Syndromes neurologiques périphériques : mononeuropathies

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  Auteur(s) : Dr Shanan Khairi
  Date de dernière édition : 22/09/2024

Une mononeuropathie est définie comme l'atteinte isolée d'un groupe anatomique de fibres nerveuses périphériques. Les mononeuropathies sont fréquentes et dans la majorité des cas d'origine mécanique ou idiopathique. Rarement, la co-existence de plusieurs mononeuropathies peut égarer le diagnostic vers une multineuropathie ou une polyneuropathie.

Dans tous les cas de figure, il est fondamental de retenir qu'une mononeuropathie doit de règle être considérée non pas comme une "maladie en soi" mais comme le signe d'une anomalie sous-jacente (traumatique ou positionnelle, rhumatismale, endocrinienne, orthopédique, tumorale,...) à rechercher.

Syndromes radiculaires (queue de cheval exclue)

Définition, clinique et diagnostic 

Les syndromes radiculaires, résultant de l'atteinte d'une racine nerveuse, se définissent cliniquement par l'association variable de :

  • Symptômes :
    • Radiculalgie : douleur irradiant depuis le rachis à un dermatome. Augmentée à la toux, éternuement, défécation, mobilisation du rachis et généralement soulagée par le repos
    • Rachialgie (douleurs du rachis) fréquente
    • Paresthésies inconstantes, systématisées à un dermatome
  • Signes :
    • Rachidiens : raideur segmentaire, attitude antalgique, contracture paravertébrale, torticolis
    • Radiculaires : reproduction de la douleur à l'étirement de la racine, déficit sensitif inconstant limité à un dermatome (souvent en distal), déficit moteur systématisé inconstant, aréflexie, troubles végétatifs, troubles vasomoteurs, troubles trophiques

Contrairement aux signes objectifs, la douleur ne respecte pas toujours les topographies classiques. Les déficits moteurs et les altérations des réflexes myotatiques (ROT) sont très inconstants, même en cas d'atteinte sévère (dépendance de plusieurs racines).

Il faut toujours rechercher des signes associés suggérant une urgence (en particulier ne pas confondre le diagnostic avec un syndrome de compression médullaire, un syndrome de la queue de cheval ou une méningo-radiculite. Dans tous les cas, l'apparition d'un déficit moteur ou d'une altération d'un ROT constitue un signe d'alarme).

Dermatomes sensitifs classiques :

Dermatomes sensitifs

Racines cervicales 

Les atteintes supérieures (C1 à C4) sont exceptionnelles et doivent toujours faire exclure une étiologie tumorale. Les névralgies cervico-brachiales correspondent à une atteinte de C5 à Th1.

Racine

Douleur et déficit sensitif

Déficit moteur

Réflexe altéré

C5

Région deltoïdienne

Deltoïde (abduction du bras, rotation externe de l'épaule)

Bicipital

C6

face antérieure du bras, bord ext de l'avant-bras, pouce

Biceps et brachial (flexion du coude)

Bicipital, stylo-radial

C7

Face postérieure du bras et de l'avant-bras, dos de la main, 3 doigts médians (majeur ++)

Triceps (extension du coude), extenseurs du poignet et des doigts

Tricipital

C8

Face interne du bras et de l'avant-bras, doigts 4 et 5

Fléchisseurs des doigts et muscles intrinsèques de la main (interosseux)

Cubito-pronateur

Th1

Face interne du bras

Muscles intrinsèques de la main (territoire cubital), Claude-Bernard-Horner

Fléchisseur des doigts

Racines thoraciques

Leur atteinte se caractérise par des "douleurs intercostales" irradiant en (hémi)-ceinture à partir du rachis. Une hypo- ou anesthésie du dermatome est également possible. Elles sont surdiagnostiquées dans le cadre des douleurs thoraciques atypiques (généralement d'origine ostéo-musculaire) sans étiologie retrouvée. En outre, la grande majorité des cas de souffrances des branches nerveuses des racines thoraciques est également d'origine osté-musculaire (toujours évoquer une pathologie rhumatismale de type spondylarthropathies face à des "douleurs intercostales" récurrentes chez un patient jeune). La clinique étant souvent frustre à ce niveau, il est impératif de rechercher des signes médullaires sous-jacents.

Racines lombaires et sacrées 

La névralgie sciatique (L5-S1)

Clinique :

  • Lombalgies et enraidissement douloureux du rachis lombaire. Augmentées par les mouvements, efforts et la toux.
  • Signe de Lasègue de grande valeur localisatrice.
  • Signe de la sonnette (reproduction de la douleur radiculaire à la pression paravertébrale).
  • Soulagement à la flexion du rachis, augmentation des douleurs à l'extension du rachis.
  • Signes spécifiques selon l'atteinte de L5 ou S1:

Racine

Douleurs/paresthésies et déficit sensitif

Déficit moteur

ROT altéré

L5

Fesse, face postéro-externe de la cuisse, face externe de la jambe, dos du pied et hallux (+- deuxième orteil)

Péroniers, jambier antérieur, extenseurs des orteils,… (marche sur les talons impossible, steppage)

 

S1

Face postérieure de la fesse et de la cuisse, mollet jusqu'au talon et plante du pied (+- 3 derniers orteils)

Triceps sural,… (marche sur les pointes impossible)

Achilléen

Il faut toujours rechercher des signes génito-sphinctériens ou une anesthésie en selle pour éliminer un syndrome de la queue de cheval (urgence chirurgicale).

Une sciatique paralysante consiste typiquement en la disparition de la radiculalgie, remplacée par l'apparition brutale d'un déficit moteur (souvent des loges antéro-externes) généralement complet et parfois d'un déficit sensitif (urgence chirurgicale). A différencier d'une impotence fonctionnelle algique (→ administration de morphine IV et réévaluation en cas de douleurs toujours présentes) ou d'une paralysie isolée de l'extenseur de l'hallux (commune dans les sciatiques L5 et ne constituant pas un facteur de gravité).

Une sciatique hyperalgique est définie comme une sciatique non soulagée par un traitement adéquat bien suivi (repos complet et traitement symptomatique) et constitue une urgence chirurgicale relative.

Un syndrome sciatique doit également faire rechercher la notion d'une claudication neurogène et d'une clinique bilatérale ou à bascule imposant la recherche d'un canal lombaire étroit.

Autres radiculopathies lombaires 

Plus rares (L3-L4), voire exceptionnelles (L1-L2), elles doivent toujours faire exclure une étiologie tumorale. Les radiculalgies L3 et L4 sont dénommées cruralgies. Le signe de Léri (décubitus ventral → extension passive de la cuisse → reproduction de la douleur) a une grande valeur localisatrice (L3 et L4). 

Racine

Douleurs/ paresthésies et déficit sensitif

Déficit moteur

Réflexe altéré

L1

Fesse, région inguinale

 

 

L2

Fesse, face antéro-externe de la cuisse

Psoas

 

L3

Fesse, face antérieure de la cuisse, face interne du genou

Psoas, quadriceps

Rotulien

L4

Fesse, face ext de la cuisse, face antérieure du genou, face antéro-interne de la jambe

Quadriceps, tibial antérieur

Rotulien

Etiologies principales 

  • Pathologies dégénératives
    • Arthrose
    • Discopathies (banales, peuvent exceptionnellement également se rencontrer dans le cadre de maladies du collagène)
  • Canal étroit : à évoquer en en cas de syndrome radiculaire à bascule ou d'association à une claudication neurogène
  • Pathologie tumorale (osseuse, intra et extrarachidienne) à évoquer en cas de radiculopathie inhabituelle (C1-C4, L1-L2), de douleurs d'installation progressive ou permanentes ou spontanées ou rebelles au traitement médical, de dégradation de l'état général.
  • Pathologie infectieuse (spondylodiscites) → urgence médico-chirurgicale
  • Spondylarthrite ankylosante et autres spondylarthropathies
  • Maladie de Paget

Principaux diagnostics différentiels

  • Syndromes médullaires
  • Syndrome de la queue de cheval
  • Méningoradiculites (la maladie de Lyme peut être particulièrement trompeuse)
    • Notion de morsure de tique et/ ou d'érythème migrans dans les mois précédents
    • → syndrome méningé souvent au deuxième plan (++ limité à des céphalées) + syndrome radiculaire (++ radiculalgies intenses diurnes et nocturnes, ++ pluriradiculaires asymétriques)
    • → discuter la réalisation d'une ponction lombaire (PL) (lymphocytorachie, hyperprotéinorachie, normoglycorachie, bandes oligoclonales) + sérologies borrelia, HIV, syphilis,...
  • Tronculopathies et plexopathies

Examens complémentaires

Aucun examen en urgence n'est nécessaire en cas de clinique typique et en l'absence de signes de gravité. A discuter en cas d'échec après un traitement médical bien conduit, d'apparition brutale ou d'aggravation d'un déficit moteur, de douleurs non améliorées par le repos strict :

  • IRM médullaire en cas d'éléments orientant vers un syndrome médullaire ou d'une possible étiologie tumorale ou infectieuse
  • CT-scanner et radiographies du rachis (simples, face, profil, ¾) en cas de doute diagnostic ou d'indication chirurgicale possible
  • Electromyographie (EMG) en cas de doute diagnostic ou implications médico-légales
  • PL et biologie en cas de suspicion d'origine infectieuse ou tumorale
  • Radiculographie : exceptionnelle (discordance clinico-radiologique)

Eléments de prise en charge thérapeutique

Eliminer d'abord les diagnostics différentiels (! syndrome médullairesyndrome de la queue de cheval !) requérant toujours une prise en charge médico-chirurgicale urgente.

Identifier les indications chirurgicales possibles (à considérer comme URGENCES CHIRURGICALES jusqu'à preuve du contraire) :

  • Sciatique paralysante
  • Sciatique hyperalgique (non soulagées par le repos strict et le traitement conservateur)
  • Déficit moteur en progression (sub)-aiguë ou sévère
  • Syndrome radiculaire persistant à la 6ème semaine d'un traitement médical bien conduit
  • Evaluer l'opportunité d'un geste chirurgical en complément du traitement médical pour les étiologies non dégénératives

→ bilan radiologique, traitement médical, avis neurochirurgical ou orthopédique urgent +- autre avis selon étiologie

Radiculalgies rares (C1-C4 et L1-L4)

Exclure systématiquement en urgence une étiologie tumorale ou infectieuse → CT-scanner + biologie +- IRM +- PL → avis neurochirurgical et/ ou infectiologique.

Prise en charge des sciatiques sans signe de gravité

Traitement médical en 1ère intention :

  • Durant 2 à 4 semaines : interruption du temps de travail (ITT), paracétamol +- tramadol + anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) + myorelaxant, repos si nécessaire (à éviter si possible)
    • En cas de succès → poursuivre par kinésithérapie
    • En cas d'échec à la 4ème semaine → consultation ou hospitalisation rhumatologique pour infiltrations de corticoïdes ou tractions ou réalisation d'un corset (à éviter si possible : soulagement transitoire mais aggravation à moyen terme)
    • En cas d'échec à la 6ème semaine du traitement médical → bilan CT-scanner + IRM +  évaluation neurochirurgicale ou orthopédique

Prise en charge des névralgies cervico-brachiales sans signe de gravité

→ Traitement médical en première intention :

  • Durant 4 à 6 semaines : repos + paracétamol +-  tramadol + AINS (alternative : envisager medrol 1mg/ kg/ jour durant 10-15 jours) + myorelaxants + minerve cervicale
  • En cas d'échec après 6 semaines de traitement médical avec compliance thérapeutique → bilan : CT-scanner +- IRM + évaluation neurochirurgicale ou orthopédique

Syndrome de la queue de cheval

  Voir l'article détaillé: [[{{{Article cible}}}]]

Le syndrome de la queue de cheval résulte d'une atteinte de l'ensemble des racines lombo-sacrées dans le canal lombaire sous la terminaison de la moelle (première vertèbre lombaire) et constitue une urgence neurochirurgicale jusqu'à preuve du contraire. Il est abordé dans un chapitre particulier.

Syndromes plexiques

Les syndromes plexiques mêlent des signes d'atteintes de plusieurs racines. Les plus fréquents sont les plexopathies brachiales. Les examens complémentaires sont utiles en cas de plexopathie lombaire, sacrée ou honteuse (plus souvent tumorales), de doute étiologique (bilan radiologique, biologique, PL), pour préciser le niveau de l'atteinte ou de doute diagnostic avec une radiculopathie/ tronculopathie (vitesses de conduction nerveuses et électromyographie).

Plexopathies cervicales

Très rares. Les lésions des branches sensitives (++ en post-opératoire) entraînent des engourdissements au niveau de l'oreille, de l'encoche massétérine, de la région antérolatérale du cou,… L'atteinte du nerf phrénique (C3-C4) entraîne la paralysie d'un hémidiaphragme (surélevé et immobile).

Plexopathies brachiales (C5-Th1)

Formes cliniques

  • Atteinte du plexus supérieur (= syndrome de Erb) = atteinte prédominant sur C5-(C6)
    • → bras pendant, en rotation interne avec paralysie de l'abduction + hypoesthésie de l'épaule, de la face externe du bras et du bord radial de l'avant bras
  • Atteinte du plexus inférieur (= syndrome de Déjérine) = atteinte C8-Th1
    • → main en griffe et s'atrophiant rapidement, atteinte des muscles intrinsèques de la main + déficit sensitif du bord cubital du bras
    • → toujours suspecter une étiologie tumorale (métastases, néoplasie bronchique de l'apex)
  • Syndrome radiculaire moyen (= syndrome de Remak) = atteinte prédominant sur C7-(C8)
    • → déficit d'extension du coude, du poignet et des doigts + déficit sensitif de la face post du bras
  • Syndrome de Parsonage-Turner (= névralgie amyotrophique de la ceinture scapulaire)
    • ++ au décours d'une infection virale, d'une grossesse, d'une chirurgie
    • = apparition brutale d'une intense douleur insomniante de l'épaule durant 3-5 jours → disparition de la douleur → apparition d'une paralysie avec atrophie majeure de topographie C5-C6 (sus/sous-épineux, grand dentelé, deltoïde +- biceps, triceps). Typiquement unilatérale mais une atteinte controlatérale secondaire est possible
    • Evolution généralement spontanément favorable (parfois sur plusieurs années)
  • Syndrome de Pancoast-Tobias
    • → douleur constante C8-Th1, souvent paresthésiante + fréquent syndrome de Claude-Bernard-Horner
    • → Evoquer systématiquement une tumeur de l'apex pulmonaire → CT-scan thoracique
  • Syndrome du défilé costo-scalénique
    • Résulte d'une compression du contenu vasculo-nerveux du défilé (dans le creux sus-claviculaire entre la 1ère côte et les scalènes antérieurs et moyens)
    • → association variable d'une atteinte C8-Th1, d'une atteinte vasculaire (syndrome de Raynaud, diminution du pouls radial) et d'une claudication intermittente du bras. Test d'Adson = bras élevé en abduction avec extension de la tête → disparition du pouls radial
    • → rechercher systématiquement (IRM) une anomalie anatomique favorisante accessible à une correction chirurgicale (côte supplémentaire, bandes fibreuses, tumeur)

Etiologies

  • Traumatiques et iatrogènes (post-traction peropératoire, accidents de roulage, obstétricale,…) = 1ère causes
  • Tumorales = 2ème causes, toujours à éliminer en l'absence de cause traumatique évidente
  • Syndrome de Parsonage-Turner → étiologie inconnue, hypothèse auto-immune
  • Divers : post-radique, anomalies anatomiques

Plexopathies lombo-sacrées et honteuses

Clinique

La douleur est généralement au premier plan au côté de déficits sensitivo-moteurs variables :

  • Plexopathie lombaire → atteinte fémorale et obturatrice, parésie de la flexion de la cuisse, hypoesthésie de la face antéro-interne de la cuisse
  • Plexopathie sacrée → atteinte fessière/ péronière/ tibiale, aréflexie achilléenne, parésie de l'extension/ abduction de la cuisse, de la flexion de la jambe, des extenseurs et fléchisseurs du pied et orteils
  • Plexopathie honteuse → syndrome douloureux paresthésiant du périnée et organes génitaux externes, troubles sphinctériens

Etiologies

  • Tumorale (cancer colorectal/ vésical/ utérin, métastases ganglionnaires/ osseuses) = 1ère cause
    • A exclure systématiquement en l'absence de trauma évident. Très évocateurs : plexopathie L4-S1 (50% des cas), association à un syndrome compressif avec œdème d'un/ des membres inférieurs ou une masse au toucher rectal.
  • Traumatique : à évoquer d'emblée en cas de fracture du bassin ou du sacrum
  • Divers : hématome ou abcès rétropéritonéal, hématome du psoas, post-radique, endométriose, neuropathie aiguë du plexus lombo-sacré (similaire au Parsonage-Turner du membre supérieur), infectieux,…

Syndromes tronculaires

Généralités cliniques

De façon générale, les symptômes, systématisés à un territoire tronculaire, peuvent être :

  • Sensitifs : paresthésies ++, hypoesthésie, plus rarement douleurs/ brûlures/ décharges électriques
  • Moteurs : perte de force, maladresse, "gêne"

Les signes, également systématisés, peuvent être :

  • Déficit moteur + amyotrophie différée de quelques semaines
  • Déficit sensitif global inconstant et souvent limité à une partie du territoire
  • Hypo/ aréflexie
  • Signe de Tinel = palpation/ percussion du tronc nerveux provocant des paresthésies dans les segments distaux. Inconstant mais très spécifique

Les atteintes les plus fréquentes sont celles des nerfs médian et cubital pour le membre supérieur et le nerf sciatique poplité externe pour le membre inférieur.

Caractéristiques des tronculopathies les plus fréquentes et schéma des territoires sensitifs correspondants :

Territoires sensitifs tronculaires

 

Déficit moteur

Troubles sensitifs

Aréflexie

Amyotrophie

Signes évocateurs

Radial

Extension du poignet et doigts (P1), abduction pouce

Partie externe du dos de la main (tabatière anatomique)

 

 

Main en col de cygne

Cubital

Latéralité des doigts, adduction du pouce

Bord interne de la main, auriculaire, bord interne de l'annulaire

 

Interosseux, hypothénare

Griffe cubitale

 Médian

Pince pouce index

Pulpe de l'index, acroparesthésies nocturnes

 

Versant externe thénar

Signe de Tinel et de Phalen au poignet main de prédicateur (atteinte haute)

Fémoral

Psoas (flexion cuisse sur bassin), quadriceps

face antérieure de la cuisse

Rotulienne

 

 

SPE

Steppage, marche sur talon impossible

Face externe de la jambe et dos du pied

 

Loge antéro-externe de la jambe

 

SPI

Flexion plantaire du pied, marche sur pointe impossible

Douleurs plantaires

achilléenne

 

Douleurs dans les orteils à la marche (métatarsalgie de Morton)

Etiologies

Hors syndromes canalaires, les étiologies rencontrées sont :

  • Etiologies fréquentes :
    • Trauma majeur → exploration chirurgicale systématique en cas de trauma pénétrant → section du nerf (évaluer l'opportunité de microsutures) ?
    • Compressions aiguës (ex : positionnelle peropératoire) ou chroniques (ex : attitudes vicieuses répétées)
  • Etiologies rares (à ne rechercher qu'en l'absence d'étiologie mécanique évidente) : diabète, vasculites.
  • Etiologies exceptionnelles : tumorales, ischémiques (post chirurgicales/ shunts), lèpre, formes focales de neuropathies démyélinisantes,…
  • Parsonage-Turner : forme idiopathique, traitement purement symptomatique + kinésithérapie, 75% de récupération

Les syndromes canalaires sont généralement idiopathiques (carpien, Guyon) ou résultant de microtrauma répétés (tarsien) mais peuvent se rencontrer au cours de diverses pathologies : amylose, hypothyroïdie, ténosynovites, trauma, gravidique avec résolution post-partum, acromégalie, diabète, tumeur, polyarthrite rhumatoïde et autres affections rhumatismales, PAN, sarcoïdose, histoplasmose, arthrite septique, Lyme, tuberculose, hémorragie, spasticité, hémodialyse,…

Examens complémentaires

Aucun examen complémentaire n'est de règle indispensable. Un examen électrophysiologique sera néanmoins envisagé si :

  • Diagnostic douteux ou diagnostic différentiel difficile avec d'autres neuropathies ou doute quant à l'existence d'atteintes infracliniques d'autres nerfs
  • Nécessité de préciser le niveau d'atteinte (possibilité chirurgicale ?) → mesure étagée des vitesses de conduction
  • Doute étiologique → arguments pour certains mécanismes et implications pronostiques
  • Nécessité médico-légale (accident du travail, incapacités, tronculopathie peropératoires,…)

En cas de syndrome canalaire sans étiologie mécanique évidente ou de points d'appels cliniques, on envisagera un bilan biologique à visée étiologique (HbA1c, TSH, électrophorèse des protides, FAN, ANCA, FR, hémato-CRP, fonctions rénale et hépatique, VS, sérologies) et une échographie et/ ou radiographie.

Tronculopathies des membres supérieurs

Nerf médian (C7-Th1)

Syndromes pouvant se rencontrer :

  • Syndrome du canal carpien (= compression sous le ligament annulaire antérieur du carpe), fréquent :
    • Clinique :
      • Acroparesthésies (++ douloureuses) nocturnes réveillant le patient (+++ seul signe initial) diffusant souvent à l'ensemble de la main, voire à l'avant-bras
      • Fréquents signe de Tinel au poignet (reproduction à la percussion du ligament) et signe de Phalen (reproduction à l'extension soutenue du poignet)
      • Hypoesthésie du territoire médian (++ pulpe de l'index)
      • Déficit moteur inconstant et tardif de la pince pouce-index (cède à la traction)
      • Amyotrophie de la loge thénarienne externe, très tardive
      • ++ femme d'âge moyen (facteurs hormonaux) et travailleurs manuels, ++ évolution bilatérale avec prééminence de la main dominante.
    • Traitement médical = repos + anti-inflammatoires locaux (infiltrations) +- généraux. Traitement d'une éventuelle étiologie.
    • Traitement chirurgical (section du ligament) en cas d'échec médical, de déficit moteur ou de signes de dénervation
  • Le syndrome canalaire du nerf interosseux antérieur (= compression isolée du nerf dans la boutonnière des 2 chefs du rond pronateur ou sous l'arcade du fléchisseur commun superficiel) : très rare, purement moteur → déficit de flexion de la dernière phalange des pouce et index et déficit de pronation
  • Les compressions au niveau du bras sont très rares et rajoutent aux signes précédents :
    • La "main de prédicateur" (déficit des 2ème et 3ème phalanges des pouce, index et majeur)
    • Déficit de pronation de l'avant-bras
    • Déficit de flexion du poignet

Nerf cubital (C8-Th1)

La compression dans la gouttière épitrochléo-olécrânienne est la plus fréquente :

  • Résulte généralement d'appuis prolongés et/ ou répétés sur le coude, rarement d'un cal osseux post fracture du coude
  • La clinique se caractérise par :
    • Un déficit moteur des mouvements latéraux des doigts (interosseux), des fléchisseurs et extenseurs des 2ème et 3ème phalanges de l'auriculaire et annulaire, de l'adduction et de l'opposition du pouce
    • Une amyotrophie des muscles interosseux et de l'éminence hypothénar
    • Une griffe cubitale par rétractions, tardive et généralement définitive = auriculaire et annulaire repliés dans la paume de la main, 1ère phalange étendue et les autres en flexion
    • Des troubles sensitifs (paresthésies, anesthésie) du bord interne de la main, de l'auriculaire et du versant interne de l'annulaire
  • Traitement : conseils d'attitude, transposition du nerf en avant de la gouttière. Envisager également une chirurgie tendineuse en cas de griffe cubitale

Les autres sites de compression sont plus rares. La neuropathie cubitale à la main (compression dans le canal de Guyon) ou de la branche profonde (→ atteinte purement motrice) résulte généralement de causes professionnelles (usage de pelle, truelle, cisaille,… parfois de la pratique intensive du cyclisme ou l'usage d'un ordinateur). Les troubles sensitifs sont alors limités à l'auriculaire.

Le diagnostic différentiel est parfois difficile avec une atteinte médullaire focale, radiculaire ou plexique brachiale inférieure (Pancoast).

Nerf radial (C5-Th1)

Les paralysies radiales sont rares, voire exceptionnelles pour celles hors gouttière humérale.

La compression au niveau du bras (gouttière humérale) se caractérise par :

  • Un déficit moteur de l'extension du poignet et de la 1ère phalange des doigts (→ main tombante en col de cygne) + de l'extension et de l'abduction du pouce + disparition de la saillie du muscle brachio-radial (respectée dans les atteintes C7)
  • Un déficit sensitif inconstant de la face post du bras, de l'avant-bras et de la main (++ limité à la tabatière anatomique)
  • Hypo/aréflexie stylo-radiale
  • La cause en est généralement une fracture humérale / compression prolongée (bras coincé sous la tête, décubitus latéral)

Les atteintes plus hautes (creux axillaire) donnent en outre une paralysie de l'extension du coude et une aréflexie tricipitale. Le syndrome du nerf interosseux postérieur réalise une atteinte isolée de l'extension des 1ère phalanges des doigts qui sont en demi-flexion.

Etiologies : +++ compressives. Rarement : PAN, lèpre, sarcoïdose, intoxication au Pb, Parsonage-Turner.

Nerf musculo-cutané (C5-C7)

Son atteinte isolée est rare. Une atteinte sensitive isolée peut survenir suite à une compression ou une ponction veineuse → déficit incomplet (suppléance par le brachio-radial) de la flexion du coude (biceps et brachial antérieur), hypo/anesthésie du bord antéro-externe de l'avant-bras. Etiologie positionnelle ++ par hyperflexion de l'avant-bras.

Nerf circonflexe (= axillaire)

Son atteinte se caractérise par un déficit moteur, une atrophie du deltoïde et des troubles sensitifs de l'épaule. Etiologie ++ post-traumatique, hématome, Parsonage-Turner.

Nerf sus-scapulaire

Son atteinte se caractérise par une amyotrophie des fosses supra- et infra-scapulaires, des douleurs de la partie postérieure de l'épaule et un déficit de la rotation externe et de l'abduction du bras. Etiologie ++ post-traumatique, compression, Parsonage-Turner (idiopathique, traitement purement symptomatique + kiné, 75% de récupération).

Tronculopathies des membres inférieurs

Nerf sciatique (L4-S3)

Tronc commun

Une lésion proximale (sur trauma du petit bassin et de la fesse, chirurgie de la hanche, injections IM fessières, tumeurs, hématomes) → paralysie des ischio-jambiers et troubles sensitivo-moteurs dans les territoires des SPE et SPI.

Sciatique poplité externe (= fibulaire commun)

Atteinte fréquente du fait de son trajet superficiel, généralement au niveau du col du péroné. ++ par compression prolongée de la tête péronière/ travail agenouillé. Clinique :

  • Steppage par déficit du tibial antérieur, marche sur talon impossible, déficit des extenseurs des orteils
  • Amyotrophie inconstante et tardive de la loge antérolatérale de la jambe
  • Troubles sensitifs inconstants de la face antéro-externe de la jambe, du cou de pied, des orteils
Sciatique poplité interne (= tibial)

Atteinte rare, ++ au niveau du creux poplité (++ schwannome palpable). Clinique :

  • Déficit de la flexion plantaire du pied (triceps sural). Marche sur pointe impossible. +- déficit d'abduction des orteils
  • Atrophie tardive du mollet
  • Aréflexie achilléenne
  • Douleurs/ paresthésies/ hypoesthésies de la plante du pied

L'atteinte de la branche surale (saphène externe) se traduit par des paresthésies et résulte ++ de traumas, compressions, chirurgie pour varices.

L'atteinte dans le tunnel tarsien se traduit par des troubles sensitifs du talon et de la plante du pied +- déficit d'abduction des orteils.

La compression d'un nerf interdigital des orteils en regard de la tête des métatarsiens correspondants → métatarsalgie de Morton = douleur irradiant dans les orteils debout et à la marche. L'imagerie montre un névrome (nodule fibreux). Le traitement réside dans la modification de l'appui plantaire, des infiltrations locales ou, en cas d'échec du traitement médical, d'une exérèse chirurgicale du nodule. Ce diagnostic ne peut évidemment être posé qu'après exclusion d'autres causes dont le traitement est généralement plus urgent (ostéite !, fasciite,...).

Nerf fémoral = crural (L2-L4)

Son atteinte se caractérise par une paralysie du quadriceps +- du psoas, une aréflexie rotulienne et des douleurs, paresthésies et/ ou déficit sensitif de la face antérieure de la cuisse pouvant s'étendre à la face antéro-interne du genou, de la jambe et du pied.

Diagnostic différentiel souvent difficile avec les syndromes radiculaires L3 (respectant la sensibilité de la jambe) et L4 (paralysie du jambier antérieur, respect du psoas).

Etiologies : compression par hématome +++/ tumeur, rupture d'anévrisme de l'aorte abdominale, post-chirurgie petit bassin, polyradiculoplexie diabétique, vasculites nécrosantes.

Nerf fémoro-cutané = cutané latéral de la cuisse

Se caractérise par la "méralgie paresthésique" sur compression dans le ligament inguinal +++ = paresthésies douloureuses et hypoesthésie "en raquette" de la face externe de la cuisse. Rechercher une étiologie compressive et un diabète. Aucun autre signe. Traitement par AINS et infiltrations, rarement chirurgical, étiologique le cas échéant.

Nerf honteux interne = pudendal

Sur compression dans le canal d'Alcock → brûlures périnéales.

Nerf obturateur (L2-L4)

Lésions sur chirurgie de hanche, accouchement, hernie obturatrice → déficit d'adduction de la cuisse + troubles sensitifs d'une partie limitée de la face interne de la cuisse

Tronculopathies de la face = atteinte isolée d'un nerf crânien

Nerfs oculomoteurs

Voir le chapitre Troubles oculomoteurs pour leur sémiologie. L'atteinte isolée d'un nerf oculomoteur est rare.

Etiologies : néoplasies, traumas > anévrismes (carotide, communicante postérieure, terminaison du tronc basilaire, origine de la cérébrale post), fistules carotido-caverneuses et dissections carotidienne, AVC > congénital, diabète, méningite carcinomateuse, toute cause d'HTIC, syndromes paranéoplasiques (Lambert-Eaton ++), migraine ophtalmoplégique (++ III intrinsèque > III extrinsèque > IV > VI), pathos ORL (tumeurs, sinusite sphénoïdale,…), infections (méningites, encéphalites, syphilis, VZV, HIV, botulisme), intoxications et troubles métaboliques (! Wernicke !),… La première démarche consiste à éliminer systématiquement une pathologie orbitaire (tumeur, hyperthyroïdie, trauma…) simulant une paralysie oculomotrice.

Toute paralysie oculomotrice associée à un Claude Bernard Horner, des céphalées ou facialgies homolatérales doivent faire exclure en urgence (IRM) un anévrisme, une dissection carotidienne, un Horton et une pathologie de la loge caverneuse.

Nerf III = oculomoteur commun → ++ diabète et autres causes microvasculaires (hypertension artérielle,…), ++ compression (! anévrisme carotidien supra-clinoïdien, tumeurs supra-sellaires/ du sinus caverneux), Horton, syndrome de Tolosa Hunt (ophtalmoplégie douloureuse sur granulomatose chronique) et vasculites, rhombencéphalite infectieuse, sclérose en plaques, Behçet, sarcoïdose → IRM systématique.

Nerf IV = pathétique → très rare, ++ trauma et post-chirurgie, congénital, idiopathiques

Nerf VI = oculomoteur externe → ++ néoplasie, tumeur de la fosse postérieur (++ enfants), tumeurs du clivus > causes micro-vasculaires, thrombose du sinus caverneux, Wernicke,…

Nerf V = trijumeau

Voir le chapitre Céphalées – névralgies essentielles.

Une névralgie secondaire est à suspecter si : absence de zone gâchette, douleur continue, déficit sensitif objectivé (abolition du réflexe cornéen ?), paralysie d'un muscle masticateur, éruption type zonaVZV, lésion du tronc cérébral ou angle ponto-cérébelleux, syndrome du sinus caverneux, sclérose en plaques, Sjögren, sarcoïdose, méningo-radiculonévrites virales/ carcinomateuse, tumeurs locales, dissection carotide (exceptionnel).

Nerf VII = facial

Voir le chapitre Paralysies faciales. 80% des cas de PFP idiopathiques récupèrent totalement sans séquelle endéans les 3 mois avec un taux de récidive d'environ 10% (hypothèse : étroitesse du canal de Fallope → discuter décompression chirurgicale… quasi-abandonnée). Séquelles et complications possibles (évaluer injections de botox) :

  • Récupération incomplète → discuter techniques de réinnervation ou transposition musculaire, maximum à 2 ans
  • Syncinésies = synchronisation anormale de muscles de la face.
  • Syndrome des larmes de crocodile = larmoiement survenant en association au réflexe gustavo-salivaire.
  • Contractures
  • Hémispasme facial post-paralytique (rare)

Plus rarement, on observe des spasmes faciaux non paralytiques. ++ idiopathique (++ femmes de 60 ans). Rarement secondaires (tumeur de l'angle ponto-cérébelleux, conflit vasculo-nerveux, tumeurs parotidiennes, malformations de la charnière cranio-rachidienne,…). Différenciation avec des tics (du ressort du psychiatre) : synergies paradoxales (ex : haussement de sourcil concomitant d'une fermeture oculaire). Traitement = carbamazépine (300-600 mg/ jour) → baclofène si échec → toxine botulinique.

Les myokimies faciales (ondulations lentes incessantes parcourant les muscles d'un hémiface, non douloureuses, pas de mouvement) d'apparition brutale ou rapide sont très évocatrices de sclérose en plaques.

Nerf VIII = cochléo-vestibulaire = acoustique

→ atteinte vestibulaire (vertiges, latéro-déviation avec signe de Romberg, déviation des index, déviation de la marche en étoile, nystagmus) + atteinte cochléaire (surdité de perceptionacouphènes).

En cas d'atteinte périphérique → syndrome vestibulaire homogène harmonieux (diagnostic différentiel : vertiges positionnels paroxystiques bénins, Ménière,…) → si isolé : névrite vestibulaire ++. Si associé à un syndrome cochléaire → otites, neurinomes de l'acoustique, Ménière,…

En cas d'atteinte centrale →  syndrome vestibulaire dysharmonieux → ++ accident vasculaire cérébral (syndrome de Wallenberg), sclérose en plaques, tumeur de la fosse postérieure, malformations de la charnière cervico-occipitale.

Nerf IX = glosso-pharyngien

Voir le chapitre Céphalées – Névralgies essentielles. Se manifeste cliniquement par la névralgie du IX (douleur unilatérale de la base de la langue/ pharynx irradiant vers le conduit auditif externe), des troubles de la déglutition avec dysphagie, des troubles du gout, le signe du rideau (paralysie du constricteur supérieur du pharynx → déplacement de la paroi postérieure du pharynx vers le côté sain à la prononciation de voyelles), abolition du réflexe nauséeux. Doit toujours faire exclure une forme secondaire : tumeur (intramédullaire, de l'angle ponto-cérébelleux, pharyngée), diabète, Guillain-Barré, infections locales,… L'association à des syncopes inexpliquées est très évocatrice d'une tumeur ORL péri-carotidienne.

Nerf X = vague = pneumogastrique

→ voix nasonnée, luette déviée côté sain, troubles de la déglutition, altération du réflexe de toux, dysphonie.

Nerf XI = spinal

→ paralysie du sterno-cléido-mastoïdien → effacement du relief musculaire + altération de la rotation de la tête controlatérale.

→ paralysie du trapèze

Atteinte douloureuse isolée possible (2/3 des cas : post biopsie de la chaîne ganglionnaire cervicale).

Nerf XII = grand hypoglosse

→ Paralysie de l'hémilangue homolatérale avec déviation du côté sain, trouble de la déglutition et de la phonation. Atteinte isolée exceptionnelle (accident vasculaire cérébral, syringobulbie, tumeurs de la base > étiologies périphériques)


Bibliographie

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