Syndromes de Sjogren

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  Auteur(s) : Dr Shanan Khairi
  Date de dernière édition : 22/09/2024

Les syndromes de Sjögren (ou de Gougerot-Sjögren) sont des épithélites auto-immunes associant de manière variable des manifestations systémiques à un syndrome sec. Ils se caractérisent histologiquement par une infiltration lympho-plasmacytaire des glandes exocrines.

Il s'agit de la plus fréquente des connectivite après la polyarthrite rhumatoïde, sa prévalence étant de 1 à 2/ 500 habitants. Le sex-ratio est de 9 femmes pour 1 homme et le pic diagnostique se situe vers 50 ans.

Ils peuvent être primaires ou secondaires (associés à une autre connectivite ou maladie auto-immune). Le syndrome de Sjögren primaire est supposé résulter de facteurs génétiques (HLA A1, B8, DR3, DQ2 – notion de pathologies auto-immunes plus fréquentes chez les apparentés du premier degré) et environnementaux (viroses ?). Sa complication la plus grave est la survenue d'un lymphome malin.

Syndrome de Sjögren primaire : clinique

Les circonstances de découverte sont variables : ++ constitution lente d'un syndrome sec, épisodes itératifs de tuméfactions parotidiennes, signes extra-glandulaires dominants égarant le diag, syndrome inflammatoire inexpliqué isolé.

Atteintes glandulaires : le syndrome sec

Atteinte lacrymale : xérophtalmie et kératoconjonctivite sèche (90-98%)

Sensation de corps étranger/ brûlure/ sable, paupières collées au réveil, photophobie. Rarement plainte de diminution de l'AV / de voile devant les yeux. Les formes sévères présentent une véritable conjonctivite avec sécrétions épaisses et collantes, parfois purulentes. Les ulcérations cornéennes sont rares.

Atteinte buccale : xérostomie (80-90%)

Bouche sèche, pâteuse, dysphagie aux aliments secs, gène à l'élocution, polydypsie nocturne. Formes sévères : langue fissurée et dépapillée, caries, candidose buccale, oesophagite chronique.

Tuméfactions glandulaires (30-50%)

Inconstantes mais évocatrices. Constitution lentement progressive ou évolution par poussées. Parfois douloureuses. ++ parotidiennes >> sous-maxillaires >>> lacrymales.

Autres manifestations

Sécheresse cutanée (31%), génitale (dyspareunie 19%), trachéale, bronchique,…

Diagnostic différentiel

Seulement 35% des syndromes secs se révèleront être un SS. Le DD comprend essentiellement :

  • Vieillissement et ménopause ++++
  • Iatrogène +++ : atropine, anti-histaminiques, opiacés, psychotropes et anti-dépresseurs, anti-parkinsoniens, diurétiques clonidine, bêta-bloquants,…
  • Sd anxio-dépressifs +++
  • RXth
  • Sarcoïdose
  • Sclérodermie
  • Diabètes décompensés / très mal équilibrés
  • HCV, HIV
  • Maladie du greffon contre l'hôte

Le DD d'une tuméfaction glandulaire

  • Unilat comprend : infection bactérienne, sialadénite chronique, obstruction ou tumeur.
  • Bilat comprend : infections virales (HIV, EBV, CMV, coxsackie A, oreillons), amyloïdose, granulomatoses (sarcoïdose, Tbc, lèpre), hyperlipidémie, cirrhose éthylique, acromégalie, anorexie

Atteintes extra-glandulaires (30-80%)

Asthénie (jusqu'à 80%)

La présence de t° / DEG doit faire rechercher un lymphome / une maladie associée.

Polyarthralgies (jusqu'à 75%)

+++ polyarthrites non érosives (principale différence avec la PR). Bilatéral, symétrique, distale (MCP, IPP, genoux), fugace.

Myalgies (25-50%)

Diffuses, non systématisées (principale différence avec la fibromyalgie). Faiblesse musculaire possible (< hypoK < acidose tubulaire distale)

Phénomène de Raynaud (25%)

Cutanées

Possibles : purpura vasculaire, livedo, vasculite cutanée (< cryoglobulinémie)

Pulmonaires

Rares : Fibrose pulmonaire interstitielle d'évolution généralement bénigne, pneumonie lymphocytaire interstitielle (cortico-sensible, doit faire suspecter un lymphome)

Rénales

Néphropathie interstitielle avec acidose tubulaire distale, ++ latente. → hypoK, hyperCl, néphrocalcinose, ostéomalacie,... Atteinte glomérulaire exceptionnelle.

Neurologiques (10-15%)

  • PNP démyélinisante à prédominance sensitive (< vascularite, ++ SS avec anti-SSA), neuropathie sensitive du trijumeau, mono/multinévrites, atteinte du VII sur parotidite,…
  • Existence discutée (association de patho auto-immunes ?) :
    • Encéphalopathies démyélinisantes, myélites, méningo-encéphalites, HSA
    • Myosites sub-aiguës

Divers

Possibles adp superficielles, splénomégalie rare. Doivent tjrs faire craindre (l'évolution vers) un lymphome.

Troubles psys, ++ dépression

Myocardites exceptionnelles

Pronostic et complications

L'évolution est svt lente, le pronostic vital est bon (complications rares) mais mauvaise qualité de vie. Facteurs prédictifs d'évolutivité plus rapide : épisodes fréquents de tuméfaction glandulaire, hypergammaglobulinémie élevée, Ac anti-SSA Ro. Les formes juvéniles sont rares (++ vers 11 ans, formes secondaires à l'arthrite juvénile idiopathique, toujours craindre la survenue d'un LED à la puberté). Les hommes seraient plus sujets aux manifestations systémiques. Les SS chez les personnes âgées sont rares (Sd sec → ++ dégénératif et iatrogène).

Complications :

  • Complications des manifestations systémiques du SS (cf supra)
  • Syndrome lymphoprolifératif (RR = 44x)  2-5%
    • A suspecter si survenue de : adp superficielles, splénomégalie, DEG, fièvre inexpliquée, dysglobulinémie monoclonale, diminution du taux de gammaglobulines, élévation brutale des bêta-2-microglobulines, chaînes légères dans les urines, cryoglobulinémie
    • ++ lymphome B (++ de faible malignité), parfois pseudo-lymphome susceptibles d'évoluer vers un véritable lymphome
  • Complications d'éventuelles connectivites associées (cf infra)

Syndrome de Sjogren secondaire

Dans ce cas, le SS est généralement au second plan et tardif dans une évolution dominée par la patho associée. De nbses patho auto-immunes et connectivites sont réputées être svt associées au SS. Cependant, il est parfois difficile de différencier un symptôme propre de la maladie (ex : Sd sec sur fibrose des glandes salivaires dans la sclérodermie) qu'à un véritable SS. Maladies associées :

CONNECTIVITES

MALADIES AUTO-IMMUNES

Polyarthrite rhumatoïde

LED

Sclérodermie

SHARP Sd

Dermatomyosite

Cirrhose biliaire primitive

Hépatites chroniques actives

Dysthyroïdies auto-immunes, diabète

Anémie de Biermer

Rares : Purpura thrombopénique, anémie hémolytique auto-immune, PAN, Horton, SPA, Beceth, Maladie de Still, myasthénie,…

L'association à une PR est fréquente et doit TOUJOURS être recherchée. Un SHARP sd doit toujours être recherché en cas d'atteinte pulmonaire

Examens complémentaires

Biologie

Svt : hypergammaglobulinémie (80%), augmentation VS, anémie inflammatoire, leucopénie (50%), éosinophilie, cryoglobulinémie (20%), CRP élevée dans les formes sévères.

Ac anti SSA (Se 80%) / SSB (les plus caractéristiques du SS primitif, Se 40%)

FR + (75%)

Ac anti-CCP (1-15%)

Examen ophtalmologique

  • Test de Shirmer : + si longueur imprégnée de bandelette < 5mm en 5 min. Peu Sp
  • Test au rouge bengale : + Sp mais douloureux. Révèle les lésions de kératoconjonctivivtes sèche.
  • Temps de rupture du film lacrymal raccourci.

Sialographie

Invasive, peu Sp → quasi-inutile.

Scintigraphie isotopique des glandes salivaires

Chère, peu Sp. 4 stades de gravité croissante (Schall).

Biopsie des glandes salivaires accessoires

Indispensable. Démontre les altérations glandulaires et l'infiltration lymphoplasmocytaire. Très évocatrice si stade 3 ou 4 selon Chisholm (> 1 foyer = agrégat de min 50 C mononuclées / mm3). Mais nbx FN (++ fumeurs).

Divers

Pour le DD, la recherche d'une hémopathie ou d'une patho associée.

Critères diagnostiques

Critères de 2002 :

  1. Symptômes de xérophtalmie : > 1 réponse + parmi :
  • Sécheresse oculaire quotidienne et gênante plus de 3 mois
  • Sensation réccurente de sable dans les yeux
  • Larmes artificielles > 3x/j
  1. Symptômes de xérostomie ou dysphagie ou tuméfaction des parotides, > 1 parmi :
  • Sécheresse buccale quotidienne > 3 mois
  • Tuméfaction récurrente ou persistante des parotides à l'âge adulte
  • Ingestion fréquente de liquides pour favoriser déglutition des aliments
  1. Atteinte oculaire objective : test de Shirmer / rose bengale ou autre colorant positif
  2. Atteinte objective des glandes salivaires, > 1 parmi :
  • Flux salivaire non stimulé < 1,5 ml/ 15 min
  • Sialographie parotidienne démontrant des atélectasies diffuses sans obstruction des canaux principaux
  • Scintigraphie salivaire démontrant un retard de capture/ faible concentration/ retard de sécrétion du traceur
  1. Histologie : score de Schisolm > 3
  2. Signes biologiques : présence d'Ac anti-SSA (Ro) et/ou anti-SSB (La)

On peut retenir le diag de SS primitif si 4/6 critères (dont l'histo et/ou la séro) OU 3 critères parmi les critères 3/4/5/6. On peut retenir le diag de SS secondaire en cas de présence d'une autre connectivite ET critère 1 OU 2 ET 2 critères parmi les critères 3/4/5.

Prise en charge thérapeutique - Traitements

! surveillance clinique et biol régulière (min 1x/ 6 mois) vu risque de lymphome !

  • Traitement symptomatique du syndrome sec : éviction du tabac/ air conditionné/ lentilles de contact, larmes artificielles, implants solubles, obturation des points lacrymaux (formes sévères), substituts salivaires en spray, chewing-gums sans sucre, consults dentsiste régulières, éviter les atropiniques/ parasympathicolythiques, savons surgras, crèmes hydratantes, solutions NaCl nasales, ovules/crèmes/gels vaginaux.
  • Traitement des polyarthrites non érosives : paracétamol, AINS, plaquenil 400mg/j 5j/7 (! Rétinotoxique → CV et couleurs tous les 6 mois), corticoth faible dose transitoire / métothrexate 0,2mg/kg/sem en cas d'échec
  • Indication d'une corticoth à doses dégressives jusqu'à dose minimale efficace (7,5mg/j) :
    • Tuméfactions volumineuses récidivantes des glandes salivaires
    • Manifestations extra-glandulaires sévères : vasculite, pneumopathies interstitielles, néphropathies symptomatiques
  • Association d'une corticoth +- échanges plasmatiques / immunosuppresseurs (azathioprine/ cyclophosphamide) :
    • Vasculite sévère associée à une cryoglobulinémie mixte
      • ! immunosuppresseurs = dernier recours (favorise la survenue de lymphomes) !
    • Rituximab (4 perfs de 375mg/m2 1x/sem) = pas encore validé → formes sévères incontrôlables
  • Traitement des complications les plus fréquentes :
    • Candidoses buccales : fluconazole
    • Pneumonie lymphoïdes : corticoïdes 0,5-1mg/kg/j (azathioprine si corticodépendance)
    • Multineuropathies : corticoïdes 0,5-1mg/kg/j (azathioprine/ cyclophosphamide si corticodépendance)
    • Polyneuropathies : tt symptomatique… corticoth peu efficace
    • Vasculites : bolus de corticoïdes (1-3g/j sur 5j) +- bolus de cyclophosphamide/ azathioprine
    • Néphropathies intestitielles : corticoïdes 0,5-1mg/kg/j (azathioprine si corticodépendance)
    • Poussées parotidiennes : corticos 0,25-0,5 mg/kg durant 10-15j
    • Lymphomes : chimioth selon grade de malignité / RXth si localisation unique