Vasculites du système nerveux central
Date de dernière édition : 23/09/2024
Les vasculites du système nerveux central constituent un groupe hétérogène d'affections caractérisées par des lésions inflammatoires de la paroi des vaisseaux du système nerveux central. Leurs étiologies sont diverses, leur tableau clinico-radiologique polymorphe et leur diagnostic, nécessitant des examens (semi)-invasifs, difficile.
Le diagnostic différentiel le plus difficile est celui d"angiopathie aiguë cérébrale réversible ("angéite spastique"), particulièrement pour les vasculites primitives du système nerveux central (absence de sémiologie extra-neurologique).
Généralités
Clinique et orientation diagnostique
Clinique polymorphe : déficits focaux, crises épileptiques partielles ou généralisées, atteintes de nerfs crâniens, ataxie, troubles visuels, signes d'encéphalopathie diffuse et troubles de la vigilance, céphalées, signes méningés,...
Plus rarement: signes médullaires isolés (10-15% des cas), syndrome de la queue de cheval voire simples radiculalgies (inflammation sac dural), ischémies ou hémorragies cérébrales,…
L'installation peut être (sub)-aiguë ou chronique et l'évolution tout aussi variable…
Certains tableaux sont cependant évocateurs :
- AVC du sujet jeune avec PL inflammatoire
- Déficits focaux multiples avec céphalées
- Répétition d'AVC à courts intervalles sans étiologie embolique
- Déficits focaux d'installation rapidement progressive sans explication après bilan standard
- Myélopathie chronique fluctuante sans explication après bilan standard
L'évocation diagnostique est donc particulièrement difficile pour les vasculites primitives du SNC (absence de signes extra-neurologiques excepté une possible fièvre, des arthro-myalgies ou une asthénie).
Les vasculites secondaires posent généralement moins de problèmes diagnostiques : notion de prises de médicaments ou stupéfiants, survenue généralement tardive de signes neurologiques dans l'évolution d'une infection ou d'une pathologie systémique,... Certaines vasculites infectieuses (ex : post-zosterienne, tuberculeuse) peuvent cependant se développer très tardivement en dehors de tout contexte fébrile avec ou sans manifestations extra-neurologiques.
La présence d'une symptomatologie systémique ou d'antécédents de maladie de système en l'absence de causes iatrogènes et de contexte infectieux doit faire évoquer systématiquement une maladie systémique avec atteinte du SNC.
Certains tableaux sont très évocateurs :
- Signes neurologiques + céphalées inexpliquées chez un patient de > 60 ans → maladie de Horton ?
- Chorée ou bouffée délirante chez une femme jeune → LED ?
- Rhombencéphalite → Behçet ?
Examens complémentaires
Biologie
Aucun intérêt pour les vasculites primitives du SNC (VS modérément élevée dans 1-2/3 des cas). Peut apporter des éléments en faveurs de maladies de système ou infectieuses (hémato-CRP, VS, FAN, ANCA, FR, sérologies HIV/ Borrelia/ Syphilis,...).
Ponction lombaire
Anomalies possibles variables : hyperprotéinorachie ++, glycorachie basse, méningite lymphocytaire ++, HSA, augmentation des gammaglobulines avec ou sans bandes oligoclonales, HTIC,… parfois strictement normale (10 à 20% des cas). Réalisation systématique de sérologies et PCR qui doivent revenir négatives.
Imagerie cérébrale
Le CT-scan cérébral montre généralement des hypodensités de taille variable évoquant des lésions ischémiques, rarement des hyperdensités témoignant d'hémorragies voire une atrophie cérébrale.
L'IRM cérébrale peut montrer le même type d'anomalies, des hypersignaux de la SB (banal chez les > 60 ans, pouvant évoquer une SEP chez les jeunes). L'association avec des anomalies de corticales (évoquant ou non des infarctus) est plus évocatrice. Parfois lésions pseudo-tumorales ou d'aspect miliaire (lésions multiples punctiformes parenchymateuses). L'angio-IRM a une mauvaise sensibilité pour les vaisseaux intra-cérébraux de petit calibre.
L'angiographie cérébrale est le gold standard : rétrécissements segmentaires artériels +- séparés par des dilatations fusiformes (aspect en chapelet) = aspect évocateur mais peu Sp (DD : spasmes artériels dans le cadre d'une angéite spastique, d'une HSA ou d'une HTA sévère), irrégularités pariétales, sténoses, occlusions vasculaires, anévrismes… et parfois strictement normale (→ répéter l'angiographie à distance en cas de forte présomption clinique)… et surestiment parfois les lésions.
Biopsie cérébrale et leptoméningée = diagnostic de certitude
Invasive mais nécessaire au diagnostic positif → à discuter au cas par cas.
Diagnostic et diagnostics différentiels
Le diagnostic positif nécessite une biopsie d'une lésion du SNC. Un LCR et une angiographie (pour certains auteurs une angio-IRM suffit) strictement normaux permettent d'exclure raisonnablement le diagnostic.
Les principaux diagnostics différentiels clinico-radiologiques sont : AVC, épilepsie, tumeurs intracrâniennes, SEP et autres affections démyélinisantes, angiopathie cérébrale réversible. Les anomalies observées à l'angiographie ne sont habituellement pas discernables d'une angiopathie cérébrale réversible (dont la PEC et le traitement sont radicalement différents).
Vasculites primitives du système nerveux central
= atteinte vasculaire limitée au SNC, étiologie inconnue, rares. Histologie caractérisée par un infiltrat mononucléé (+- granulomes avec L/ macrophages/ C de Langhans/ C épithélioïdes +- nécrose fibrinoïde), prédominant dans les vssx < 500 microm. 2 H > 1 F, ++ > 40 ans.
Pronostic spontané très péjoratif : aggravation progressive/ par paliers en qq sem/ mois, un décès rapide est la règle. Possibles rémissions transitoires.
Pas d'EBM, consensus pour les cas histologiquement confirmés, pas de consensus sinon. Tt d'attaque : corticoth (bolus 1g/j IV durant 3-5j puis 1mg/kg/j à diminuer de 10mg/j chaque semaine jusqu'à dose d'entretien de 10mg/j) +- endoxan 2mg/kg/j (imuran = second choix) durant 2-6 mois selon évolution clinico-radiologique. Entretien par : medrol 10-20mg/j 1j/2 + imuran 2mg/kg/j (ou méthotrexate ou perfs d'endoxan 1x/mois) – durant 6-12 mois après rémission.
En cas de doute diag avec une angiopathie cérébrale réversible, il n'existe aucun consensus. Exemple de prise en charge : tt par nimotop → répéter angiographies jusqu'à 3 mois → en cas d'aggravation / persistance à > 3 mois clinique / radiologique : envisager biopsie.
Vasculites systémiques primitives - maladies de système avec atteinte vasculitique du système nerveux central
Péri-artérite noueuses (PAN) et apparentées
Atteinte du SNC dans 10 à 20% des PAN (jusqu'à 50% si l'on prend en compte les céphalées, signes oculaires et atteintes des nerfs crâniens). Possibles formes à expression cutanée prééminente (vasculites d'hypersensibilité). L'atteinte du SNC n'est qu'exceptionnellement révélatrice et non corrélée au pronostic.
Un diagnostic différentiel à évoquer chez le patient athéromateux est celui d'emboles multiples de cholestérol (→ AIT, livedo, atteintes rénales, digestives, musculaires). Mise en évidence de cristaux de cholestérol à la biopsie d'un organe cible.
Pathologies proches : Churg Strauss (asthme constant, hyperéosinophile), syndrome de Cogan (atteinte vestibulaire, surdité bilatérale, kératite interstitielle).
Horton
Clinique typique : > 50 ans, céphalées (++ temporo-occiptales et constantes), DEG, VS très augmentée. La survenue d'un trouble visuel (parfois inaugural !) ou d'une paralysie oculo-motrice constitue une urgence thérapeutique dans un tel contexte. La survenue de troubles psychiques peut être liée à la maladie ou à son traitement (corticothérapie). Confirmation diagnostique par échographie et/ou biopsie de l'artère temporale. Atteintes du SNC dans 25 à 50% des cas. AVC dans 2,5 à 25%.
Takayasu
++ 20 à 40 ans, ++ femmes, ++ asiatique/ antillaise/ maghrébine. 85% de survie à 10 ans. Rares formes graves chez l'enfant. Comme dans le Horton la survenue de troubles visuels impose de débuter le traitement en urgence (corticothérapie au long cours… endoxan si réfractaire).
Wegener et granulomatose lymphomatoïde
Atteintes pulmonaires et rénales généralement prédominantes. L'atteinte du SNC est exceptionnelle dans le Wegener (! L'atteinte des nerfs crâniens est quant-à-elle fréquente) mais de près de 20% dans la granulomatose lymphomatoïde.
Vasculites systémiques primitives exceptionnelles
Maladie de Buerger (++ homme tabagique, atteintes distales des membres ++).
Syndrome de Susac (= encéphalopathie rétino-cochléaire) : ++ femme jeune, surdité bilatérale, atteintes visuelles, encéphalopathies diffuses,… angiographie souvent normale.
Epithéliopathie aiguë en plaques : ++ troubles visuels sévères souvent spontanément résolutifs. Atteinte cérébrale exceptionnelle (parfois plusieurs années après l'atteinte visuelle).
Maladie de Kohlmeier-Degos (= papulose atrophiante maligne) : lésions cutanées caractéristiques, atteintes gastro-entérologiques et neurologiques. Décès rapide !
Vasculites associées à une maladie systémique
Les atteintes du SNC se rencontrent dans 20% des Behçet… mais il s'agit généralement de TVC… les artérites (++ rhombencéphalite d'installation sub-aiguë) sont exceptionnelles.
Atteintes du SNC dans 25 à 75% des LED (inaugurales dans 15%, 2ème cause de mortalité après la néphropathie lupique, facteur pronostic péjoratif : chute de la survie à 10 ans de 80 à 50%). Cependant l'artérite semble être rare (complications neurologiques fréquentes sur TVC, sur HTA, sur endocardites, sur troubles de la coagulation, iatrogènes). Tous les tableaux cliniques sont possibles (très évocateur : jeune femme avec bouffées délirantes). Formes avec rémissions possibles (DD = SEP). En cas d'atteinte isolée du SNC, le diagnostic peut être très difficile (IRM peu Sp, biologie pouvant encore être froide). Traitement mal codifié (corticoth +- immunosuppresseurs).
L'atteinte du SNC dans le cadre d'un Sjögren est associée à une atteinte du SNP dans 50% des cas. Signes psychiatriques dans 60%. Déficits focaux dans 25%. Traitement mal codifié (corticothérapie ? plasmaphérèses ?)
Exceptionnelles atteintes du SNC : sclérodermie, connectivite mixte, maladie coeliaque, RCUH, dermatomyosites, polyarthrite rhumatoïde, sarcoïdose.
Vasculites secondaires
Vasculites infectieuses du système nerveux central
Elles sont plus fréquentes et potentiellement sous-diagnostiquées. Surviennent généralement tardivement dans l'évolution d'une infection. Origines variées :
- Bactéries : méningites bactériennes, endocardites bactériennes, Lyme, tuberculose, Syphilis, bartonella, rickettsioses, clamydiose, mycoplasme,…
- Virus : HSV, VZV, CMV, HIV,…
- Parasites : toxoplasmose, cysticercose, protozooses,…
- Fungiques : aspergillose, candidose, cryptococcose, coccidioidomycose, histoplasmose, mucomycoses,…
Vasculites toxiques et iatrogènes
Des AVC ischémiques ou hémorragiques peuvent, rarement, survenir dans le cadre de prise de toxiques : cocaïne, crack, héroïne, amphétamines, carbamazépine, sympathicomimétiques (sprays nasaux contenant de l'éphédrine,…).
De véritables vasculites histologiquement documentées sont décrites bien que le mécanisme lésionnel soit généralement des vasospasmes dans le contexte de poussées hypertensives. Autres causes : immunosuppression, rejet de greffes, radiothérapies.
Vasculites sur angiopathie amyloïde cérébrale
Cf l'article angiopathies amyloïdes cérébrales. Débuter une corticothérapie en cas de doute et d'évolution rapide.
Vasculites paranéoplasiques
Les vasculites (++ systémiques) paranéoplasiques sont rares et se rencontrent surtout dans les hémopathies et méningites carcinomateuses. Les AVC chez un patient cancéreux relèvent généralement d'autres mécanismes : CIVD et autres troubles de la coagulation, endocardite non bactérienne, TVC, emboles tumoraux, ruptures d'anévrismes oncotiques,…
Bibliographie
EMC, traité de neurologie, Elsevier, 2018
Jameson JL et al., Harrison's Principles of Internal Medicine, 20th edition, McGraw Hill Higher Education, 2018