Porphyrie cutanée tardive (PCT)
Auteur(s) : Dr Shanan Khairi
Date de dernière édition : 22/09/2024
Date de dernière édition : 22/09/2024
La porphyrie cutanée tardive (PCT) est la plus fréquente des porphyries avec une prévalence de 1 cas pour 1000 à 25000 habitants. Elle se caractérise par un déficit de l'activité de l'uroporphyrinogène décarboxylase (UROD, site hépatique) sous 20% de la normale. Il existe une forme familiale (20% des cas) et une forme sporadique (80% des cas).
Eléments de physiopathogénie
La PCT peut être causée par des facteurs génétiques et/ ou acquis. On distingue :
- La PCT de type 1 (forme sporadique, 80% des cas) :
- Absence de mutation de l'UROD et d'histoire familiale. Rôle exclusif de facteurs acquis.
- La PCT de type 2 :
- Caractérisée par la présence d'une mutation hétérozygote de l'UROD de transmission autosomique dominante à pénétrance incomplète (on ne retrouve de ce fait pas toujours une histoire familiale). L'activité de l'UROD est ainsi ramenée à 50%.
- Pour être symptomatique (activité UROD sous 20%), des facteurs acquis doivent se rajouter.
- La PCT de type 3 :
- Caractérisée par une histoire évoquant une transmission familiale en l'absence de mutation de l'UROD.
- Peut être due à d'autres mutations (ex : HFE) ou des facteurs acquis partagés par les membres de la famille (ex : alcoolisme).
Facteurs acquis susceptibles d'entraîner ou de révéler la maladie, seuls ou combinés :
- Le fer représente le facteur toxique principal (sidérose hépatique quasi constante). L'association d'une PCT avec une mutation de l'hémochromatose (HFE) est rare. Rôle potentialisateur, son déficit est protecteur.
- La consommation d'alcool est un mode de révélation fréquent (inhibition de la ferrochélatase et de l'AAL déaminase, augmentation de l'apport de fer et réduction de l'érythropoïèse) mais ne suffit pas à elle seule à entraîner la maladie.
- Infection à HCV (prévalence d'infection de 10 à 50% parmi les malades selon les séries, de 50% selon une méta-analyse)... mécanisme inconnu.
- Rôle potentialisateur de l'infection par HCV (~25% dans les formes sporadiques, ~10% dans les formes familiales).
- Rôle contesté de l'HBV et HIV.
- Possible corrélation à des syndromes para-néoplasiques (+ rôle de la toxicité de chimiothérapies ?).
- Autres facteurs déclenchants ou favorisants : œstrogènes (++ à forte dose dans les traitements de néoplasies), hydrocarbures chlorés, anti-épileptiques, sulfamides, tabagismes,…
Clinique
- Il n'y a pas de différence de prévalence entre les sexes.
- L'évolution clinique se fait par poussées
- Signes dermatologiques constants :
- Zones découvertes (cf photosensibilisation) : prurit, lésions vésiculo-bulleuses évoluant lentement vers des lésions croûteuses puis cicatrices, hypertrichose temporale et malaire, ++ au printemps/ été
- Lésions clérodermiformes tardives (plaques achromiques/ pigmentées, rarement inflammatoires/ calcifiées)
- L'atteinte hépatique est généralement asymptomatique. On peut cependant parfois constater une hépatomégalie et le risque de cirrhose et d'hépatocarcinome à long terme est augmenté.
- Il n'y a pas d'autre atteinte organique.
Examens complémentaires
- Biologie : sidérémie et ferritine augmentée, polyglobulinémie, cryoglobulinémie possible
- Urines : porphyrines augmentées avec uroporphyrines/ coproporphyrines > 3
- Selles : prédominance de la forme isocoproporphyrine
- Biopsie : bulle sous-épidermique de contenu acellulaire, infiltrat cellulaire modéré dans le derme sous-jacent, dépôts réactionnels d'Ig et de complément dermoépidermiques et périvasculaires à l'immunofluorescence directe
- Analyse ADN
Diagnostic différentiel
- Porphyrie variegata (d+ abdos fqtes, rapport uroporphyrines/ coproporphyrines différent),
- Dermatose bulleuse des hémodyalisés (pseudoporphyrie par non élimination des uroporphyrines)
- Dermatose bulleuse des diabétiques (++ aux MI)
- Réaction iatrogène (cyclines, acide nalidixique, furosémide, dapsone, naprosyne, pyridoxine, pravastatine, carbamazépine,…)
- Hydroa vacciniforme/ estivale, lucites polymorphes, dermatoses bulleuses, sclérodermie, pellagre, excoriations névrotiques,…
Prise en charge thérapeutique - Traitements
- Eviction des facteurs acquis déclenchants et favorisants (!! oestrogènes et alcool !!) et des apports de fer → parfois suffisant
- Saignées de 300-500ml/ (2) semaines pendant plus d'un mois jusqu'à obtention d'une Hb ~10-11g/dl et d'une sidérémie de 50-60 µg/dl → moins de 10% récidivent dans l'année
- Antipaludéens de synthèse à faibles doses (125 mg de chloroquine 2x/sem) durant 12-18 mois
- Déféroxamine si anémie réfractaire/ anémie hémolytique/ CI des saignées
- Alcalanisation des urines
- Plasmaphérèses, exceptionnel
- Chez les < 10 ans : 65mg de chloroquine 2xsem + chélateur des métaux d'origine alimentaire