Vasculites - généralités
Date de dernière édition : 23/09/2024
Les vasculites constituent un ensemble de pathologies caractérisées par une atteinte inflammatoire de vaisseaux sanguins entraînant des modifications structurelles de leur paroi. Tous les types de vaisseaux peuvent être atteints et les manifestations cliniques sont très hétérogènes.
On distingue les vasculites secondaires (++ d'origine infectieuse), fréquentes, des vasculites primitives, rares. A noter cependant qu'en dehors des vasculites considérées comme secondaires à des pathologies auto-immunes, la plupart des "vasculites primaires" présentent des taux "d'association" élevés à diverses pathologies auto-immunes.
Classification
Vasculites primaires
Types de vaisseaux préférentiellement touchés | Maladie |
---|---|
Tous calibres | Maladie de Behçet (prépondérance sur les petits vaisseaux) |
Gros calibres | Artérite giganto-cellulaire
Artérite de Takayasu |
Moyens calibres | Périartérite noueuse (PAN)
Maladie de Kawasaki Maladie de Buerger |
Petits calibres | Granulomatose de Wegener
Syndrome de Churg Strauss |
En sus de ces syndromes bien identifiés, on peut rencontrer des vasculites primaires, multisystémiques ou isolées à un organe, ne correspondant à aucune nosologie.
Vasculites secondaires
Plus fréquentes que les vasculites primaires, elles sont de plus probablement sous-diagnostiquées (en particulier concernant les vasculites secondaires à des sepsis).
- Infections : streptocoques, HBV, syphilis, borrelioses, tuberculose, HIV,… fréquentes au cours des sepsis sévères de toutes origines
- Maladies auto-immunes : polyarthrite rhumatoïde, collagénoses, sarcoïdose, cirrhose biliaire primitive, hépatites auto-immunes, maladie de Crohn,…
- Néoplasies : leucémies, lymphomes, myélome multiple, tumeurs solides,…
- Médicaments : antibiotiques, cytostatiques, D-pénicillamine, anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), sels d’or,…
Eléments d'orientation clinique
Quand évoquer une vasculite ?
Les tableaux cliniques des vasculites sont très variables et très peu spécifiques. On doit particulièrement suspecter une vasculite lorsque plusieurs de ces symptômes ou signes sont associés sans explication évidente :
- Général : fièvre inexpliquée, amaigrissement, faiblesse, fatigue
- Musculo-squelettiques : arthralgies, myalgies, arthrite
- Cutanés : purpura palpable, nodules, urticaire, livedo reticularis, phlébites superficielles/ profondes, lésions ischémiques/ nécrotiques
- Neuros : céphalées, accidents vasculaires cérébraux répétés ou atypiques, mono et multinévrites
- Tête et cou : sinusite, chondrite, otite, iridocyclite
- Reins : glomérulonéphrite, infarctus rénal, HTA
- Poumons : HH alvéolaires, hémoptysies, cavités, nodules, infiltrats
La présence d'un seul de ces signes ou symptômes doit également faire évoquer une vasculite dans certains contextes (cf étiologies des vasculites secondaires). Certains sont également très évocateurs isolément en dehors de tout contexte (purpura palpable, glomérulonéprhites, oligo-arthrites récidivantes, multinévrites, lésions ischémiques ou nécrotiques cutanées récidivantes) en l'absence d'explication évidente.
Caractéristiques cliniques évoquant une vasculite primitive particulière
Vasculites pédiatriques
Une suspicion de vasculite chez un enfant orientera d'emblée vers un purpura rhumatoïde ou un Kawasaki (quasi-exclu si pas de fièvre > 40°C).
Association à un asthme de novo
La présence d’asthme à la phase d’état orientera vers un Churg-Strauss.
Multineuropathies
La présence d’une multinévrite d’installation rapide orientera vers une PAN.
Syndrome cutané prédominant ou dermo-rénal
Une clinique dominée par une atteinte cutanée (+- atteinte rénale, toujours à rechercher - fonction rénale et protéinurie) doit faire évoquer en 1ère intention une vasculite des petits vaisseaux (++ purpura rhumatoïde et cryoglobulinémie mixte essentielle) ou une PAN.
Les vasculites des petits vaisseaux
Peuvent être confinés à la peau. 90% des cas sont isolés (résolution spontanée en qq semaines), 10% développeront une forme récidivante (poussées espacées de plusieurs mois/ années). Un purpura infiltré est évocateur d’une vasculite des petits vaisseaux… mais il est très peu spécifique et son DD inclut la plupart des vasculites primaires ou secondaires.
Une atteinte cutanée isolée doit toujours faire suspecter une origine médicamenteuse (~10% des cas, généralement 1-3 semaines après l’exposition au médoc). Un syndrome dermo-rénal doit toujours faire penser à un purpura rhumatoïde (Henoch) et à une cryoglobulinémie mixte essentielle.
La PAN cutanée
Forme limitée et "bénigne" de la PAN. Nodules cutanés douloureux, livedo reticularis, ulcérations, douleurs musculaires, arthralgies, paresthésies, VS augmentée, absence de signe systémique. La biopsie des lésions cutanées montre une panartérite des artères de petit et moyen calibre avec panniculite focale.
Syndrome de la crosse aortique
Des signes cliniques évoquant une atteinte de la crosse aortique et des vaisseaux supra-aortiques doit faire évoquer une atteinte des gros vaisseaux (Horton et Takayasu) et la PAN.
L'artérite giganto-cellulaire (= temporale = maladie de Horton)
Signes de pseudo-polyarthrite rhizomélique (associée dans 50% des cas), asthénie, DEG, fièvre, céphalées, claudication de la mâchoire, sensibilité du cuir chevelu, anomalies de la vision, nécrose linguale,… +- anémie, VS augmentée,… ++ chez les > 50 ans.
Si artère temporale sensible, tortueuse ou épaissie : débuter d'emblée un traitement par corticoïdes après biopsie de l’artère. En cas de biopsie normale → reprélever et conserver de longs segments → si négatif : biopsie de l’artère contro-latérale → si toujours négatif : artériographie aortique.
Des troubles de la vision doivent faire suspecter une atteinte de l’artère ophtalmique avec risque de cécité définitive rapide imposant une corticothérapie en urgence.
NB : la PAN peut également atteindre l’artère temporale et doit être également évoquée chez un patient présentant une clinique systémique (fièvre, asthénie, perte de poids, syndrome inflammatoire aspécifique,…)
Maladie de Takayasu
+++ femmes, +++ < 40 ans.
Généralement accompagnée de fièvre, sueurs, asthénie, arthralgies, myalgies… peut évoluer pendant plusieurs années années avant la déclaration de signes d’ischémie : abolition des pouls périphériques, souffles vasculaires, symptômes dépendant de l’artère atteinte (amaurose, céphalées, claudication, HTA, angor,…). Peut simuler une HTA réno-vasculaire.
+- anémie modérée, VS augmentée. Une artériographie aortique doit être effectuée à la recherche d’occlusions, sténoses et anévrismes proximaux.
Syndrome pneumo-rénal
Il s'agit de situations compromettant le pronostic vital → le diagnostic et le traitement constituent des urgences relatives. Malheureusement son diagnostic différentiel comprend un grand nombre de vasculites primaires ou secondaires et des étiologies non vasculitiques. Face à un syndrome pneumo-rénal, les deux premières orientations diagnostiques devront être : vasculites des petits vaisseaux (++ Churg-Strauss, Wegener et MPA) et syndrome de Goodpasture (maladie des anticorps anti-membrane basale glomérulaire).
La biopsie rénale (ou pulmonaire, morbidité plus importante) avec immunofluorescence et sérologies est l'examen diagnostic de référence. Elle ne permet toutefois pas toujours d’identifier certaines microvascularites à ANCA susceptibles de donner un tel tableau. Les autres arguments à rechercher sont : ANCA +, réponse médiocre aux corticoïdes, développement de lésions des voies aériennes supérieures, de lésions pulmonaires excavées.
Examens complémentaires d'orientation
En première intention, on peut procéder à tout ou partie des examens suivants :
- Biologie : numération et formule sanguine, VS, protéine C, fibrinogène, fonction rénale, sérologies HBV/ HCV/ HIV, Ac antinucléaires, Ac anti-DNA, ANCA, cryoglobuline, complément et ses fractions C3 et C4, facteur rhumatoïde, Ac anti-membrane basale
- Urines : tigette, sédiment urinaire, protéinurie de 24h, CK, troponines
- RX thorax +- sinus
- ECG
- Électromyographie et vitesses de conduction nerveuses
- Hémocultures
- Biopsie cutanée des tissus cliniquement atteints
... tout en gardant à l’esprit que, hormis les ANCA, les Sp et Se des résultats pris isolément sont très faibles. Le recours à la biopsie doit être évalué en fonction de la situation clinique et des résultats des examens moins invasifs. Ainsi, un patient suspect de vasculite et présentant une néphrite active avec IRA devra bénéficier le plus rapidement possible d’une biopsie rénale. Face à un patient avec claudication de la mâchoire et polyarthrite rhizomélique on pourra se contenter d’une VS et numération sanguine avant de pratiquer une biopsie temporale.
Les vasculites associées à la présence d’ANCA sont :
- Polyangéite microscopique (60%, p-ANCA +++)
- Wegener (90%, c-ANCA +++)
- Churg-Strauss (60%, p-ANCA +++)
- (PAN : p-ANCA, rarement présents)
Une augmentation des IgA sériques est présente dans 50% des purpuras rhumatoïdes
Diagnostic différentiel
Le diagnostic différentiel dépend essentiellement des manifestations cliniques, très variables. De manière générale, on évoquera systématiquement les grands regroupements de pathologies systémiques (Still, fièvres périodiques héréditaires et apparentées, sarcoïdose, polyarthrite rhumatoïde, spondylarthrite ankylosante, syndrome de Sjögren, lupus érythémateux disséminé, syndrome des anticorps anti-phospholipides,...).