < 10 g/ l ou Plaquettes < 100.10^9/ l ou masse tumorale importante (dont le reflet est la β2-microglobuline)

Un taux élevé d'IgM n'est pas un critère thérapeutique mais impose une recherche poussée de manifestations cliniques (syndrome d'hyperviscosité ?, hémorragies rétiniennes ou exsudats au fonds d'oeil ?,…).

La prise en charge repose sur la prise en charge symptomatique des complications, les plasmaphérèses (++ comme traitement d'appoint en cas d'atteinte organique évolutive), de chimiothérapie (chlorambucil, fludarabine, 2CDA +- anticorps monoclonaux), les auto- ou allogreffes de moëlle. Bien qu'il n'y ait pas d'evidence de supériorité, on peut également utiliser les molécules précédentes en association ou combinées à un immunosuppresseur (cyclophosphamide) ou une corticothérapie.

Bibliographie

EMC, traité d'hématologie, Elsevier, 2018

Jameson JL et al., Harrison's Principles of Internal Medicine, 20th edition, McGraw Hill Higher Education, 2018