Pharmacodynamique et antibiothérapie clinique
Date de dernière édition : 4/11/2022
Antibiotiques bactéricides et bactériostatiques
Par définition, un antibiotique bactéricide tue la bactérie, tandis qu’un bactériostatique en inhibe transitoirement la croissance, celle-ci reprenant dès que la concentration de l’antibiotique diminue.
A l’exception notable des endocardites, méningites et infections chez les patients neutropéniques, situations dans lesquelles la toute grande majorité des études ne concernent que des traitements bactéricides, une récente méta-analyse (2015) n’a pas pu démontrer de supériorité en termes d’efficacité clinique des traitements bactéricides par rapport aux traitements bactériostatiques.
Propriété cide / statique des principales classes d’antibiotiques
Propriété |
Classe antibiotique |
bactéricide |
aminosides b-lactames fluoroquinolones glycopeptides lipopetides nitroimidazoles
|
bactériostatique |
glycylcyclines lincosamides macrolides oxazolidinones streptogramines sulphonamides |
Paramètres PK/PD principaux
Pour rappel, les caractéristiques pharmacocinétiques d’un antibiotique déterminent les paramètres qui finalement aboutissent à déterminer les concentrations dans les différents compartiments. Les propriétés pharmacodynamiques déterminent la relation entre la concentration et l’efficacité clinique.
Les paramètres importants sont :
- Le pic sérique, et le rapport [[File:]]
- Le temps pendant lequel la concentration est supérieure à la CMI, ou à un multiple de la CMI
- L’aire sous la courbe (AUC)
- le rapport[[File:]], appelé l’AUIC
Des modèles expérimentaux ont permis de déterminer pour chaque famille d’antibiotiques le paramètre le mieux corrélé à l’efficacité. Le mode d’administration en clinique vise donc à optimaliser l’efficacité de la molécule en utilisant un schéma d’administration optimalisant le paramètre le mieux corrélé à l’efficacité.
On classe les antibiotiques principaux en 3 grandes familles : les antibiotiques PIC dépendant, temps dépendant et AUIC dépendant
Représentation des principaux paramètres pharmacodynamiques
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Propriétés pharmacodynamiques des principales classes d’antibiotiques bactéricides
Propriété pharmacodynamique |
Classe antibiotique |
Pic dépendant |
aminoglycosides nitroimidazoles quinolones daptomycine
|
Temps dépendant |
pénicillines céphalosporines |
AUIC dépendant |
glycopeptides quinolones oxazolidinones |
NB : pour toutes les molécules bactériostatiques, il est important d’avoir des concentrations au-dessus de la CMI le plus longtemps possible, à défaut de quoi, reprise de la croissance bactérienne.
Démonstration expérimentale de l’effet du pic - illustration
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Démonstration expérimentale de l’effet temps> CMI – illustration
[[File:|Description : pharmaco4]]
Relation entre posologie, CMI et T>CMI-illustration
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(Mouton et al, CMI 2011 E37-E45)
On observe que pour des germes à CMI relativement basse, il sera plus facile d’obtenir, à posologie et schéma d’administration identiques, des durées où T>CMI longues. C’est la raison pour laquelle l’intérêt clinique à utiliser la perfusion continue est difficile à mettre en évidence pour des infections à germes fort sensibles, et pour laquelle donc on optimalise les schémas de perfusion pour les microorganismes à CMI élevées.
Le corolaire de ces éléments est que l’on voit apparaître depuis quelques années un développement du TDM (therapeutic drug monitoring) destiné à adapter à la carte les posologies antibiotiques. Le prototype du patient nécessitant un monitoring thérapeutique est le patient de soins intensifs (modification de la fonction rénale et/ou hépatique, variation de la clearance des antibiotiques et du volume de distribution d’une part, infections par des bactéries avec des CMI élevées d’autre part).
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Indépendamment de ces nouveaux développements, deux classes d’antibiotiques requièrent un minimum de monitoring :
- les aminosides : très toxiques au niveau rénal, ils entrainent des lésions mesurables dès 5 à 7 jours, même en l’absence d’altération préalable de la fonction rénale (monitoring de la vallée, parfois du pic si CMI élevée)
- Les glycopeptides dont la clearance peut être très variable d’un patient à l’autre (parfois très augmentée dans le choc septique, très diminuée dans l’insuffisance rénale) et donc la posologie est souvent difficilement prévisible (monitoring de la vallée)
L’effet post-antibiotique :
Une autre propriété intéressante est l’effet-postantibiotique. Cet effet, quand il est présent, a pour conséquence une inhibition de la reprise de la multiplication de la bactérie alors que la concentration en antibiotique est repassée en-dessous de la CMI.
Décrit originellement pour la pénicilline, cet effet est observé pour la plupart des classes antibiotiques vis-à-vis des Gram positifs mais pour une courte durée, et pour quelques antibiotiques vis-à-vis des Gram négatifs. En général il s’agit d’antibiotiques inhibant la synthèse protéique (aminoglycosides, quinolones, tétracyclines, macrolides, ..) mais aussi les carbapénèmes.
Illustration de l’effet post-antibiotique
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La détermination du breakpoint clinique
Les breakpoints cliniques sont utilisés pour catégoriser chaque microorganisme en sensible (S), résistant (R) ou intermédiaire (I) vis-à-vis de chaque antibiotique testé. Ils correspondent à des valeurs des CMI mesurées in vitro. Le breakpoint de chaque antibiotique pour un microorganisme donné intègre les résultats des études cliniques. Donc derrière cette simple réponse « S », « I », ou « R » se retrouvent des paramètres propres à l’espèce bactérienne et le succès thérapeutique que l’on peut attendre en traitant l’infection par l’antibiotique testé, utilisé dans sa posologie commune.
Un microorganisme est défini comme sensible à partir d’une concentration antibiotique telle qu’elle est associée à une forte probabilité de succès thérapeutique (il s’agit là de la définition de l’organisme européen –EUCAST- qui fixe les breakpoints). La fixation du breakpoint intègre plusieurs facteurs tels que les résultats d’études cliniques, la distribution des CMI des souches sauvages, l’espèce concernée, et les paramètres PK/PD.
Les breakpoints ont également tirés profits d’études animales dont celles du modèle de la souris neutropénique. Ce modèle d’infection aigue a l’avantage d’éliminer les paramètres liés à l’hôte (la souris neutropénique est absolument dépourvue de tout moyen de défense et sa survie ne dépend que de la capacité du traitement à tuer tous les microorganismes). Ces modèles sont cependant assez différents de la réalité clinique (infection aigue ou subaiguë, germes intracellulaires ou pas, participation du système immunitaire du patient à plus ou moins grande capacité, …).
Il est également utile de rappeler qu’actuellement, pour la majorité des microorganismes, un laboratoire de biologie clinique ne détermine pas la CMI du microorganisme mais rend au clinicien une mesure de la sensibilité grossière (« S », « I », ou « R »). Les techniques actuelles permettent cependant actuellement de mesurer la CMI soit systématiquement (ex : endocardite, infection invasive à pneumocoque), soit à la demande (germes multirésistants, échec thérapeutique, infections difficiles à traiter).
Illustration : Une souche d’E coli est répondue sensible à la ciprofloxacine si sa CMI <0.5 et R si sa CMI> 1, ce qui correspond respectivement à des diamètres de 22 et 19 mm sur un antibiogramme standardisé en boite de Petri.
Dans la pratique clinique courante, les posologies et modes d’administration communément utilisées sont calculées pour des souches « S », et pour des infections pour lesquelles le compartiment sanguin est représentatif de la pénétration des antibiotiques. Ces doses seront quasi systématiquement toujours augmentées pour traiter des infections du système nerveux central (passage de la barrière hémato-méningée) et pourront souvent être réduites pour traiter des infections urinaires quand la voie d’élimination est rénale (vu les hautes concentrations atteintes dans ce compartiment).
De plus en plus, l’émergence de germes multirésistants dont les CMI sont augmentées justifie d’affiner les schémas thérapeutiques en tirant parti des propriétés pharmacodynamiques des antibiotiques, et en réalisant du TDM (therapeutic drug monitoring), c-à-d des dosages sanguins permettant d’ajuster individuellement les posologies. Les aminosides et les glycopeptides font l’objet depuis toujours de ce TDM pour limiter les effets toxiques (aminosides) et limiter effets toxiques tout en garantissant concentration suffisante (glycopeptides). Actuellement le TDM entreprend des molécules à index thérapeutiques plus large (b-lactames), afin d’améliorer les taux sériques. Le bénéfice clinique de ces approches reste cependant actuellement encore limité. Enfin, il apparaît que l’émergence de résistance au cours d’un traitement antibiotique est également dépendant des paramètres PK/PD de celui-ci et de leur intégration dans les calculs de posologie. Il est probable que ce paramètre sera à terme lui aussi intégré dans la définition du breakpoint.
Dans ces notes, sauf autrement spécifié, la posologie indiquée est celle qui convient à un patient adulte avec une fonction rénale (ou, le cas échéant, hépatique) normale.
Synergie - antagonisme
L’utilisation d’association d’antibiotiques de classes différentes pour élargir le spectre, couvrir plusieurs infections différentes ou être plus efficace doit tenir compte des potentielles synergies ou antagonismes des molécules choisies.
La mise en évidence des ces interactions est réalisée in vitro en analysant l’efficacité de combinaisons de concentration des classes étudiées. En règle générale, une association de bactéricide et de bactériostatique sera antagoniste, de même que l’association de deux antibiotiques actifs sur la même cible.
Illustration : pénicillines + aminoglycosides sont synergiques ; lincosamides + macrolide est une association antagoniste.
Auteur(s)
Pr Baudouin Byl, MD, PhD
(Mis en forme, revu et modifié par Dr Shanan Khairi, MD)