Anticoagulants : indications, surdosages et complications

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  Auteur(s) : Dr Shanan Khairi
  Date de dernière édition : 23/09/2024

Les surdosages et complications des traitements anticoagulants sont fréquents en pratique ambulatoire et plus encore en intra-hospitalier. Généralement aisés à corriger, ils doivent être rapidement reconnus afin d'en éviter les conséquences hémorragiques.

Généralités et indications

Héparine non fractionnée

Administrée seulement en IV au pousse-seringue, elle présente trois avantages :

  • Action rapidement efficace et rapidement réversible
  • Antidote efficace (protamine)
  • Monitoring aisé (aPTT). Désavantage : le monitoring est nécessaire 1 à 6x/j selon les situations.

Pour ces raisons, elle est d'usage fréquent en intra-hospitalier dans les indications suivantes :

  • Traitement initial de nombreuses pathologies aiguës nécessitant une anticoagulation, en particulier ceux à haut risque hémorragique
  • En relais des autres types d'anticoagulants lorsqu'il est nécessaire de disposer d'un monitoring d'activité et/ou de pouvoir interrompre et reprendre rapidement le traitement

Héparines fractionnées (= héparines de bas poids moléculaire HBPM)

Administrées en SC 1 à 2x/j selon le type d'HBPM.

Elles présentent cependant les désavantages suivants : monitoring (activité anti-Xa) moins disponible en pratique clinique (mais non nécessaire dans la plupart des situations), antidote (protamine) moins efficace que pour l'héparine non fractionnée, action d'installation / arrêt plus lent que l'héparine non fractionnée.

Elles sont utilisées couramment tant en ambulatoire qu'en intra-hospitalier :

  • A doses réduites : prophylaxie anti-thrombotique pour les patients alités
  • Traitement initial de nombreuses pathologies aiguës avant relais par les anticoagulants oraux
  • En relais des anticoagulants oraux lorsqu'on planifie une situation où l'on devra interrompre transitoirement le traitement

Antagonistes de la vitamine K (AVK)

Les AVK (acénocoumarol, warfarine) sont des anticoagulants oraux "d'ancienne génération" toujours largement utilisés en pratique ambulatoire pour toute situation nécessitant une anticoagulation au long cours. Monitoring régulier possible et nécessaire (INR), existence d'un antidote (vitamine K). Activité anti-coagulante sujette à de nombreuses interactions médicamenteuses, pathologies intercurrentes et aux changements de régimes alimentaires (→ augmenter transitoirement la fréquence de monitoring SN, éducation du patient).

Principales indications :

  • Traitement des TVP et embolies pulmonaires : en relais précoce de l'HBPM. Cible : INR 2-3
  • Prothèses valvulaires cardiaques :
    • Bioprothèses : couverture durant 3 mois
    • Valves mécaniques : couverture définitive, cible : INR 3-4,5
  • FA : indication selon le CHADS2, cible : INR 2-3
  • Déficits congénitaux en antithrombine, protéine C ou S + manifestations thrombo-emboliques récidivantes

Nouveaux anticoagulants oraux NOACS (= anticoagulants oraux d'action directe AOD)

Ils comprennent les inhibiteurs du facteur Xa (rivaroxaban, apixaban, edoxaban) et les inhibiteurs de la thrombine (dabigatran). Leur principal avantage par rapport aux AVK est qu'ils ne nécessitent pas d'être monitorisés et sont prescrits à doses fixes 1 à 2x/j... leur principal inconvénient étant qu'il n'existe aucun moyen de monitoriser leur activité. Elimination rénale. Moins sensibles aux interactions médicamenteuses et variations de régime alimentaire que les AVK.

Il existe un antidote (idarucizumab) pour le dabigatran mais aucun antidote pour les autres AOD.

Plus récents, leurs indications s'élargissent rapidement mais restent encore plus restreintes que celles des AVK. Ils sont actuellement validés pour :

  • Prévention et traitement des TVP et EP
  • Prévention thrombo-embolique pour les FA non valvulaires

Surdosages en antagonistes de la vitamine K (AVK)

Situation clinico-biologique Prise en charge

INR < 5 et pas de saignement

Sauter 1 prise → reprise à dose réduite sous contrôle INR

INR 5 à 9 et/ ou saignement minime

Stop AVK + 2 mg vit K PO/SC → INR 1x/j → reprise des AVK à dose réduite lorsque l'INR se rapproche de la zone thérapeutique → ajuster la dose sous contrôle INR

INR > 9 et pas de saignement et compliance

Stop AVK + 5mg vit K PO/SC → INR à H6 → vit K PO SN → reprise des AVK à dose réduite lorsque l'INR se rapproche de la zone thérapeutique → ajuster la dose sous contrôle INR

INR > 9 et saignement minime ou doute sur la compliance

Idem ci-dessus + hospitalisation

INR > 20 et/ ou saignement majeur

Stop AVK + hospitalisation + vit K 10mg IV lent + FFP 10-15ml/kg IV ou PPSB 25U/kg → INR à H6 → vit K IV SN +- FFP/PPSB → reprise des AVK à dose réduite lorsque l'INR se rapproche de la zone thérapeutique → ajuster la dose sous contrôle INR

En sus, rechercher et corriger SN l'éventuelle cause du surdosage.

Anticoagulants oraux et chirurgie

Excepté les interventions minimes (extraction dentaire, biopsie superficielle,…) où l'on peut continuer une couverture avec un INR = 2-3, les AVK doivent être interrompus 4j avant une intervention. Le patient sera placé sous HBPM SC 36h après l'arrêt des AVK et jusqu'à 12-18h avant l'intervention.

Pour les porteurs de valve mécanique : héparine dès 24h après l'arrêt des AVK à dose curative, suspension au matin de l'intervention, reprise de l'héparine, relais héparine AVK.

En cas d'intervention urgente, une perfusion de PPSB peut être utilisée pour restaurer la coagulation.

Attitude moins documentée mais similaire pour les AOD.

Complications hémorragiques sous "nouveaux anticoagulants oraux"

Il n'existe pas d'antidote spécifique de ces anticoagulants hormis pour le dagibatran. En cas de :

  • Saignement mineur : interrompre traitement / reporter dose suivante de 24h
  • Saigmement modéré : idem + mesures supportives, remplissage et transfusions SN + idarucizumab 5 g IV si dagibatran
  • Saignement majeur : idem + envisager Facteur VII recombinant activé / concentrés de prothrombine + envisager hémodialyse

Complications hémorragiques sous héparines

Les accidents hémorragiques les plus fréquents sous héparine sont : rétropéritonéaux, cutanés, digestifs, hématuries, hémorragies cérébro-méningées.

En cas de :

  • Surdosage sans complication hémorragique : simple adaptation des doses ou arrêt du traitement durant 4h avant reprise après contrôle aPTT / activité anti Xa
  • Complication hémorragique : administration de sulfate de protamine, 1 mg IV neutralisant 100 UI d'héparine. Neutraliser 50% de la dernière dose (Qmax 50mg/ 10min).
    • NB : la protamine est moins efficaces sur les HBPM que sur l'héparine non fractionnée

Thrombopénies induites par l'héparine

Complication classique des traitements par héparine (plus fréquent avec l'héparine non fractionnée mais peut survenir sous HBPM). A évoquer si les Plaquettes descendent sous 100.000/ mm³ à partir du 5ème jour de traitement. Exceptionnel après J21. Association fréquente avec la survenue d'une thrombose artérielleou veineuse ou une coagulopathie de consommation.

→ arrêt immédiat de l'héparine et relais par un autre type d'anticoagulants.

Bibliographie

EMC, traité de médecine AKOS, Elsevier, 2018

Haute Autorité de Santé, Anticoagulants oraux, recommandations, 2018