Syndromes confusionnels

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  Auteur(s) : Dr Shanan Khairi
  Date de dernière édition : 22/09/2024

Un syndrome confusionnel signe une souffrance fonctionnelle (les lésions cérébrales à l'anatomopathologie sont rares) cérébrale aiguë et diffuse secondaire à une affection organique. Son identification et son traitement constituent une urgence relative. 

Sa pathogénie reste souvent obscure (réduction du métabolisme cérébral ? réduction du débit sanguin cérébral ? dysfonction conjointe des régions corticales associatives et de la substance réticulée ? déficit en Ac-choline ? excès de dopamine ? troubles sérotoninergiques ou de la mélatonine ? troubles des hormones de stress ?) et probablement multi-factorielle.

Un trouble sévère de la vigilance peut être précédé d'un syndrome confusionnel → surveillance étroite de tout patient confus.

Algorithme de prise en charge schématique

Syndromes confusionnels

Définition, clinique et diagnostic

Il n'existe pas de consensus quant à la définition d'un syndrome confusionnel. D'après Lipowski, il s'agit d'un "syndrome mental transitoire d'origine organique, d'installation aiguë, caractérisé par une altération globale des fonctions cognitives, une réduction du niveau de conscience, des troubles attentionnels, une activité psychomotrice diminuée ou majorée et une perturbation du cycle nycthéméral".

Critères DSM IV :

  • Perturbation de la conscience avec diminution de la capacité à diriger/ focaliser/ soutenir/ mobiliser son attention
  • Apparition brutale de troubles cognitifs (mémoire, désorientation spatio-temporelle, perturbation du langage) ou d'une perturbation des perceptions, non susceptible d'être expliquée par l'évolution d'une démence pré-existante
  • Installation en quelques heures à jours et évolution fluctuante au cours de la journée

Critères de la CAM → diagnostic si 1 + 2 avec 3 ou 4 (sensibilité de 95-100% et spécificité de 90-95%)

  1. Apparition aiguë et symptomatologie fluctuante
  2. Inattention (distractibilité ? difficultés de concentration ?)
  3. Désorganisation de la pensée (conversation improductive ou décousue ? idées obscures ou illogiques ? passage d'un sujet à l'autre ?)
  4. Altération du niveau de conscience (hypo ou hyper-réactif, éveil altéré ?)

On distingue classiquement la forme "confuso-onirique" = "hyperactivité-hyperalerte" (hyperactivité verbale et exacerbation du niveau d'alerte avec association habituelle à un délire onirique actif rendant le patient dangereux +- troubles sympathiques [hypersudation et tachycardie]… ex : delirium tremens) de la forme "stuporeuse" = "hyporéactivité-hypoalerte" (malade calme, passif, peu loquace, somnolent, parfois catatonique… ex : tableau habituel des encéphalopathies métaboliques du sujet âgé). La forme mixte associe en alternance irrégulière et imprévisible les deux tableaux.

Etiologies

Les étiologies sont innombrables. L'immense majorité des syndromes confusionnels sont cependant d'origine toxique, métabolique ou infectieuse.

Troubles métaboliques

  • Hypoglycémies (++ chez diabétiques par surdosages en hypoglycémiants ou abus d'alcool, dumping syndrome chez le gastrectomisé)
  • Hyperglycémies (! décompensations acido-cétosique ou hyperosmolaire diabétique)
  • Hypoxie (défaillance cardiorespiratoire, intoxication au CO, anémie sévère)
  • Hypercapnie
  • Troubles ioniques (++ Na, K, Ca)
  • Troubles  acido-basiques
  • Encéphalopathie hépatique (fœtor hépatique ? asterixis ? cirrhotique ? alcoolique ?)
  • Insuffisance rénale (dialysé ? hyperazotémie ?) → ++ confuso-onirique

Endocrinopathies 

  • Hypoparathyroïdie (hypocalcémie)
  • Hyperparathyroïdie (hypercalcémie)
  • Insuffisance surrénalienne
  • Panhypopituitarisme (hypoglycémie, hyponatrémie, hypotension +- hypothermie)
  • Hyper et hypothyroïdie
  • Encéphalopathie d'Hashimoto
  • Syndrome de Cushing → prédominance de troubles cognitifs

Toxiques 

  • Alcool : ivresse pathologique, intoxication aiguë, delirium tremens +++, encéphalopathies de Wernicke et de Marchiafava
  • Iatrogènes : surdosage, hypersensibilité, sevrage pour les tranquillisants. Suspecter :
    • Si épileptique : benzodiazépines, phénytoïne, phénobarbital, topiramate, (valproate)
    • Si Parkinsonien : L-dopa, agonistes dopaminergiques, trihexyphénidyle
    • En général : benzodiazépines, antidépresseurs tricycliques et IMAO, lithium, (neuroleptiques, AINS et corticoïdes, certains antibiotiques [pénicillines, céphalosporines, aminosides], antiarythmiques [digitaliques, amiodarone, flécaïnide,…], β-bloquants, anti-hypertenseurs centraux [clonidine et alphaméthyldopa], certains antispasmodiques et antihistaminiques)
  • Toxiques domestiques : CO, champignons vénéneux, seigle parasité par l'ergot, hallucinogènes,…
  • Toxiques industriels : arsenic, plomb, manganèse, nickel, thallium, zinc, benzène, toluène, tétrachlorure de carbone, chlorure de méthyl, trichloréthylène, disulfure de carbone,…

Infections et sepsis sévères

Généralement liée à la fièvre d'une infection distante (++ infections pulmonaires et urinaires, malaria et fièvre typhoïde à évoquer en cas de voyage) ou à un sepsis, rarement à une infection du système nerveux central.

Carentielles 

Ne se rencontrent chez nous que quasi exclusivement chez les alcooliques : carence en B1 (encéphalopathie de Wernicke, ++ associée à une hypertonie rigide, une ataxie et des troubles oculomoteurs variables fluctuants), en PP (encéphalopathie pellagreuse, rarement associée à une mélanodermie et diarrhée), en B6, en B12. + carence en folate. Possibles également chez les patients dénutris (régimes déraisonnables, patients âgés, gastrectomisés).

Etats de mal épileptiques à expression confusionnelle 

Rares (jusqu'à 10% cependant dans certaines séries), d'expression stuporeuse, survenant généralement dans un contexte d'épilepsie généralisée primaire connue → électro-encéphalogramme (EEG) caractérisé par des pointes-ondes bilatérales symétriques et synchrones à 3 cycles/ seconde. Plus rarement encore observés dans des états de mal partiels : état de mal partiel complexe (foyer temporal ou fronto-temporal), état de mal avec foyer frontal polaire (++ obnubilation calme, parfois euphorique).

Ces états de mal sont généralement secondaires (+++ encéphalopathies septiques, métaboliques et toxiques) → leur identification n'autorise pas l'interruption du bilan étiologique !

Divers 

Diverses étiologies peuvent se manifester par une confusion à l'avant plan : cardiaques (décompensation cardiaque, syndromes coronariens aigus, dissection aortique, arythmies), pulmonaires (embolie pulmonaire, toute cause d'hypoxie), décours de chirurgie et anesthésie générale, ischémie d'un membre ou mésentérique. Exceptionnellement : hématome sous-dural chronique,...

Hypertension intracrânienne (HTIC)

Rarement en cause. Cependant, toute HTIC peut s'exprimer par un syndrome confusionnel avant d'évoluer rapidement vers un trouble de la vigilance.

Pathologies vasculaires

Très rarement cause de syndromes confusionnels isolés

  • Encéphalopathie hypertensive
  • Tous les types d'accidents vasculaires cérébraux (AVC)

NB : la migraine peut exceptionnellement se traduire par un syndrome confusionnel (++ chez les enfants et adolescents) durant quelques heures.

Particularités du patient âgé 

  • Trois causes sont plus particulières à la personne âgée : la rétention urinaire, le fécalome et la douleur
  • Les confusions chez ces patients sont généralement plurifactorielles
  • Divers facteurs favorisants : âge très avancé, MMS < 24, tension artérielle élevée, dépendance pour les activités journalières, déficits sensoriels, isolement social, stress, changement d'environnement, chirurgie, anesthésie générale, séjour à l'USI, polymédication,…

La survenue d'un syndrome confusionnel chez une personne âgée engage le pronostic vital dans 10-30% des cas !

Particularités du patient cancéreux 

Outre toutes les causes précédentes, il existe des causes plus spécifiques aux patients cancéreux : encéphalite limbique paranéoplasique, tumeurs cérébrales, coagulation intravasculaire disséminée (CIVD), plus grande fréquence des causes iatrogènes (++ opioïdes et corticoïdes).

Particularités du patient immunodéprimé 

De règle : arrêter tous les médicaments non indispensables, bilan bactériologique exhaustif aux urgences, hospitalisation pour bilan. 

Diagnostic différentiel

Pathologies neurologiques

  • Ictus amnésique, syndrome de Korsakoff → amnésie généralement isolée
  • Aphasie : souvent prise au départ pour une confusion. Le diagnostic s'impose devant une abondance de paraphasies, une vigilance normale et d'autres déficits (hémianopsie latérale homonyme associée ?)
  • Confusion post-ictale : notion de crise convulsive, résolution ++ en quelques heures (exceptionnellement plusieurs jours)
  • Démences : dans les formes débutantes la vigilance et l'attention  sont préservées et il n'y a généralement pas de fluctuation au cours de la journée (sauf dans la maladie de Lewy → dans ce cas, ce sera la répétition d'épisodes confusionnels qui suggèreront le diagnostic). L'évolution lente des troubles est très suggestive. Dans le doute, hospitalisation en médecine interne ou gériatrie pour bilan.

Pathologies psychiatriques 

  • Bouffée délirante aiguë : ++ chez adolescents, les éléments dominants sont l'automatisme mental et la dépersonnalisation (absents ou mineurs dans la confusion)
  • Accès maniaque : peut simuler une confusion agitée, évocateur = présence d'hallucinations visuelles, diagnostic difficile
  • Mélancolie stuporeuse ou agitée : présence d'une "douleur morale"
  • Schizophrénie

De règle, dans les pathologies psychiatriques, les troubles cognitifs ou d'orientation sont mineurs, la pensée est moins désorganisée et fluctuante, les hallucinations sont généralement auditives et complexes.