Polyurie - polydipsie et diabète insipide

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Une polydipsie consiste en une soif impérieuse conduisant le patient a augmenter ses ingestats liquidiens quotidiens, l'obligeant fréquemment à interrompre ses activités habituelles pour ce faire. Elle ne doit pas être confondue avec une xérostomie où le besoin de liquides répond à une sensation de sécheresse buccale et non pas à une augmentation de la soif.

Une polyurie consiste en une augmentation du volume quotidien des urines, généralement au-delà de 50 ml/ kg/ 24 heures ou 3 l/ 24 heures, obligeant fréquemment le patient à se lever la nuit (nycturie). Elle ne doit pas être confondue avec une pollakiurie (fragmentation des mictions) qui ne s'accompagne pas d'une augmentation du volume total des urines.

Hormis quelques conditions particulières (pertes hydriques intestinales, augmentation de la sudation, hémorragies et formation d'un troisième espace), l'augmentation de la soif est de règle associée à une augmentation de la production d'urines. L'association d'une polyurie et d'une polydipsie constitue le syndrome polyuro-polydipsique dont la mise au point est assez stéréotypée. Dans les polydipsies primaires, la polyurie est fonctionnelle. Dans les autres cas, la polydipsie est un mécanisme compensateur à une polyurie pathologique.

Etiologies

Les causes les plus fréquentes de polyurie et polydispsie sont l'insuffisance rénale chronique, la potomanie, les causes iatrogènes et le diabète sucré. On peut classer les étiologies ainsi :

  • Toute cause de diurèse osmotique :
    • Diabète sucré (toujours éliminer une décompensation acido-cétosique)
    • Intoxications au mannitol
    • Produits de contraste
    • Syndrome de reprise de diurèse ("de levée d'obstacle") par hyperuricémie
    • Hypernatrémie, hyperprotéinémie,...
  • Diabète insipide :
    • Néphrogénique (DIN) :
      • Acquises :
        • Insuffisance rénale chronique ou aiguë, tubulopathies, néphropathies interstitielles, polykystose rénale, drépanocytose, amyloïdoses, granulomatoses, pyélonéprhites chroniques
        • Hypercalcémies, hypokaliémie
        • Lithium, colchicine, vincristine, tétracyclines, cisplatine, amphotéricine B, rifampicine, foscarnet, méthoxyflurane
      • Héréditaires : mutations des gènes du récepteur V2 ou de l'aquaporine 2
      • Idiopathiques
    • Central (DIC) :
      • Trauma crâniens et neurochirurgie (++ hypothalamo-hypophysaire)
      • Tumeurs intra-crâniennes : craniopharyngiomes, dysgerminomes, méningiomes, adénomes hypophysaires, métastases,...
      • Infections du système nerveux central : méningites et encéphalites, syphilis, tuberculose, cryptococcose,...
      • Vasculopathies cérébrales : encéphalopathie ischémique (++ états de choc), hémorragies intra-crâniennes, malformations vasculaires
      • Granulomatoses du système nerveux central : sarcoïdose, histiocytose X, xanthome disséminé, tuberculose,...
      • Toxiques du système nerveux central : venins de serpent, tétrodotoxine
      • Malformations congénitales
      • Génétiques : mutations du gène de l'AVP-neurophysine II, mitochondropathies
      • Idiopathiques
  • Polydipsies primaires :
    • Psychogènes (potomanie) : schizophrénie, maniaco-dépression, névroses
    • Dispogènes : diminution du seuil osmotique de la soif, méningite tuberculeuse, neurosarcoïdose, sclérose en plaques, médicaments (anticholinergiques, lithium, carbamazépine,...), trauma crânien,...

Clinique

Outre le syndrome polyuro-polydispique proprement dit et les éventuels signes étiologiques (signes psychiatriques, syndrome tumoral, syndrome cardinal diabétique,...), on pourra observer des urines diluées (sauf dans les polyuries osmotiques), une nycturie et, rarement (lorsque les ingestats liquidiens ne sont plus suffisants à compenser la polyurie) et signant la nécessité d'une prise en charge en urgence, des signes de déshydratation (asthénie, céphalées, troubles visuels, troubles du comportement, altération de la vigilance, crises convulsives, thromboses veineuses, nécrose du parenchyme rénal,...).

Orientation diagnostique et examens complémentaires

Polyurie - polydypsie

  • Biologie : hématogramme, ionogramme (Na normal ou augmenté), osmolalité, ADH si disponible (diminué si DIC, normal ou augmenté si DIN), fonction rénale, CK, glycémie, Hb glyquée CRP, VS, hémogramme, formule
  • Urines : osmolalité, ionogramme, créatinine et urée, dosage des toxiques
  • Echographie rénale → anomalies structurelles? Atrophie?
  • Epreuve de restriction hydrique
    • Sous surveillance médicale directe (prudence, à ne réaliser qu'exceptionnellement – risque de complications chez les patients fragiles) : restriction hydrique durant maximum 4h avec contrôle urinaire (osmolalité et volume) toutes les demi heures et biologie (Na, osmolalité, ADH) toutes les heures. Arrêter immédiatement si [Na] > 150 mEq/l.
  • Test à la desmopressine IV
    • Biologie + urines toutes les ½ heures → à 1h : minirin IV 0,3µg/kg (max 24µg) dans 100ml de solution physiologique en 20 min → continuer prélèvements durant 2h½
    • Sous surveillance médicale directe, stopper l'opération en cas d'hypoTA
  • Autres examens selon l'orientation étiologique : IRM cérébrale, sérologies, auto-Ac, recherche d'atteintes systémiques, intradermo-réaction, analyses génétiques (AVPR2, AQP2),…

Diabète insipide

Un diabète insipide correspond à une perte de capacité rénale de concentration des urines entraînant une polyurie hypotonique avec polydipsie compensatrice. Le diabète insipide central consiste en un défaut complet ou partiel de sécrétion d'hormone anti-diurétique (ADH). Le diabète insipide néphrogénique consiste en une diminution d'efficacité de l'ADH du fait d'anomalie de ses récepteurs ou du parenchyme rénal.

Prise en charge thérapeutique - Traitements

  • Etiologique si possible
  • Symptomatique : diabète insipide central
    • Substitution volémique si nécessaire par NaCl 0,9% (de règle, ne pas corriger l'hypernatrémie de plus de 0,5 mmol/ l/ heure [risque d'œdème cérébral])
    • Substitution hormonale : desmopressine (Minirin)
      • SC 1-4 µg 2 x/ jour  ou voie nasale (10 µg/ push, biodisponibilité 10%) 1-2 x 10-40 µg/ jour
  • Symptomatique : diabète insipide néphrogénique
    • Régime pauvre en sel
    • Diurétique thiazidique : hydrochlorothiazide 1-2 mg/ kg/ jour PO
    • Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) : indométacine 1,5-3 mg/ kg/ jour PO
    • La plupart des DIN acquis sont partiels → envisager essai thérapeutique au minirin à hautes doses

Auteur(s)

Dr Shanan Khairi, MD