Prurit
Date de dernière édition : 22/09/2024
Un prurit correspond à une sensation cutanée déplaisante entraînant un besoin de grattage. De physiopathologie encore obscure, sa cause est le plus souvent dermatologique.
Démarche initiale
A rechercher systématiquement à l'anamnèse :
- Discriminer un prurit de douleurs ou de paresthésies
- Antécédents
- Caractéristiques : date et mode de début (brutal ou progressif), évolution aiguë ou chronique, continu ou paroxystique, chronologie (horaire et période de l'année), diffus ou localisé, intensité (gêne dans le travail et au quotidien, répercussions sur la vie affective et le sommeil), caractère familial, existence d'un prurit collectif, facteurs déclenchants (stress, irritants, hypersudation, sport, bains, douches, repas) et calmants (froid, détente), topographie et extension, effet des (auto)-traitements déjà essayés
- Signes d'accompagnement : amaigrissement, sueurs nocturnes, syndrome dépressif, température,…
- Traitement et prises médicamenteuses avant l'apparition du prurit (il peut suivre de plusieurs années l'introduction d'une molécule !)
- Voyages, profession, contacts avec des animaux, exposition à une substance irritante (irritants aéroportés [plantes, laine de verre, solvants,…], cosmétiques et excipients, lotions et pommades diverses, parfums, savons,…)
A rechercher systématiquement à l'examen clinique :
- Lésions non spécifiques liées au grattage : excoriations linéaires ou en coups d'ongle, lichénification, lésions de prurigo, pigmentation localisées
- Caractériser les éventuelles lésions élémentaires non liées au grattage, reconnaître les lésions évocatrices (eczéma, urticaire, lichen, gale,…)
- Examen général centré sur l'abdomen et les aires ganglionnaires
Prurit localisé sans lésion non liée au grattage
Exclure une atteinte nerveuse :
- Notalgie paresthésique
- Constitue une neuropathie sensitive. Une compression des racines nerveuses rachidienne est souvent évoquée comme étiologie et est à rechercher.
- Possible caractère familial (syndrome de Sipple)
- Clinique = sensations anormales (prurit, paresthésies, douleurs) ++ dans le haut du dos en paravertébral.
- Possibles autres localisations : cruralgie, lombalgie ou brachialgie paresthésiques
- Zone prurigineuse parfois pigmentée (amyloïdose cutanée – lien discuté avec la notalgie paresthésique)
- Traitement symptomatique : capsaïcine en préparation magistrale (ou amitriptyline min 50 mg/ jour ou gabapentine), suppression des édulcorants alimentaires. Derniers recours : physiothérapie, bloc anesthésique paravertébral, stimulation électrique transcutanée.
- Traitement étiologique si possible
- Atteinte cérébrale (exceptionnellement en cause, ++ prurit focal paroxystique) : abcès, accident vasculaire cérébral (AVC), sclérose en plaque (SEP), tumeur,…
- Compressions médullaires, exceptionnellement en cause
Exclure une étiologie systémique (cf prurit diffus sans lésion liée au grattage… ex : le prurit de l'insuffisance rénale chronique est localisé, au moins initialement, dans ~50% des cas)
Dermatose paucisymptomatique
Psychogène
Prurit localisé avec lésions non liées au grattage
On évoquera selon la localisation et l'aspect des lésions :
- Cuir chevelu : pédiculose, dermite séborrhéique, psoriasis, teigne, dermatite irritative, eczéma de contact
- Visage : dermite séborrhéique, eczéma, photodermatoses
- Dos et épaules : folliculite pityrosporique, séquelles de zona
- Plis : mycoses
- Ano-génital : oxyurose, candidose, psoriasis, idiopathique, candidose, lichen scléroatrophique, vulvite, balanite, gale, dermatophyties, néoplasie, dermite de contact
- Anal : oxyurose, parasitoses, candidose, psoriasis, idiopathique, diarrhée chronique
- Membres : dermatite atopique, dishydrose, lichen plan, psoriasis, dermatite herpétiforme, dermatophyties, gale
- Toute localisation : eczéma de contact, névrodermites, piqûres d'insectes, mycoses
Prurit diffus sans lésion non liée au grattage
Etiologies possibles :
- Dermatoses (~55%) paucisymptomatiques, cf infra
- Causes systémiques (~35%)
- Hématologiques : lymphomes (30% de prurit, ++ paroxysmes nocturnes), gammapathies, maladie de Vaquez ou autres polyglobulies (parfois sous forme d'un prurit aquagénique/ lié à la chaleur), syndrome d'hyperéosinophilie, mastocytose, anémie ferriprive, dysglobulinémie
- Métaboliques (le prurit peut précéder les autres signes de quelques années) : cholestase (hépatites, cirrhose biliaire primitive, grossesse, obstacle biliaire ..., ++ extrémités et zones de frottement, ++ paroxysmes nocturnes, pigmentation cutanée), insuffisance rénale chronique (++ paroxystique), dialysés
- Endocriniens : hyperthyroïdie (prurit dans 10%, +- urticaire), hypothyroïdie, diabète (rare, exclure une candidose), hyper et hypoparathyroïdies
- Neurologiques : sclérose en plaques, sclérose latérale amyotrophique, maladies à prion
- Infections : HIV, hépatites, parasitoses (onchocercose, anguillulose, ascaridiose, oxyurose, trichocéphalose, trichinose, larva migrans, distomatose, bilharziose, échinococcose, kyste hydatique, taeniase)
- Syndrome paranéoplasique (rare)
- Aquagéniques (le prurit survient quelques minutes après un contact avec l'eau, dure 10 à 120 minutes et peut être associé à une polyglobulie, un syndrome hyperéosinophilique, une leucémie lymphoblastique, une myélodysplasie… pouvant se révéler des années plus tard)
- Iatrogènes : anti-inflammatoires non stéroïdiens, acide acetylsalicylique, inhibiteurs de l'enzyme de conversion, diurétiques (furosémide, thiazidiques), opiacés, antidépresseurs imipraniques, phénothiazines, sirops antitussifs, bétalactamines, érythromycine, colitsine, polymyxine B, sulfamides, métronidazole, loméfloxacine, nitrofurantoïne, kétoconazole, miconazole, aciclovir, chloroquine, hélofantrine, anesthésiques, sels d'or, puritinol, œstroprogestatifs, anabolisants, antithyroïdiens, β-bloquants, clonidine, amiodarone, quinidine, diazoxide, imipramine, phénothiazines, héparine, warfarine, coumadine, rétinoïdes, vitamines B, acide nicotinique, produits de contrastes iodés, bléomycine, cimétidine, allopurinol,…
- Grossesse (cholestase gravidique, dermatose prurigineuse gravidique, pemphigoïde gestationnelle,…), impose un avis dermatologique systématique
- Rares : sarcoïdose, Sjögren, hémochromatose,...
- Prurit "sénile" : à poser après exclusion des autres causes chez les > 70 ans (traitements très décevants, apparition fréquente de syndromes dépressifs)
- Indéterminée et psychogène (~10%)
Bilan à réaliser en 1ère intention :
- Biologie de base : numération-formule, VS, CRP, bilan rénal et hépatique, glycémie à jeun, ionogramme, fer, ferritine, Sat-Tf, TSH, PTH, LDH, Ig E + examen parasitologique des selles. Un prurit lié à une hyperuricémie révèle quasi toujours une hémopathie. Un prurit lié à une hypercalcémie est généralement lié à une hyperparathyroïdie
- A discuter d'emblée ou selon des éléments d'orientation :
- Compléments de biologie : électrophorèse et immunofixation des protéines, sérologies HIV/ HAV/ HBV/ HCV/ amibe/ douve/ toxocara, anticorps anti-mitochondries
- Radiographie ou CT-scanner thoracique (adénopathies médiastinales ?)
- Echographie abdominale
- Biopsie cutanée (lésions bulleuses infra-cliniques,…?)
Prurit diffus avec lésions non liées au grattage
On s'orientera selon l'aspect des lésions :
- Xérose cutanée :
- Sécheresse cutanée, prurit de la sénescence
- Ichtyoses
- Macules : rash médicamenteux
- Papules :
- Urticaire
- Lichen plan
- Herpes gestationis
- Papulo-vésiculeuse : prurigo
- Vésico-bulleuse :
- Varicelle
- Eczéma
- s'assurer qu'il ne soit pas lié à l'application d'un traitement local (par ex pour traiter un prurit d'une autre origine).
- Photodermatose
- Dermatophytose
- Pemphygoïde bulleuse
- Dermatite herpétiforme
- Epidermolyse bulleuse
- Plaques érythémato-squameuses :
- Lymphome cutané
- Psoriasis
Eventuels examens complémentaires selon l'orientation ou le doute diagnostique (ex : éosinophilie en cas de suspicion de suspicion d'allergie, de toxidermie, de pemphigoïde bulleuse, de parasitose, de lymphome, de syndrome hyperéosinophilique,…)
Prise en charge thérapeutique - Traitements
- Traitement étiologique si possible
- Traitement symptomatique (souvent décevant) :
- Prévention générale : utiliser des émollients et savons surgras
- Antiprurigineux locaux (++ en cas de prurit parroxystique) : eau fraîche, préparations à partir de glycocolle et acides gras essentiels (sédagel,…), préparations de capsacaïne, corticoïdes locaux durant de courtes durées (limiter au maximum leur utilisation)
- PUVAthérapie suivie de l'application d'émollients (car risque de sclérose cutanée responsable de… prurit)
- Anti-histaminiques H1 ++ de seconde génération (contre indiqués en cas d'arythmies, moins sédatifs, mais plus grande efficacité des premières générations en cas de prurit psychogène)
- Divers : fluoxétine (++ en cas de prurit psychogène ou sénile), phénobarbital, butyrophénone, naloxone (++ prurit hépatique ou hémodialysés), erythropoïétine (++ prurit des hémodialysés),…
- Relaxation, psychothérapie, placebos,… laisser la place aux médecines alternatives...