Violences sexuelles

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  Auteur(s) : Dr Shanan Khairi
  Date de dernière édition : 22/09/2024

La définition des violences sexuelles est imprécise et variable selon les pays, dépendant plus de considérations sociales que strictement médicales. Pour cette raison, leur épidémiologie n'est pas déterminable.

L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) les définit très largement comme "Tout acte sexuel, tentative pour obtenir un acte sexuel, commentaire ou avances de nature sexuelle, ou actes visant à un trafic ou autrement dirigés contre la sexualité d’une personne en utilisant la coercition, commis par une personne indépendamment de sa relation avec la victime, dans tout contexte, y compris, mais sans s’y limiter, le foyer et le travail" et les estime toucher, selon les pays, 1 à 21% des enfants (garçons et filles) de moins de 15 ans et 5 à 60% des femmes de 15 à 49 ans.

Les violences sexuelles touchant les hommes adultes sont plus mal étudiées encore en raison de tabous sociaux plus importants. De récentes études suggèrent qu'elles représenteraient 25% des actes de violences sexuelles sur adultes.

Quoi qu'il en soit, ces violences représentent un enjeu important de santé publique et l'immense majorité des médecins y sera confronté au cours de sa pratique.

Définitions légales en Belgique

Viol

Le viol est défini assez précisément par l'article 375 du code pénal belge comme "tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit et par quelque moyen que ce soit, commis sur une personne qui n'y consent pas".

S'il est commis sur un enfant de moins de 14 ans il est automatiquement réputé "viol à l'aide de violences".

Il y a consentement si :

  • accord donné à l'avance
  • par quelqu'un agissant librement
  • qui est capable d'en mesurer la portée (âge minimum de 16 ans)

Le code pénal n'est pas plus précis sur ce qu'est un "accord donné à l'avance". Ordinairement, il est interprété comme une marque de participation active, physique ou verbale, du partenaire. Ceci laisse cependant une marge d'interprétation aux magistrats. Le code précise par contre quelques cas sortant du consentement : "Il n'y a pas consentement notamment lorsque l'acte a été imposé par la violence, menace, contrainte, surprise ou ruse ou été rendu possible en raison d'une infirmité ou d'une déficience physique ou mentale de la victime".

Le cas des enfants de 16 à 18 ans est très particulier. L'âge de la "majorité sexuelle" est fixé à 16 ans en Belgique mais la majorité civile et pénale à 18 ans. Hors cas exceptionnel des "mineurs déclarés émancipés", tout enfant est sous l'autorité de ses parents ou tuteurs légaux. Une relation sexuelle entretenue par un mineur de 16 à 18 ans avec un majeur peut donc faire l'objet d'une plainte contre ce dernier pour "viol" ou "attentat à la pudeur" des parents ou du tuteur légal. L'appréciation des faits et de l'opportunité de donner suite appartiendra alors au magistrat. Dans ce cas, les éléments déterminants sont généralement le témoignage du mineur quant aux circonstances de l'acte, l'ampleur de la différence d'âge entre le mineur et le majeur et une éventuelle expertise psychologique.

Attentat à la pudeur

L'attentat à la pudeur (regroupant les autres infractions à caractère sexuel que le viol) est cité comme tel et sanctionné par le code pénal mais n'y est pas défini. Il y a donc la une large place à l'interprétation des magistrats et à l'arbitraire. Même les ouvrages de droit servant généralement de base aux magistrats sont assez flous, une définition commune étant : "acte contraire aux bonnes moeurs (sans pénétration) commis sur autrui sans son consentement".

Spécificités selon le mode de présentation de la victime

Conduite face à une victime se présentant sans la police (= faits non dénoncés)

S'il s'agit d'un mineur, seul ou accompagné, ou d'un majeur jugé "incapable", toujours saisir le magistrat de garde. Dans tous les cas de figures, il doit impérativement faire l'objet d'un placement provisoire à l'hôpital et être examiné par un médecin légiste. 

S'il s'agit d'un majeur, toujours lui proposer de contacter la police. Dans tous les cas de figures, en cas de situation non urgente, l'idéal est de réquisitionner un médecin légiste.

  • examen clinique complet
  • prélever les échantillons +- les congeler → à conserver 6 mois dans l'hôpital
  • préciser qu'ils seront détruits après ce délai s'ils ne sont pas réclamés par la justice
  • remise des "prélèvements secs" (vêtements) à la victime
  • si elle en fait la demande : remise d'un certificat circonstancié

Conduite face à une victime se présentant avec un service de police (= faits dénoncés)

Toujours demander une ordonnance d'un juge d'instruction et réquisitionner un médecin légiste en cas de victime mineure et effectuer un placement provisoire à l'hôpital.

  • examen clinique complet
  • remettre les prélèvements aux policiers avec les consignes de conservation pour le SAS
  • "prélèvements secs" à placer dans des sacs à papier et remis pour conservation à température ambiante
  • un certificat circonstancié est prévu dans le SAS

La procédure médico-légale

L'anamnèse

  • noter le récit et, avec prudence, s'il semble spontané et l'état psychologique
    • Essayer d'employer des termes aussi précis et objectifs que possibles dans le rapport médical, quitte à reporter des citations
    • Quelque soit son impression quant à la cohérence et la vraisemblabilité d'un récit, s'abstenir d'exprimer tout doute sur les faits envers le ou la patient(e). De même, éviter la sympathie. Tenter de rester empathique, comme pour toute relation médecin-patient.
  • demander des précisions sur les agissements sexuels et les violences physiques. En souligner l'importance médico-légale en cas d'opposition ou de réaction agressive. En cas de refus réitéré de répondre, ne pas insister et le noter dans le rapport.
  • s'enquérir de soumission chimique : consommation d'alcool, d'opiacés, d'ecstasy, de LSD, de GHB, de tranquillisants
  • s'enquérir des antécédents gynécos (pathos, ménarche, derniers rapports, tampons,…) et généraux
  • s'enquérir de troubles de la défécation en cas de notion de pénétration anale
  • signes de stress post-traumatique (PTSD)? (généralement plus tardifs) : reviviscence, évitements, troubles somatiques multiples, troubles sexuels, troubles du sommeil/ d'alimentation, anxiété, dépression

L'exploration corporelle

Cadre légal de l'exploration corporelle :

  • chez l'adulte : possible sur demande du Procureur du Roi avec l'accord écrit et consigné de la victime, idéalement par un médecin légiste réquisitionné
  • chez l'enfant : toujours sur demande d'un juge d'instruction et toujours par un médecin légiste réquisitionné
  • la victime et l'inculpé peuvent se faire assister par le médecin de leur choix (rarement exploité)

Conditions d'examen

  • conditions physiques : pièce chauffée, éclairée adéquatement, table gynécologique
  • conditions psychiques
  • en présence d'un témoin

Contenu de l'examen : complet

Idéalement, l'examen doit être réalisé par un médecin légiste. A défaut, il sera réalisé par un gynécologue pour une femme, un chirurgien pour un homme + pédiatre s'il s'agit d'un enfant.

  • gynécologique ou urologique + sphère anale = ano-génital
    • position gynécologique, absence d'instrumentation, inspection, écartement des lèvres, examen anal
    • examen de l'hymen
      • habituellement circulaire, en croissant ou frangé (++ chez les adolescentes), rarement imperforés ou criblés
      • lésions : incisures complètes/ incomplètes, œdème, hématome,…
    • examen vulvaire ou pénis et bourses :
      • lésions : ecchymoses, abrasions, éraflures, contusions, oedèmes,…
  • reste de l'examen complet : membres (traces de liens ou de préhension ?), thorax (traces de compression?), cervical (traces de strangulation?), tête (contusions ? cheveux ?), lésions de coups ou de défense, traces de liens de contention, ongles cassés, cheveux arrachés, bouche, traces d'injections
  • ne pas négliger les "zones cachées" : aisselles, nuque, périnée…
  • effectuer les prélèvements
  • idéalement l'examen doit se faire complètement déshabillé. Toujours pour les enfants.

Décrire les lésions corporelles et sexuelles, s'aider à l'aide de schémas, dessins et/ ou photographies

Prélèvements 

Prélever toute trace étrangère organique ou non

  • à sec
  • ou sur compresse stérile imbibée de sérum physiologique → bien laisser sécher

Différentes techniques de prélèvements vaginaux:

  • Frottis vaginal
    • A la spatule d'Ayre, bien étaler sur les lames, mentionner si on a usé d'un spray
    • Risque de contamination → masque, gants,…
  • Lavage vaginal
    • Avec 30-40 ml de sérum physiologique
    • (Congélation à abandonner !)
  • Ecouvillonnage (6 au minimum) ++++
    • Conservation au sec à température ambiante → facile, pratique, illimitée

Selon l'histoire recourir à des écouvillons anaux ou buccaux (toujours prendre des écouvillons buccaux pour avoir l'ADN de la victime)

Réserver des écouvillons pour analyse bactériologique.

Stabilité intra-vaginale de quelques substances

Dans le vagin, le temps de conservation est de :

  • 3 à 7 jours pour les spermatozoïdes
  • 1 à 2 jour pour l'antigène spécifique de la prostate
  • 1 à 2 jour pour les groupes sanguins ABO
  • 1 à 2 jour pour le polymorphisme ADN

A l'état désseché, ces temps de conservation s'étendent à plusieurs années.

Examens des vêtements et bijoux

  • Toucher si et seulement si nécessaire, éviter au maximum les manipulations car : risque de contamination ADN
  • les placer avec précaution dans des sacs en papier
  • noter : dégâts, salissures, traces organiques

Examens complémentaires

Prélèvement d'écouvillons vaginaux pour bactériologie (sérologies peu utiles pour gonocoque, trichomonas et chlamydia, HPV, prend plusieurs semaines pour le tréponème + herpès) : microscopie, culture, PCR.

Prélèvement de sangsérologies MST (HIV, HBV, HCV, herpès), alcool et toxémies au sens large

Prélèvement d'urine pour screening toxicologique

Le SAS = Set d'Agression Sexuelle

Set très complet... donc très onéreux. A n'utiliser qu'en cas d'urgence.

Contient le matériel de prélèvement ADN vaginal, anal et buccal, des sacs en papiers pour les vêtements et des récipients adéquats aux poils et fibres.

Evolution des organes génitaux externes féminins

Sa connaissance est indispensable afin d'interpréter correctement l'examen clinique des enfants de sexe féminin.

Nouveau-né jusqu'à 2 mois

  • imprégnation oestrogénique maternelle
  • lèvres épaisses et clitoris développé
  • leucorrhée physiologique
  • méat urétral pouvant être caché par les replis hyménéaux hypertrophiés
  • hymen absent dans 0,03%

De 2 mois jusqu'à l'âge de ~7 ans

  • pas d'imprégnation oestrogénique
  • grandes lèvres plates
  • petites lèvres minces
  • hymen classiquement annulaire ou semi-lunaire
  • milieu plutôt alcalin
  • vulve fragile
    • → examens rapides et avec délicatesse

Après 7 ans

  • épaississement et différenciation des lèvres
  • épaississement de l'hymen
  • si préménarche:
    • muqueuse vestibulaire plus rougeâtre
    • leucorrhée physiologique

Evolution plus tardive de l'hymen

  • avec l'âge le bord libre peut présenter des irrégularités, des éléments vasculaires apparents, des asymétries
  • penser à une agression sexuelle si : brides, cicatrices, hymen atténué, frein des lèvres de la vulve émoussée ou cicatricielle

Diamètre de l'ostium hyménéal

  • A 5 ans : jusqu'à 5 mm
  • 5 à 10 ans : croissance de 1 mm/ an
  • A 10 ans : ~ 10 mm

Facteurs d'influence de la défloration

  • âge de la victime
  • degré de l'élasticité hyménéale (augmente avec l'imprégnation oestrogénique)
  • rapport entre agent pénétrant et ostium vaginal
  • brutalité de la pénétration
  • mise sous tension sexuelle préalable
  • lubrification ou non par une crème

Rupture lorsque la limite d'élasticité hyménéale est franchie. Il cède là où il est le plus large (= le moins soutenu)

Problème des tampons vaginaux, de certains sports,... 

Hymen et cicatrisation

En cas de lésions superficielles → cicatrisation → épithélialisation de 1 mm/ jour et différenciation de l'épithélium en 5 à 7 jours → restauration intégrale en 6 semaines.

En cas de lésions profondes → réparation par tissu de granulation puis cicatrice maturant en 2 mois pour devenir une fine ligne blanchâtre.

Bibliographie

Moniteur Belge, Code Pénal, articles 372, 373, 374 et 375.

Moniteur Belge, Loi modifiant diverses dispositions en ce qui concerne l'attentat à la pudeur et le voyeurisme, 1er février 2016

World Health Organization. Violence against women – Intimate partner and sexual violence against women. Genève, Organisation mondiale de la Santé, 2010