Maladie de Horton (artérite giganto-cellulaire)

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  Auteur(s) : Dr Shanan Khairi
  Date de dernière édition : 5/11/2022

La maladie de Horton ou artérite giganto-cellulaire est une vasculite primitive (idiopathique) des artères de gros calibre, touchant principalement les artères céphaliques, à cellules géantes, segmentaire et plurifocale.

Elle est rare, d’étiologie inconnue et concerne principalement les sujets âgés. Elle est exceptionnelle chez les sujets noirs et les jeunes. L'incidence de la maladie de Horton est également réputée plus faibles chez les sujets asiatiques, arabes, latino-américains et du pourtour méditerranéen. On observe une prédominance féminine, le sex-ratio femmes/ hommes étant estimé de 2 à 3. Son incidence est de 10 cas pour 100.000 habitants par an chez les plus de 55 ans. 80% des patients atteints ont plus de 70 ans, l'âge moyen de survenue étant de 76 ans. Dans les pays développés, elle touchera 0,5% à 1% des habitants au cours de leur vie.

Il existe une association très significative avec la pseudo-polyarthrite rhizomélique (PPR). La moitié des patients atteints d'une maladie de Horton présentent une PPR et, réciproquement, 15% des patients atteints d'une PPR présentent une maladie de Horton

Clinique

Le début peut être aigu (fièvre et céphalées intenses, confusion, chute de l'acuité visuelle,...) ou, plus souvent, progressif (dégradation de l'état général, arthralgies et douleurs musculo-squelettiques chroniques, épisodes fébriles répétés, amauroses fugaces, dégradation cognitive,…). Le syndrome constitutionnel, rhumatismal et les signes céphaliques sont très fréquents en début d’affection. La clinique peut être atypique lorsque les atteintes des troncs non-céphaliques prédominent.

Le Collège Américain de Rhumatologie (ACR) a déterminé des critères diagnostiques dont l’intérêt est surtout indicatif… Quoi qu'il en soit, selon l'ACR, le diagnostic est considéré en cas de présence de 3 critères + exclusion d'éventuels diagnostics différentiels selon la clinique :

  • Début à > 50 ans (critère majeur, la maladie de Horton est tout à fait exceptionnelle avant 50 ans)
  • Céphalées ou troubles de la vue d’installation récente
  • Sensibilité, induration ou diminution de pulsatilité d’une artère temporale
  • Vitesse de sédimentation (VS) > 50 mm/ h (critère majeur)
  • Biopsie d’artère temporale montrant des lésions vasculitiques avec infiltrat lymphocytaire ou à polynucléaires avec présence habituelle de cellules géantes

Forme typique : syndrome céphalique - rhumatismal - général

Syndrome céphalique :

  • Céphalées (60%) souvent révélatrices. Le plus souvent permanentes, lancinantes et à prédominance fronto-temporale
  • Hyperpathie du cuir chevelu
  • Artère temporale parfois indurée avec un pouls augmenté ou diminué
  • Éventuelle claudication intermittente de la mâchoire (25%). Très évocatrice lorsque associée à des céphalées chroniques.
    • Plus rarement on peut retrouver des douleurs maxillaires ou dentaires chroniques mal systématisées (il n'est pas rare alors de voir le patient être renvoyé d'un dentiste vers un stomatologue vers un neurologue vers un dentiste... avec chaque fois des traitements d'essai - extractions dentaires, prothèses amovibles, antidouleurs neuropathiques - sans réelle amélioration...). Des douleurs atypiques chroniques de la gorge ou de la langue sont également exceptionnelles et tout aussi confusiogènes pour le clinicien.

Syndrome rhumatismal :

  • Présence de symptômes évocateurs de PPR (retrouvés dans 50% des cas) : douleurs des ceintures irradiant dans les membres, de type inflammatoire avec impotence maximale au réveil et dérouillage
  • Plus rare : mono, oligo ou polyarthrite des grosses articulations

Syndrome général :

A l'examen clinique objectif les signes sont généralement absents ou discrets et échappant au clinicien non expérimenté. On peut retrouver : une sensibilité à la pression des articulations des ceintures et des articulations périphériques, des pouls artériels périphériques "faibles", une asymétrie tensionnelle aux bras, des artères temporales élargies, non pulsatiles ou sensibles à la palpation. On peut également retrouver des souffles artériels ou d'insuffisance aortique à l'auscultation cardio-vasculaire. Ces signes ne sont cependant que très peu spécifiques et n'évoquent une maladie de Horton qu'en présence d'une symptomatologie évocatrice.

Syndrome ophtalmologique (20%)

La complication la plus redoutée de la maladie de Horton demeure l'atteinte de l'acuité visuelle, susceptible d'évoluer rapidement vers la cécité. Typiquement, elle consiste en l'apparition d'une diminution unilatérale de l'acuité visuelle, précédée ou non d'épisodes d'amauroses fugaces, rapidement progressive. Dans 25 à 50 % des cas, cette atteinte se bilatéralise.

De règle, toute diminution d'acuité visuelle, généralement définitive une fois installée, suspecte de Horton justifie l’instauration d’un traitement en urgence. L'objectif du traitement est d'enrayer la dégradation de l'oeil déjà atteint, de prévenir la bilatéralisation et les récidives.

  • Diminution d'acuité visuelle : amauroses (15%) fugaces ou rapidement progressives, cécité. Etiopathogénies possibles :
    • Neuropathies optiques ischémiques antérieures (NOIA) par atteinte vasculitiques des artères ciliaires postérieures, branches de l'artère ophtalmique.
    • Occlusions de l'artère centrale de la rétine ou de ses branches.
    • Neuropathies optiques ischémiques postérieures
  • Autres syndromes visuels : diplopie transitoire, ptosis, paralysies oculomotrices, hémianopsies homonymes, syndrome de Charles Bonnet

Atteinte des gros troncs artériels (jusqu'à 30% d'incidence clinique ?)

Les principaux diagnostics différentiels sont les autres causes d'aortites et, d'autant plus que les patients sont âgés, l'athéromatose.

Syndrome hépato-biliaire

Une cholestase biologique anictérique est fréquente mais des manifestations cliniques (i.e. cholécystites) sont exceptionnelles

Syndrome neuro-psychiatrique

A l'exception des neuropathies optiques (cf supra, syndromes ophtalmologiques), les atteintes du système nerveux sont très rares dans le cadre de la madie de Horton. Elles concerneraient de l'ordre de 1 à 3% des patients.

Très rarement, on rencontre des accidents vasculaires cérébraux ischémiques (pas de données quant à d'éventuels AVC hémorragiques sur des anévrismes intracrâniens vasculitiques). Moins de 0,2% des patients présentant des AVC ischémiques remplissent les critères d'une maladie de Horton. 

De façon tout à fait exceptionnelle sont également décrits : atteinte d'autres nerfs crâniens, neuropathies périphériques, dépression, démence,...

Plus fréquemment par contre, sans lésion objectivable du système nerveux central, on peut rencontrer une confusion ou une dégradation cognitive pouvant être à l'avant-plan dans le cadre d'un syndrome constitutionnel (fièvre, asthénie, anorexie, arthralgies,...) d'installation sub-aiguë.

Syndrome respiratoire (10% des patients)

Il est peu fréquent mais à reconnaître lorsqu'associé à d'autres symptômes (ex : céphalées chroniques ou syndrome musculo-squelettique) car pouvant être révélateur. Le symptome le plus fréquent est une toux non productive récidivante inexpliquée. La physiopathogénie de cette toux dans le cadre de la maladie de Horton n'est pas clair.
Très exceptionnellement, on peut également rencontrer : pleurésies récidivantes, opacités pulmonaires radiologiques réticulonodulaires, obstruction ou anévrismes des artères pulmonaires,...

Formes paucisymptomatiques

Le diagnostic est difficile à évoquer et à établir en cas d'anomalies isolées (céphalées, dégradation de l'état général, asthénie,…). On discutera éventuellement la réalisation d'une biopsie de l’artère temporale lors de telles anomalies inexpliquées et ne répondant pas à un traitement symptomatique ou empirique chez une personne âgée.

Formes exceptionnelles

Dermatologiques (nécrose du scalp, de la langue,…), mésentériques, mammaires, ovariennes, otologiques (hypoacousie), péricardites,…

Examens complémentaires

Biologie

Biopsie de l’artère temporale

Une biopsie de l'artère temporale peut apporter le diagnostic de certitude. Une échographi-doppler couleur de l’artère temporale ou d’autres vaisseaux atteints réalisée au préalable peut éventuellement aider à l’identification d’une zone à biopsier.

Examen ophtalmologique avec Fond d'oeil (FO)

Un fond d'oeil est à réaliser systématiquement dans le bilan diagnostique ou d'extension. Il peut mettre en évidence des signes d'artérites ou de neuropathies optiques. Les atteintes mises en évidence sont cependant peu spécifiques.

Examens radiologiques et isotopiques

Selon la symptomatologie, des angio-CT scanners ou angio-IRM voire un PET-scan au FDG peuvent être utiles. Ils ne font pas partie cependant d'un bilan systématique.

Exceptionnellement : artériographie conventionnelle, scintigraphie au gallium

Diagnostic

L’orientation clinique est parfois difficile mais le diagnostic est toujours à évoquer chez un sujet âgé présentant une clinique compatible en l'absence d'autre étiologie évidente, même devant des signes frustres. A contrario, un âge inférieur à 50 ans exclut virtuellement le diagnostic. L’absence de syndrome inflammatoire à la biologie doit remettre en cause le diagnostic. Une biopsie temporale devra de règle être réalisée. Si celle-ci est non contributive ou qu’elle est susceptible de retarder le traitement,  on peut procéder à un test thérapeutique : corticoïdes forte dose pendant 24 à 48 heures… cependant, la positivité de ce test ne peut être considérée comme probante qu’en cas de clinique typique à haute suspicion de Horton (possible amélioration transitoire en cas d’infection par exemple… avant une détérioration considérable !).

En cas de suspicion clinique avec atteinte ophtalmique, le traitement doit être immédiatement débuté. La biopsie temporale (devient négative après 1 mois de tt) confirmera éventuellement ultérieurement le diagnostic.

Prise en charge thérapeutique - Traitements

La survie d’un patient correctement traité est la même que celle d’un sujet sain. Cependant, des récidives sont observées chez 20-80% des patients.

  • Corticothérapie :
    • Traitement d’attaque :
      • Prednisone/ prednisolone 1 mg/ kg/ jour durant 4 à 6 semaines
        • En URGENCE : bolus de prednisolone (1g/ jour en IV) en cas de diminution d'acuité visuelle, suivi d'un relais per os aux doses habituelles. A envisager également pour d'autres manifestations sévères plus rares en poussées (ex : AVC ischémiques vasculitiques attribués à un Horton)
    • Traitement d’entretien :
      • Diminution progressive : baisse de 50% sur 4 semaines puis de 1 mg/ semaine, jusqu’à atteindre la dose d’entretien : 7 à 10 mg/ jour sur 12 à 18 mois.
  • Traitements associés :
    • Prévention de l’ostéoporose cortisonique : vitamine D3 + calcium
    • Certains recommandent un traitement anti-agréggant voire même anticoagulant du fait de l’activation possible de la coagulation en début de maladie. Pas d'EBM cependant. A envisager en fonction du contexte clinique.
    • Attention particulière aux infections opportunistes durant la corticothérapie.
  • Alternatives à la corticothérapie en cas de corticodépendance ou corticorésistance :
    • Dapsone, méthotrexate à faible dose, azathioprine,...
  • Prise en charge spécifique de certaines complications (chirurgies pour des complications anévrismales,...)

Auteur(s)

Dr Shanan Khairi, MD

Bibliographie

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