Troubles de l'hémostase

Aller à : navigation, rechercher

L'hémostase désigne ici l'ensemble des mécanismes physiologiques prévenant ou corrigeant les atteintes à l'intégrité vasculaire. L'objectif ici n'est pas d'expliquer ces mécanismes mais de fournir les éléments minimaux nécessaires à une prise en charge de première intention des troubles de l'hémostase.

Généralités

Pour rappel, interviennent dans :

  • La voie intrinsèque : les facteurs VIII, IX, XI, XII
  • La voie extrinsèque : les facteurs VII, facteur tissulaire
  • Le tronc commun : les facteurs I (I = fibrinogène, Ia = fibrine), II (II = prothrombine, IIa = thrombine), V, X, XIII

Le Temps de Céphaline activé = TCA = aPTT = PTT

Il s'agit du temps de coagulation à 37°C d'un plasma en présence de céphaline (phospholipide), d'un activateur de la phase contact et de calcium. Il varie selon le réactif utilisé et est considéré comme allongé lorsqu'il dépasse de 6 - 8 secondes le temps du témoin. Il explore la voie intrinsèque et le tronc commun, pas les plaquettes (remplacées par la céphaline) ni le facteur VII.

Le temps de Quick = QT = TQ

Il s'agit du temps de coagulation à 37°C d'un plasma en présence de thromboplastine (facteur tissulaire et phospholipides) et de calcium. Il explore la voie extrinséque et le tronc commun. Normalement compris entre 12 et 15 secondes.

Le "taux de prothrombine" = PT = TP

Il correspond au temps de Quick du sujet exprimé en % d'activité par rapport au temps de Quick d'un témoin. Il est normalement > 70%.

L'international normalized ratio = INR

L'INR est le rapport du temps de Quick du patient sur celui du témoin, élevé à la puissance ISI (index variant selon le réactif utilisé). Il est quasi-exclusivement utilisé pour la surveillance des traitements par AVK. L'INR d'un sujet normal est de 0,8-1,2. En cas de traitement par AVK, l'intervalle cible est généralement 2 à 3 (parfois jusqu'à 4,5).

Le temps de thrombine et la mesure de l'activité biologique du fibrinogène

Le temps de thrombine est la mesure du temps de coagulation d'un plasma après apport d'une quantité connue de thrombine. Il est fonction de la quantité et de la qualité du fibrinogène et de la présence d'inhibiteurs de la fibrinoformation (héparine,…).

L'activité biologique du fibrinogène est estimée par le fait que le temps de coagulation du plasma dilué par une solution de thrombine à forte concentration est proportionnel au taux de fibrinogène. Les valeurs normales sont de 100-400 mg/ dl.

Les dosages spécifiques des facteurs de coagulation

Ces dosages sont effectués si et seulement si les aPTT et/ ou PT sont anormaux sans explication après un premier bilan. Exprimés en % de la norme.

Le temps de reptilase

La reptilase transforme le fibrinogène en fibrine mais, contrairement à la thrombine, est insensible à l'héparine. Permet d'identifier les allongements du temps de thrombine dus à l'héparine.

L'exploration des régulateurs de la coagulation

Chaque protéine plasmatique (C,S,…) doit faire l'objet d'un dosage fonctionnel. Si celui-ci est anormal, on procédera à un dosage antigénique pour déterminer si l'anomalie est quantitative ou qualitative.

Certains polymorphismes sont assocés à un risque thrombotique accru et peuvent être recherchés (facteur V Leiden : test de résistance à la protéine C activée, polymorphisme de la prothrombine ou d'autres facteurs de la coagulation).

Allongement isolé de l'aPTT

Allongement isolé de l'APTT

L'héparine allonge l'aPTT qui est utilisé pour son monitoring. Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) ne l'allongent que modérément et de façon inconstante (il ne peut servir alors que comme dépistage en cas de suspicion de surdosage). En cas de doute sur la présence d'héparine (traitement, accidentel, prélèvement contamine), on peut utiliser des temps de thrombine et de reptilase (allongé et normal en cas de présence d'héparine).

En l'absence d'héparine, le diagnostic différentiel se pose entre la présence d'un inhibiteur de la coagulation et en un déficit de l'un des facteurs de la voie intrinsèque. On peut alors effectuer un test de correction (aPTT sur un mélange de plasmas du sujet et de témoins). Si l'aPTT reste allongé, on conclura en la présence d'inibiteurs et effectuera un test de dépendance aux phospholipides. S'il s'avère positif, on conclura à la présence d'anticorps anti-phospholipides avec un risque thrombotique élevé. S'il s'avère négatif, on conclura à la présence d'inhibiteurs de facteurs de la coagulation avec un risque hémorragique prédominant.

Si l'aPTT se corrige au test, on effectuera des dosages spécifiques pour identifier des déficits en facteurs de coagulation. Un déficit isolé en facteur VIII accompagné d'hémorragies cutanéo-muqueuses doit faire doser le facteur von Willebrand, quel que soit le temps de saignement.

Allongement isolé du TQ = diminution isolée du PT

Une diminution isolée du PT évoque l'existence d'un déficit isolé en facteur VII. Exceptionnellement constitutionnel. Traduit généralement le début d'un traitement par AVK ou d'une hypovitaminose K (du fait de la courte durée de vie du facteur VII).

Cependant, l'aPTT ayant une moindre sensibilité que le PT, on peut observer une diminution isolée du PT dans les insuffisances hépato-cellulaires modérées à sévères → Effectuer le diagnostic différentiel par un test d'administration de vitamine K ou un dosage du facteur V (diminué dans les insuffisances hépatiques, normal dans les hypovitaminoses K).

Allongement conjoint de l'aPTT et du TQ (PT diminué)

La combinaison de ces anomalies s'observe en cas :

  • D'hypovitaminose K ou d'un traitement par AVK au long cours (diminution des facteurs vitamino-K-dépendants : II, VII et X. Le facteur  V et les plaquettes étant normaux)
  • D'insuffisance hépatocellulaire (diminutions variables des facteurs synthétisés par le foie : II, V, VII et X. PT plus altéré que l'aPTT. Fibrinogène et plaquettes variables)
  • D'une coagulation intravasculaire disséminée (thrombopénie, diminution du taux de fibrinogène, élévation des D-dimères)
  • Présence de puissants anticorps anti-phospholipides (démontrée par un test de correction et un test de dépendance) ou d'inhibiteurs spécifiques contre les facteurs du tronc commun (II, V ou X)
  • Déficit isolé en fibrinogène ou un des facteurs du tronc commun (exceptionnel)
  • Inhibition de la fibrinoformation : dysglobulinémies (→ présence d'inhibiteurs de la polymérisation de la fibrine), coagulation intravasculaire disséminée, fibrinolyse aiguë ou traitements thrombolytiques (→ produits de dégradation de la fibrine)

Diminution du taux de plaquettes

Les thrombopénies sont abordées dans un chapitre particulier.

Le cas des thrombopathies

Les thrombopathies sont abordées dans un chapitre particulier. Elles sont à suspecter en cas de syndrome hémorragique, généralement cutanéo-muqueux, dans un contexte clinique évocateur (médicaments, insuffisance rénale, dialyse, syndrome myéloprolifératif,...) avec un aPTT, un PT et un taux de plaquettes normaux... bien qu'elles puissent parfois s'accompagner d'une thrombopénie.

Prise en charge thérapeutique - Traitements des troubles de l'hémostase symptomatiques aux urgences

Ils sont souvent d'installation aiguë et intense, engageant le pronostic vital. Les tests biologiques sont fréquemment faussement rassurants, étant peu prédictifs des risques de saignements ou de thromboses (pas d'exploration des boucles d'amplification, des mécanismes de stabilisation du caillot, de l'interaction avec l'endothélium,…).

Rechercher systématiquement des saignements pathologiques (spontanés ou après un trauma mineur : épistaxis bilatéral spontané récidivant et persistant > 10 minutes, hématomes extensifs, hématuries ou saignements digestifs occultes répétés, purpura, saignements en nappes [fibrinolyse prédominante?], excessifs ou récidivants).

Orientation clinique grossière :

  • Saignement muqueux, purpura → ++ origine plaquettaire
  • Saignement en nappe, reprises hémorragiques aux points de poncttion → ++ fibrinolyse
  • Antécédents familiaux (++ hémophilie A et B) ?

Evaluation de la gravité : rapidité de survenue, abondance, caractère diffus, répercussions hémodynamiques, hémorragies dans des cavités closes,…

  • → pose de 2 perfusions, biologie (groupe, agglutinines irrégulière, formule-numération, PT, APTT, fibrinogène, D-Dimères), répéter Htc/ Hb.
    • → Selon clinique et biologie : voluven, unités de globules rouges, amines vaso-actives, assurer normothermie,… si nécessaire.

Dès obtention de la biologie de base, orientation étiologique grossière pour évaluer le risque hémorragique et déterminer la prise en charge spécifique adaptée :

Troubles de l'hémostase

Selon l'orientation diagnostique, voir les chapitres dédiés aux différentes situations pour la prise en charge thérapeutique :

Types de transfusion disponibles en urgence :

  • FFP = plasmas frais congelés. Indications : coagulopathies de consommation graves avec effondrement global des facteurs de coagulation ou lorsque les fractions spécifiques sont indisponibles et hémorragies aiguës.
  • Fractions coagulantes spécifiques : fibrinogène FI, facteur VIII, IX, vWF + VIII, vWF, VII, XI, II+VII+IX+X (= PPSB), XIII, VIIa, II+IX+X, protéine C, antithrombine.
  • Concentrés plaquettaires standards ou d'aphérèse (utiles si nécessité de transfusion itératives). Déleucocytés (CMV -) si nécessité de prévenir la transmission du CMV (candidats à une greffe, immuno-déprimés CMV négatifs, thrombopénies iatrogènes ou constitutionnelles). Irradiés si greffé de moelle, déficit immunitaire congénital ou lymphome. Compatibilité ABO. Posologie ~1-2 U/ 10 kg. En cas d'inefficacité, rechercher une CIVD, un hypersplénisme, une thrombose, un PTT, un PTAI.

Auteur(s)

Dr Shanan Khairi, MD