Péricardites et autres pathologies péricardiques
Date de dernière édition : 22/09/2024
Au sens strict, les péricardites se limitent aux lésions péricardiques inflammatoires bien que l'ensemble des pathologies péricardiques soient fréquemment qualifiées ainsi en pratique médicale courante.
Péricardites aiguës et sub-aiguës
Une péricardite aiguë consiste en une inflammation péricardique s'installant sur quelques heures à quelques jours. Le "syndrome péricardique aigu" est typiquement caractérisé par la survenue brutale de douleurs thoraciques, d'un frottement péricardique et d'anomalies électrocardiographiques typiques.
Une péricardite sub-aiguë est définie comme une péricardite aiguë se prolongeant quelques semaines (< 3 mois).
Etiologies
- Infectieuses
- Virales (représenteraient 80% des péricardites dont l'origine est identifiée) : coxsackies dans 50%
- Bactériennes
- Mycoses
- Parasitaires
- Maladies auto-immunes - connectivites (sclérodermie systémique, lupus érythémateux disséminé, rhumatisme articulaire, sarcoïdose, Crohn, rectocolite ulcéro-hémorragique,...)
- Médicamenteuses (hydralazine, procaïnamide, isoniazide, diphénylhydantoïne, méthyldopa, anti-épileptiques, practolol, minoxidil, anthracyclines, chromoglycate de sodium)... implications et mécanismes toujours en débat
- Divers : urémie, post-infarctus myocardique, radiothérapie, néoplasie (bronchique, mammaire, leucémie, lymphome), post-chir cardiaque, traumas, tumeurs péricardiques, vasculites des gros vaisseaux (Horton, Takayasu)
- Quelques jours à 1 semaine dans les suites d'un infarctus myocardique : péricardite localisée en regard de la zone infarcie, d'évolution généralement bénigne sous anti-inflammatoires non stéroïdiens
- Syndrome de Dressler (survenant quelques semaines à quelques mois après infarctus [5%] ou péricardiotomie). Il s'agit d'une péricardite diffuse auto-immune (+- pleurite et arthrite)
- Idiopathiques (viroses ou pathologie auto-immune non mise en évidence ?)
Clinique
Rechercher la survenue récente de : trauma thoracique, radiothérapie médiastinale, infarctus myocardique, potentiels toxiques, collagénose connue. La clinique est variable, d'un état pauci-symptomatique à un état de choc.
Symptômes :
- Douleur thoracique aiguë à début brutal et de caractère pleural, augmentée en décubitus et/ ou à la toux, respiro-dépendante, diminuée en position assise ou penché en avant, irradiant vers le cou et les épaules. Pas d'amélioration aux dérivés nitrés.
- Polypnée antalgique
- Syndrome grippal et fièvre modérée.
- En cas d'épanchement : nausées, vomissements, ballonnement, toux, hoquet, voix bitonale,… risque de tamponnade
Signes ;
- Frottement péricardique parasternal (++ assis penché en avant) en cas de péricardite sèche
- Bruits cardiaques assourdis en cas d'épanchement
De par la rapide évolution de leurs anomalies, l'auscultation et l'électro-cardiogramme sont à répéter régulièrement.
Examens complémentaires
- Electro-cardiogramme (à répéter) : dépression du segment PR → sus-décalage ST concave en périphérique et précordial → inversion des ondes T → normalisation en quelques semaines à mois. Possible alternance électrique (modification 1 battement sur 2 de l'axe des QR, de P ou T) Microvoltages généralisés (plus grande onde R < 5mm) en cas d'épanchement.
- Biologie : VS et CRP généralement légèrement à modérément augmentées, augmentation des enzymes cardiaques (++ en cas de myocardite associée), fonction rénale, sérologies (coxsackies B, écho-virus, HIV 1 et 2, toxoplasmose, brucellose, mycoplasme), formule (leucémie?)
- Intra-dermoréaction en cas de suspicion de tuberculose
- Examen microscopique des urines
- Radiographie thoracique : cardiomégalie, néoplasie bronchique ou autres tumeurs
- Echographie cardiaque : quantification d'un éventuel épanchement, signes de tamponnade
- En cas d'évolution péjorative :
- Complément étiologique de biologie : hémocultures, anticorps anti-nucléaires, facteur rhumatoïde
- Péricardiocentèse + biopsie péricardique : si sévère et résistante au traitement médical
- IRM cardiaque ou CT-scanner : localisation et arguments pour la nature d'un éventuel épanchement et d'éventuelles lésions.
Traitements et prise en charge
- Etiologique si possible
- Antidouleurs
- Acide acetylsalicylique 2 à 4 g/ jour
- Corticoïdes +- immunosuppresseurs à discuter (augmenteraient le risque de récidive) en cas de clinique sévère avec mauvaise réponse à l'acide acetylsalicylique. Pas d'EBM. Plus souvent utilisés lorsqu'existe une pathologie inflammatoire chronique sous-jacente
- Colchicine : prévention des récidives en cas de péricardite chronique récurrente
- Antibiothérapie si péricardite purulente ou hémocultures positives
- Prise en charge des complications le cas échéant : insuffisance cardiaque aiguë, états de choc, tamponnade, fibrose,...
Epanchements péricardiques
Un épanchement péricardique correspond à l'effusion anormale de liquide dans la cavité péricardique normalement virtuelle. Ses caractéristiques (séreux, séro-sanglant, hémorragique, chyleux, purulent), son abondance et sa tolérance sont variables selon son mode d'installation et son étiologie.
Etiologies
- "Primaires" (terme impropre) : cf péricardite aiguë
- "Secondaires" (terme impropre, = non inflammatoires) : insuffisance cardiaque, syndrome néphrotique, hypothyroïdie, fièvres périodiques héréditaires et autres causes de polysérosites,...
Clinique et examens complémentaires
- Asymptomatique en l'absence de répercussions hémodynamiques, signes de tamponnades jusqu'à un état de choc sinon
- Dépend essentiellement du volume et, surtout, de la vitesse d'installation de l'épanchement
- Assourdissement possible des bruits cardiaques
- Clinique liée à l'étiologie sous-jacente (++ péridardite aiguë)
Examens complémentaires : idem péricardite +- TSH, tigette, BNP, divers selon l'orientation clinique
Les tamponnades
Une tamponnade constitue toujours une urgence médicale.
Elle peut survenir en cas d'épanchement de constitution lente mais de volume important (habituellement > 2 litres) ou de petits épanchements brutaux (même < 200 ml).
Augmentation de pression péricardique → répercussions concernant d'abord les cavités droites à parois fines et à basses pressions (veine cave inférieure intra-péricardique, oreillette droite, ventricule droit durant la diastole) → diminution du débit cardiaque → tachycardie réflexe, vasoconstriction, diminution du débit urinaire,...
Clinique :
- Dyspnée, tachypnée, orthopnée
- Tachycardie, pouls filant semblant irrégulier contrastant avec une auscultation ou un électrocardiogramme régulier
- Douleurs thoraciques
- Hypotension, choc, asystolie
- Jugulaires turgescentes, +- battantes à l'inspiration (signe de Kussmaul)
- Assourdissement des bruits cardiaques
- Pouls paradoxal = baisse exagérée de la diminution physiologique inspiratoire de la tension artérielle (variation de > 10 mmHg)
- Physiopathologie : comme le volume cardiaque est devenu constant dans un péricarde rigide, l'augmentation de taille du ventricule droit sur augmentation du retour veineux à l'inspiration (pression négative) se fait au détriment du ventricule gauche
Examens complémentaires : idem épanchement
- A l'échographie cardiaque : flux mitral expiratoire augmenté de plus de 25% par rapport au flux inspiratoire
Traitement : drainage péricardique urgent sous contrôle échographie ou péricardiotomie sous-xiphoïdienne
Traitements et prise en charge
- Prise en charge étiologique
- Abstention thérapeutique et simple surveillance en cas d'épanchements légers asymptomatiques
- Au cas par cas en cas d'épanchement moyen à large asymptomatique
- Drainage péricardique systématique (+- injection de tétracyclines ou antimitotiques pour tarir les sécrétions) si :
- Tamponnade
- Épanchement purulent
- Nécessité diagnostique (suspicion de néoplasie ou de germe inhabituel chez un immuno-compromis)
Péricardite constrictive
Une péricardite constrictive constitue une complication évolutive terminale d'une fibrose péricardique secondaire à une péricardite et entre dans le cadre des "péricardites chroniques". Elle peut survenir suite à toute péricardite, mais plus fréquemment en cas d'origine idiopathique ou post-chirurgie cardiaque. Elle correspond à la formation entre les feuillets péricardiques d'une fibrose dense, de calcifications et d'adhérences → possible entreprise ventriculaire → altération de la contractilité ventriculaire → remplissage ventriculaire uniquement à pressions élevée en protodiastole, diminution des flux vers les ventricules → diminution du débit cardiaque par dysfonction diastolique.
Présentation clinique :
- Tableau d'insuffisance cardiaque droite : turgescence jugulaire, ascite, œdèmes périphériques, hépatomégalie, hépatalgies, dysfonction hépatique
- Dyspnée, orthopnée avec une fonction systolique quasi conservée
- Signe de Kussmaul et pouls paradoxal
- B3 précoce au bord sternal gauche ou à l'apex (= arrêt brutal du flux diastolique)
Examens complémentaires : électrocardiogramme (QRS de faibles voltages, altérations non spécifiques de T), radiographie thoracique (calcifications péricardiques), échographie cardiaque, cathétérisme cardiaque.
Traitement - prise en charge :
- Diurétiques et inhibiteurs de l'enzyme de conversion - éventuelle prise en charge d'un état de choc
- Digitaliques pour réduire la fréquence cardiaque en cas de survenue d'une fibrillation auriculaire rapide
- Exérèse chirurgicale du péricarde (mortalité de 10%) à envisager selon la sévérité clinique et l'échocardiographie
Péricardites récurrentes ou chroniques
Définies par la persistance ou la récurrence de symptômes péricardiques au delà de 3 mois du premier épisode. Elles surviennent après 15%-30% des péricardites aiguës → survenue de plusieurs récidives pouvant s'étaler sur des années. Probable mécanisme auto-immun. Le traitement repose sur les anti-inflammatoires non stéroïdiens et la prévention des récidives sur la colchicine. La corticothérapie (longue, susceptible de favoriser les récurrences) est à utiliser en dernier recours.
Ce cas de figure doit néanmoins de règle faire exclure une pathologie inflammatoire systémique, une connectivite ou une néoplasie sous-jacente.